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Les 80 ans de la libération de Montluçon : "J'ai donné l'ordre de ne pas tirer", se souvient Roger Dupérat

24 août 1944. Un détachement de vingt-cinq hommes, partis la veille du maquis de Toulx-Sainte-Croix (Creuse), prend position dans une maison située à l’angle de l’avenue des Étourneaux et de la rue Jean-Billaud à Montluçon.

Les premiers résistants ont pénétré dans la ville le dimanche 20 août au matin, la libération de Montluçon est proche. Le sergent Roger Dupérat, qui a fêté ses 100 ans le 14 février 2024 à Huriel, est à la tête d’un groupe de sept hommes : Loulou Brisquine (19 ans), Émile Lafarge (25 ans), Serge Nermrod (20 ans), Lucien Bertont (36 ans), Adolf Ellert (35 ans), André Jeanzel (19 ans) et Robert Gannat (21 ans).

Des missions de surveillance

Certains sont équipés de fusils, d’autres de stens (pistolet-mitrailleur britannique). Tous s’en sortiront sains et saufs. "Après la guerre, je n’ai plus revu mes compagnons de combat", commente le centenaire qui, un mois plus tard, participe à la libération de Châteauroux où "j’ai fait prisonnier quatre Allemands".

Quand j’ai rejoint le maquis de Toulx-Sainte-Croix, je venais tout juste de connaître ma femme. Nous n’étions pas encore mariés.

Originaire de Champigny-sur-Marne, en région parisienne, il avait intégré au début de la guerre l’Armée d’armistice "parce qu’on crevait de faim". "En fait, je voulais entrer dans l’aviation et être pilote".

En novembre 1943, il est muté à Huriel avec un petit groupe d’aviateurs pour "des missions de surveillance". "À Toulx-Sainte-Croix, il y avait des aviateurs comme nous. Quand ils ont pris le maquis, on est allé avec eux. De par mon expérience militaire, j’ai participé à la formation des chefs de combats".

Les 80 ans de la libération de Montluçon : cinq jours de combats dans la ville

Empêcher les Allemands de s'enfuir par la route de Guéret

Le 23 août 1944, le groupe de maquisards arrive par car à Quinssaines. À pied, il rejoint "les Grises". "On nous a fait prendre position sur une crête d’où l’on pouvait voir la caserne", raconte Serge Nemrod dans un entretien consacré à La Montagne le 24 août 1994. "Le but était d’empêcher les Allemands de s’enfuir par la route de Guéret".

Le lendemain, les combattants s’installent donc dans une maison située à proximité du stand de tir de la caserne Richemont. Le site est stratégique car il permet d’observer les mouvements de troupes allemandes sur la route de Guéret. "Je crois qu’il y avait une mère et son fils dans la maison", précise Roger Dupérat. "Il n’y avait pas d’escalier à l’intérieur pour accéder au premier étage. Il fallait donc passer par l’extérieur ce qui représentait un certain danger".

Bazooka contre auto-mitrailleuse

Le centenaire se rappelle très bien d’une auto-mitrailleuse allemande arrivant du carrefour de l’ancienne route de Prémilhat. "On avait un bazooka mais on n’a rien touché". Serge Nemrod, toujours dans La Montagne du 24 août 1994, complète : "Le premier essai n’a donné qu’un petit pet qui n’est allé qu’à mi-distance de la cible. Au second, c’est allé un peu plus loin mais on n’a jamais touché la voiture".

Ce jour-là, Roger Dupérat a aussi en mémoire un groupe d’hommes passant derrière une haie qui reliait le château de Bien-Assis à l’entrée du stand de tir.

Ne sachant pas à qui j’avais affaire, j’ai donné l’ordre de ne pas tirer. Je me suis dit que jamais plus je ne partirai en opération sans jumelles. Et c’est à Boussac qu’un colonel en retraite m’a donné ses jumelles.

À court de munitions, le petit groupe commandé par le sergent Dupérat décide de quitter la maison."J’avais fait une corde avec des draps et on est descendu comme ça. On est parti en direction de la ligne de chemin de fer et moi je suis rentré dans la Creuse".

Les Guerilleros, les héros méconnus de la libération de Montluçon et de la Résistance

Le colonel Fabre s'entretient avec des membres de la Résistance dans la cour de l'hôpital de Montluçon.

Colonel Fabre. Le 25 août 1944, le colonel Fabre s’entretient avec des résistants dans la cour de l’hôpital de Montluçon (document Musée de la Résistance). De son vrai nom Ernest Frank, il a commandé l’état-major des FFI lors de la libération de Montluçon, puis les FFI de l’Allier. Cela représentait vingt-sept formations de la Résistance, soit environ 2.500 hommes. Né à Strasbourg en juillet 1909, dans une famille d’industriels, il était docteur en droit. Rayé de la magistrature par les lois antisémites de l’État français, il a rejoint aussitôt la Résistance. Après-guerre, il a repris une carrière de magistrat, notamment comme président de la cour d’appel de Colmar. Il est décédé le 19 juillet 2003 à Paris.

Capitaine Michel. Décédé en 2008, Émile Mairal a été l’un des acteurs majeurs de la libération de Montluçon. Le "capitaine Michel" était à la tête d’une compagnie composée d’une centaine de maquisards. C’est lui qui a donné l’ordre à ses hommes d’investir la caserne Richemont, le 24 août, pour s’assurer que les Allemands étaient partis. "Je tenais une position comprise entre la crête des Guineberts et la rue Pierre-Curie en faisant face aux lisières sud de la caserne", explique-t-il dans un entretien à La Montagne daté du 21 août 2005. Dans un document publié par le conseil départemental en 1994, il raconte que "la garnison de Montluçon était un point d’appui essentiel à la manœuvre en retraite des forces allemandes".

Fabrice Redon

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