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"On va s’en souvenir toute notre vie" : des Corréziens vont vivre la course à pied de leur vie, ce samedi soir, à Paris

« Quand je suis allée acheter une paire de baskets dans un magasin de Brive, le vendeur m’a demandé pour quelle course j’en avais besoin. Je lui ai répondu que c’était pour le 10 km du Marathon pour tous des Jeux olympiques. À ce moment-là, j’ai vu dans son regard une pointe de jalousie. Bon, il m’a quand même conseillé les meilleures chaussures de sport… (rires) »

L’anecdote, racontée par Aline Teyssier, qui habite Allassac « depuis trois ans », dit tout de l’enthousiasme qu’a suscité le Marathon pour tous, cette épreuve grand public qui fait son apparition au programme des Jeux. À travers le monde, des centaines de milliers de coureurs amateurs ont tenté, ces derniers mois, d’obtenir un précieux dossard sur l’un des deux formats proposés. Seuls 20.024 d’entre eux ont été retenus sur la distance mythique (42,195 km), autant sur le parcours de 10 km. Parmi eux, des Corréziens, conscients qu’ils vont vivre, ce soir, sur le bitume de la capitale française, la course de leur vie.

« On est une poignée de chanceux, de privilégiés », synthétise Aline Teyssier, 40 ans, qui s’élancera, donc, sur le 10 km :

« Je n’ai pas dormi pendant une semaine quand j’ai su que j’étais sélectionnée. Je n’en revenais pas. »

C’était il y a plus de deux ans. Et même si la performance sportive l’importe peu, cette professeure de français et d’anglais au lycée agricole de Voutezac a tenu à « bien faire les choses, notamment par respect pour celles et ceux qui n’ont pas pu avoir un dossard ».

« Je me prépare réellement depuis un an, car la première année, j’ai vraiment galéré, confie-t-elle. Je me suis fracturé la mâchoire en trois morceaux, puis j’ai eu un cancer du col de l’utérus, j’ai dû subir une opération. Un coach m’a accompagnée, une diététicienne aussi, pour que je remonte la pente et que j’atteigne mon objectif : courir sans souffrir et en prenant beaucoup de plaisir le jour J. Je pense être prête. »

« J’ai même fait une reconnaissance du parcours à Paris, ajoute-t-elle. Depuis, quand je m’entraîne entre Allassac et Saint-Viance, à raison de quatre footings par semaine, dans ma tête, je suis à Paris. Je visualise les monuments qui se trouvent sur le tracé. »

« On est des chanceux, des privilégiés »

Au départ de l’Hôtel de ville, à partir de 23 h 30, les participants, représentant 127 pays, vont en prendre plein les yeux jusqu’à l’arrivée, située sur l’Esplanade des Invalides. « On va s’approcher de la flamme olympique, dans le jardin des Tuileries, on va passer à proximité du musée du Louvre, on va courir sur les quais de Seine, détaille-t-elle. Comme l’épreuve se tient de nuit, les monuments vont être éclairés, ça va être magique. Je suis fière et impatiente de relever ce défi aussi pour mon fils, mon ex-mari, mon papa, ma compagne…, qui sont des soutiens sans faille. »

« C’est une chance exceptionnelle, appuie Dominique Moreau, 42 ans, autre Corrézien aligné sur le 10 km. Jamais je n’aurais pensé vivre un tel moment un jour. Il restera gravé à tout jamais dans ma mémoire, mais aussi dans celle de mes trois enfants. Savoir que leur papa va participer à une épreuve des Jeux olympiques, ça les fait rêver. »

Jean-Claude Senaud, ancien DTN originaire de Corrèze, a vu grandir toutes les stars du judo français

Ingénieur œnologue, cet habitant de Saint-Hilaire-Peyroux ne s’inquiète pas des 10 km qu’il va devoir avaler. « Je ne ressens ni stress, ni pression particulière, assure-t-il. C’est une formalité. Je cours régulièrement, trois à quatre fois par semaine, autour de Saint-Hilaire, Cornil, Aubazine. De toute façon, je n’y vais pas pour l’exploit sportif. J’y vais pour participer à la fête qui va être grandiose, dans un décor de rêve, à l’image des Jeux à Paris. Au tout début, je m’étais dit que ce serait l’occasion de faire un chrono sortant de l’ordinaire mais, finalement, je préfère me laisser prendre par l’événement, lever les yeux pour regarder les monuments, et en profiter à fond. Il va y avoir du monde partout, l’ambiance va être belle. Ça n’arrive qu’une fois dans une vie, ce genre de choses. »

À 21 h 20, Claude Lhomme partira, lui, pour 42,195 km via neuf communes, dont Paris, bien sûr, mais aussi Boulogne-Billancourt, Versailles, Issy-les-Moulineaux. « Je cours depuis quarante ans, mais je ne suis pas un marathonien », avoue ce retraité de 64 ans, domicilié à Clergoux, « où on est à fond derrière [lui] », qui ne compte qu’un seul marathon à son palmarès : « C’était à New York, en 1985. Et pas forcément un bon souvenir… »

Trente-neuf ans plus tard, il renouvelle l’expérience. « Il va falloir qu’on m’aide à l’arrivée », plaisante-t-il. Avant de reprendre son sérieux : « À l’approche du grand jour, une forme d’angoisse monte, ça me fait un peu peur, d’autant plus que ce n’est pas un marathon comme les autres. »

« Exigeant », le parcours – le même que pour les coureurs professionnels (ce matin pour les hommes, demain matin pour les femmes), présente « un dénivelé positif (438 m entre le 15e  et le 32e km, NDLR) que l’on ne retrouve jamais sur un marathon », analyse Claude Lhomme, qui craint particulièrement « la côte du Pavé-des-Gardes (au km 28, à la sortie de Chaville, dans les Hauts-de-Seine, NDLR) ». Un mur de 700 m, avec une moyenne de 10 % d’inclinaison. Costaud.

« Je me suis entraîné pour aller au bout, souffle-t-il. Tant pis si je mets plus de temps que prévu, d’autant qu’il va faire chaud, même si la course est programmée le soir, heureusement d’ailleurs. L’essentiel, c’est de profiter au maximum de cette aventure extraordinaire. On va s’en souvenir toute notre vie. »

Guillaume Blanc

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