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"Développer un argent qui puisse remplacer l’or", le défi fou de cette entreprise de Haute-Loire

Dans le cadre de sa politique de recherche et développement axée vers le respect de l’environnement, l’entreprise PEM, spécialisée dans le traitement de surface par électrolyse, vient de mettre au point un procédé révolutionnaire.

Dans l’état actuel des connaissances en matière de chimie, il s’agit d’une première mondiale. L’équipe de l’entreprise PEM, basée à Siaugues-Sainte-Marie, a développé un nouveau bain d’argent qui permet, pour certaines applications, de se passer du métal de référence dans le fonctionnement des connecteurs : l’or.Mis au point en collaboration avec le laboratoire de tribologie et dynamique des systèmes de Lyon, il permet, en outre, d’améliorer les propriétés mécaniques des pièces traitées, en particulier la résistance de contact (donc la longévité).

« L’ambition première était bien de supprimer les cyanures »

Ce projet, développé depuis plusieurs années au sein de PEM, s’inscrit dans une ambition plus globale de suppression des cyanures. En effet, cette molécule, pratique, bon marché et très efficace dans une multitude de procédés industriels, est aussi un poison cellulaire notoire.Les deux usines de l’entreprise, à Siaugues et à Saugues, sont calibrées pour pouvoir utiliser du cyanure. Des équipements et des produits chimiques sont consommés quotidiennement pour éviter tous risque pour l’environnement. Mais l’entreprise veut aller plus loin en s’affranchissant de son utilisation. « Aujourd’hui, l’entreprise continue de croître, ce qui implique l’utilisation de nouvelles machines et de nouveaux bains, mais aussi des quantités de cyanure plus importantes. L’une des conséquences est d’être catégorisée à l’avenir en site Seveso seuil haut, ce que nous ne voulons pas. De plus, un nouvel arrêté préfectoral va durcir la réglementation en matière de rejets, à compter du 1er janvier 2026. C’est une contrainte que nous avons anticipée, de par l’éthique de la société », détaille le dirigeant, Sébastien Savel.Les deux principaux procédés consommateurs de cyanure sont ceux de l’argenture (le dépôt d’argent) et du traitement de l’aluminium. Deux doctorantes, Laura Gœury et Mathilde Domaison, mais aussi Quentin Soulier (master 2 en traitement de surface et formulation) et Philippe Gendre (docteur ès sciences en chimie, 27 ans chez PEM), travaillent spécifiquement sur l’invention de nouveaux procédés permettant de se passer des cyanures.Les marchés concernés sont ceux de l’automobile et plus généralement des connectiques de puissance (disjoncteurs, interrupteurs, etc.). Les commodos de phares ou de clignotants présents dans nos voitures font, par exemple, partis des pièces traitées au sein de l’entreprise PEM.pem nouveau bain d'argent équipe de chimistesAu-delà de l’aspect éthique et environnemental, l’intérêt de concevoir un nouveau bain d’argent est aussi économique. En effet, lorsque Sébastien Savel a demandé à son équipe de chimistes, il y a 4 ans maintenant, de développer une nouvelle manière de faire, c’était en considération de la hausse du prix des métaux, notamment de l’or.Et il a eu raison. En janvier 2020, le précieux métal jaune était encore en dessous des 46.000 euros kg. Le cours actuel est proche des 73.000 euros/kg ; là où l’argent se négocie aux alentours des 1.000 euros/kg. Or, il y a de plus en plus de communication dans les véhicules électriques et hybrides actuels, donc de plus en plus de connecteurs utilisant de l’or.

Une phase commerciale/qualité

« Je suis intimement persuadé que les constructeurs et les équipementiers automobiles vont chercher des pistes de productivité et de réduction de coût », affirme le dirigeant de PEM, avant d’ajouter : « L’ambition première était bien de supprimer le cyanure et, tant qu’à procéder différemment, de développer un argent qui puisse remplacer l’or dans certaines applications ».Les bains d’argent sans cyanure existent déjà dans certains domaines. Mais là où les chimistes de PEM ont sans aucun doute révolutionné leur métier, c’est qu’ils ont mis au point un argent qui permet, pour des applications précises, d’apporter aux pièces traitées les mêmes qualités de conductivité que si elles avaient été traitées avec de l’or. Pour l’heure, les essais industriels sont encore en cours. C’est d’ailleurs l’un des points forts de l’entreprise : avoir une entité recherche et développement en connexion avec l’outil industriel. « Le jour où nous avons besoin de vérifier qu’un procédé fonctionne industriellement, nous avons le terrain de jeu à côté », confirme Philippe Gendre.« Quand on arrive sur les marchés, on est capable d’aller voir les clients en leur disant que ça marche, car on a nous-mêmes fait des essais », abonde Sébastien Savel.Le « nouvel argent » fonctionne, c’est une certitude. Mais les équipes souhaitent encore optimiser leur process. Le déploiement industriel sur les machines est prévu, de façon progressive, dans les prochains mois. Il y aura auparavant une phase commerciale/qualité. En clair, PEM va devoir faire qualifier son innovation par les entreprises qui utilisent déjà de l’argent. « Les clients, pour qui on fait actuellement des dépôts d’argent, vont devoir valider les nouveaux dépôts. Cette approbation nous servira par la suite de tremplin pour leur proposer de substituer l’or à l’argent dans les pièces qu’ils produisent ».La fin des des essais industriels pourrait donc intervenir en décembre 2024. S’en suivra la démarche auprès des clients en 2025, puis la sortie des premiers produits remplaçant l’argent existant mi-2025. Ainsi, ils pourraient donc arriver au cours du deuxième semestre 2025, voire début 2026. 

Antériorité.

Le nouveau bain d’argent ne fera pas l’objet d’un brevet, car cela reviendrait à publier les « secrets » de fabrication, sans parler du coût important. De plus, l’objectif de PEM n’est pas de commercialiser ce procédé, mais de l’utiliser sans avoir à payer de royalties. En revanche, pour se protéger, l’entreprise a déposé une enveloppe Soleau. C’est une preuve d’antériorité d’une création que l’on peut utiliser en France pour obtenir de façon certaine la date d’une invention, d’une idée, d’une œuvre en la déposant à l’Institut national de la propriété industrielle.

Vers un argent qui ne s’oxyde plus ?

Dans le cadre de la création du nouvel argent, les équipes de PEM travaillent actuellement à limiter la sulfuration de ce métal. Il faut savoir que, contrairement à l’or, l’argent peut s’oxyder. C’est la fameuse patine brune qui recouvre l’argenterie au fil du temps. L’objectif est de mettre au point une solution qui serait ajoutée dessus, dessous ou dans l’argent, pour retarder le phénomène de sulfuration. Ce dernier, s’il n’altère en rien les propriétés d’emploi, peut constituer un souci esthétique. Aussi, dans l’optique où cette « solution » serait trouvée, il est fort probable qu’elle intéresse un autre type de marché, lui aussi mondial : celui de la bijouterie.

Cédric Dedieu

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