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Zoom sur… les bienfaits du froid !

Si la cryothérapie a le vent en poupe depuis plusieurs années, on retrouve l’usage du froid dans le milieu sportif à plus d’un titre. C’est même devenu un sport à part entière… On vous embarque dans un autre monde maillot gelé, pour ne pas dire givré ! Par Léa Borie, Extrait de Women Sports magazine n°31 janvier-février-mars 2024.

Petit topo sur le froid médical

Ce ne sont pas les sportifs à proprement parler qui ont commencé à l’utiliser, mais leurs médecins. En cause, l’action antalgique que le froid procure. En ralentissant la conduction nerveuse, il agit sur l’inflammation des muscles et œdèmes. Il stimule la circulation sanguine, favorisant l’oxygénation des muscles.

Rhumatologie, traumatologie aiguë… nombreuses sont les pathologies sur lesquelles la thérapie par le froid a une emprise. En kinésithérapie, les dispositifs de cryothérapie à air pulsé à -30°C agissent sur la zone douloureuse à traiter. Les produits de compression à air glacé, eux, entourent le membre (cheville, genou…). Lors de lésions sportives, la cryothérapie intervient en traitement naturel des inflammations et hématomes, contractures musculaires, déchirures…

Cryothérapie en centre spécialisé : le soin par le froid encapsulé

Une technique plus globale est arrivée, le traite­ment de cryothérapie du corps entier (CCE). Cette solution thérapeutique non médicamenteuse consiste à entrer dans une cabine projetant de l’azote. Pour être efficace, la température corpo­relle doit chuter rapidement et donc s’exposer à un choc thermique, soit une température avoisinant les -140°C, avec en guise d’équipement maillot, gants, chaussettes. Sacré programme !

CRYO ADVANCE, centre de mieux-être au cœur des structures médicales

Elle est à l’origine, avec son conjoint, de l’un des plus grands centres de cryothérapie de France, ouvert à Annecy. Alizée Bonnefond a cofondé Cryo Advance en 2016 après une errance médicale autour de son entésophatie (forme de tendinite). À l’époque, la Lyonnaise a dû se rendre à Aix-en- Provence pour traiter sa douleur : un succès, et une opportunité de lancer son concept. Depuis, son activité, implantée au sein des cabinets médicaux, permet de mettre en place un travail pluridisciplinaire avec médecins et kinés en gestion de la douleur.

« La plupart des gens ne sortent pas du schéma douleur/traitement médicamenteux. Alors qu’avec la cryothérapie, on charge le cerveau d’une information de stress positif pour mettre en place un mécanisme de lutte contre l’hypothermie. Cela permet une sécrétion importante d’hormones qui crée une boucle mécanique réflexe. » Une efficacité jusque dans son sommeil, ajoute Alizée. « La cryothérapie est d’ailleurs utilisée au Tour de France pour faire retomber l’adrénaline qui empêche les coureurs de dormir entre deux courses. »

Quand mettre du froid en cas de blessure sportive ?

On l’apprend en formation de PSC1 (Prévention et secours civiques) notamment, on ne met pas du froid ou du chaud dans n’importe quelle circonstance !

On a recours au froid dans les premiers jours suivants une blessure pour contrôler l’inflammation – tendinite, claquage, foulure, entorse, etc. Chez soi, façon système D, on peut appliquer poche de gel, bombe de froid, pain de glace, torchon enfermant des glaçons, ou même un sac de légumes congelés !

Néanmoins, ce sera rarement d’usage pour un torticolis, une douleur lombaire ou sciatique, qui demanderont davantage du chaud.

Le froid sportif : si, l’eau est chaude !

A la montagne et dans des contrées plus fraîches, ils ont poussé le bouchon plus loin avec des bains froids, pour ne pas dire gelés, une pratique jusqu’à récemment encore confidentielle. On est allé à la rencontre d’experts, de sportifs et de coachs, pour tenter d’y voir plus clair sur le ice swimming. Ça peut paraître un brin barjot mais cette pratique, bien qu’hors norme, est encadrée par la Fédération française de natation et l’IISA (International Ice Swimming Association). Il ne manquerait plus que la discipline rejoigne les JO d’hiver à Milan !

Petit guide des bonnes pratiques

  • Ne pas pratiquer seul
  • Y aller progressivement en température
  • Trouver un coin facile d’accès où l’on peut sortir de l’eau rapidement
  • Ne pas prendre de douche chaude après mais boire du thé pour réchauffer le corps de l’intérieur vers l’extérieur .
  • Attention aux contre-indications (insuffisance circulatoire, hypertension artérielle, grossesse, phlébite…)

Mettre le corps en condition… extrême !

Condition extrême avec Dr Alexandre Fuzeau dit Docteur Ice

  • Plonger le corps dans cette atmosphère hostile n’est pas anodin. Il faut pour ça le sécuriser. C’est ce que nous explique Dr Alexandre Fuzeau, médecin généraliste dans l’Eure mais aussi recordman de France du 1 000 m dans une eau à 0°C : « Nager dans ces conditions demande au corps de faire des efforts physiques maximaux dans un froid extrême qui est théoriquement contraire à la loi du sport. » Une nage de ce type de 10 minutes équivaudrait à un semi-marathon en termes de conditions physiques et mentales. Le docteur s’est intéressé aux bienfaits de cette pratique, pour ensuite « faire connaître ses effets sur le corps et expliquer que ce n’est pas si inaccessible que ça en a l’air. »
  • Pour autant, pour se jeter à l’eau, Dr Ice estime qu’il faut être assez audacieux pour affronter ses limites. « Parce qu’à 10/12°C on peut tous rentrer facilement, à 5°C on s’attaque aux conditions ex­trêmes, mais à 0°C on approche un autre monde », lance-t-il.
  • Comment le corps réagit au froid

« Le froid n’est pas hospitalier au corps, il l’oblige à réagir. Un bain chaud relâche le corps mais ne le stimule pas comme le froid. ». Forcément, le corps fatigue, comme toute pratique sportive d’ailleurs. Le froid est un dopant naturel mais il ne faut pas en abuser au risque de s’épuiser. D’autant que des hormones euphorisantes et psychosti­mulantes sont mobilisées (endorphine, adrénaline…).

  • On tombe moins malade…

Les études ont démontré dans le cadre de cette pratique que, chez les personnes entraînées, une augmentation de 40 % de production de globules blancs était ainsi observée, de quoi se défendre plus effica­cement contre les infections ! Le docteur a d’ailleurs remarqué que les nageurs qu’il entraîne souffrent peu de rhumes hiver­naux. « Tout se passe comme si le froid sti­mulait toutes les capacités corporelles, et que le corps réagissait par tous les moyens possibles ! »

  • Pas tous égaux face au froid

Dans notre monde occidental, et no­tamment en France, on fait tout pour endormir le corps, en le lovant à 27°C, en l’enveloppant d’un pull à la moindre brise, pendant que les Britanniques se trimballent en t-shirt par tous les temps.

C’est d’ailleurs ce qui explique que cer­tains pays aient moins de mal à affron­ter le froid. « Si on est régulièrement en contact avec lui, le corps pourra réagir activement. Il est fait pour s’adapter. Or, si l’on vit toujours à la même tempéra­ture sans produire le moindre effort, on provoque un endormissement physique et psychique ». Réveillez-vous !

Néanmoins, rasseyons-nous, car il y a de la génétique là-dedans. Cela permet une certaine humilité. Dr Ice reconnait aussi un désavantage côté féminin ; en cause, la répartition du gras et les œstrogènes. De plus, il faut un bon rapport muscle/ gras pour aller vite et se tenir chaud. Dr Fuzeau évalue à environ 20 % de masse grasse un bon profil de nageur des glaces, plus trapu et moins élancé qu’en piscine olympique.

  • Et le mental dans tout ça ?

Comme dans tous sports extrêmes, 50 % réside dans le mental, pose le docteur. « J’ai remarqué que lorsqu’une personne est hésitante avant d’entrer dans l’eau, elle ne finira pas ses 1 000 m et sera repêchée avant ».

  • Se préparer au froid glacial

On se prépare en y allant progressive­ment. Le docteur propose de s’y prendre tôt, en octobre et de démarrer par des températures à 15°C. Il faut aussi connaître les conditions climatiques (vent, pluie, neige, absence de soleil…)

La bonne tenue, celle qui sera admise en compétition, est un simple maillot de bain et un bonnet de bain !

« Plus on nage vite, moins on reste longtemps ! »

Au Club des Vikings de Rouen, j’appelle Valérie Giros, première femme à avoir parcouru le Ice Mile !

Initiée par le Docteur Fuzeau (ci-contre), Valérie Giros, 45 ans, a trempé ses orteils pour la première fois au froid il y a quatre ans, en participant au premier championnat de France de nage en eau glacée à Vichy. Elles n’étaient que six femmes à tenter les 1 000 m ! Mais deux ans plus tard, elle s’essaie même au mile (1,61 km) dans un eau à 5°C ! « Plus froid, autour de chez moi en Normandie, on ne pouvait pas, alors j’ai cherché à faire plus long. Mais il faut savoir nager bien et nager vite ! » Maintenant, son objectif est d’améliorer son temps au kilomètre.

Celle qui passe toute l’année les orteils à l’air dans des tongs ne craint pas le froid, et reste toujours à l’écoute de ses sensations. « Traverser une pelouse humide un matin frais fait partie de mes petits plaisirs ». Pour se préparer plus sérieusement, Valérie a demandé à sa copropriété d’installer en bas de son immeuble un bac de récupération d’eau pour s’immerger en statique. Pour ne pas être seule, c’est souvent sa mère qui est présente. « Certains discutent autour d’un thé, nous c’est autour d’un bac d’eau froide ! », s’amuse-t-elle. Son approche est pleine d’humilité : « En compétition, on est face à l’élément. Pas de concurrence entre nous, on lutte contre le froid, pas pour doubler l’autre. On est tous logés à la même enseigne ! »

C’est aussi en pensant à son fils, autiste asperger, que la nageuse boucle ses défis, prenant le sport comme vecteur de force malgré les difficultés.

Rencontre au pied des montagnes

Quittons la Normandie au profit de la Haute-Savoie. Une autre tête brûlée a participé aux dernières éditions des Championnats de France en eau glacée. Carrie Wilmot, Britannique de 56 ans, prof de nage à Samoëns, s’adonne à la pratique depuis plusieurs années. C’est au lac Bleu de Morillon qu’on la retrouve le plus souvent.  

  • WOMEN SPORTS : DEPUIS QUAND NAGEZ-VOUS ?

CARRIE WILMOT : J’ai appris à nager en­fant, près de Birmingham en club, avant d’entrer en école de natation jusqu’à mes 15 ans. C’est à 30 ans, à la rencontre de mon mari, que j’ai repris sérieusement la nage en compétition. J’allais dans l’estuaire de la Tamise étant jeune. Mais c’est lorsque nous avons emménagé en Haute-Savoie au milieu des lacs que les choses ont changé. J’ai ren­contré une personne qui nageait toute l’an­née en extérieur. C’est comme ça qu’on a démarré, il y a 5 ans. Un jour de grand froid, le lac était gelé, nous sommes allés faire un trou pour entrer dans l’eau, on s’est régalé !

  • DE LÀ À FAIRE DES COMPÉTITIONS EN EAU GLACÉE…

Quand j’ai perdu mon papa, ça m’a soulagé de nager en eau froide avec un objectif der­rière. Nous avons créé un groupe WhatsApp, Samoëns Swim Clan pour agrandir le cercle des givrés, passé de 5 à 80 adeptes ! Des personnes d’Annecy, dont l’eau n’est pas assez froide, viennent s’entraîner. Lors du Championnat du monde 2023 à Samoëns, j’ai eu plusieurs médailles en 50 m, 100 m 4 nages et 100 m brasse, bien que je ne sois pas une nageuse d’élite !

  • QUEL EST VOTRE SECRET POUR TENIR DANS UNE EAU SI FROIDE ?

La régularité. Il faut que le corps s’habitue. On peut suivre un programme de respira­tion pour se calmer type Wim Hof mais moi j’ai surtout besoin d’un travail mental pour y aller par tous les temps. Aujourd’hui, j’at­tends avec impatience l’arrivée du froid, c’est devenu comme une drogue, même si chaque année ça devient plus difficile car je sais ce qu’il m’attend… Je nage jusqu’à ce que je sente que mes doigts et mes orteils m’indiquent que c’est suffisant. Ils sont mes meilleurs indicateurs.

  • QUELLE TENUE ADOPTEZ-VOUS POUR NAGER EN EAU FROIDE ?

Lors des entraînements, je me permets le luxe de porter 2 bonnets de bain en latex. En compétition, un seul est autorisé sans néo­prène. Je mets des bouchons d’oreille car le froid peut faire mal aux tympans.

Les dangers de la pratique

  • « Vous nagez seul dans un lac à 3°C depuis 40 minutes et commencez à ne plus sentir vos bras. Si vous ne vous écoutez pas immédiatement, vous vous mettez en danger » Docteur Ice
  • « De rester trop longtemps en statique. Il m’est déjà arrivé de faire un malaise » Valérie Giros
  • « La sphère cardiaque et l’immobilité sont nos alertes. C’est en restant plusieurs minutes sans bouger dans l’eau qu’on risque l’hypothermie » Guillaume Ulisse
  • « Dès qu’on se sent trop bien dans l’eau, c’est qu’on part en hypothermie ! » Florian Milesi

Quelles sont vos sensations dans l’eau glacée ?

  • « Je sens des fourmis, notamment dans les épaules » Carrie Wilmot
  • « Le plus dur reste quand on sort de l’eau… » Valérie Giros
  • « Une sensation de brûlure dérangeante qui donne envie de fuir. Pour le corps, c’est le même système nerveux sollicité que lorsqu’on se brûle » Guillaume Ulisse
  • « J’apparente cela à de l’acuponcture naturelle. Et on met son cerveau sur off pour mettre l’attention sur autre chose. » Florian Milesi

Les grands bienfaits du grand froid

  • Accélérer la récup, limiter les courbatures
  • Réduire la douleur, les spasmes musculaires
  • Améliorer la fonction respiratoire
  • Augmenter la tonicité de la peau

Activités froid :  des Hautes-Alpes à la Savoie

Apprécier le froid avec Guillaume Ulisse

Moniteur d’escalade, de VTT et de canyo­ning dans les Hautes-Alpes l’été, et pis­teur secouriste en station de ski l’hiver depuis une trentaine d’années, Guillaume Ulisse propose aussi des sorties bien-être en proie avec le froid en pleine rivière ou sur un lac.

Ces ateliers nommés « Immersion Nordique » sont le résultat d’une observation personnelle de la part de Guillaume Ulisse. « J’ai remarqué sur mon corps une certaine dégradation de la perception du froid et de son incidence. D’année en année, en canyoning, je le sup­portais de moins en moins. Cette dégrada­tion est le cas de beaucoup d’adultes. On voit les enfants jouer des heures dans une eau à 20°C. C’est pourquoi j’ai décidé de réapprécier le froid. »

Lutter pour se renforcer

« Outre les spécificités liées à des entrants comme l’alimentation, ce qui est confor­table nous affaibli. Notre ami est l’incon­fort. Tout ce qui n’est pas sollicité correc­tement s’altère, s’atrophie. En sortant d’un environnement stérile, on est vulnérable », déclare Guillaume. Il décide alors de « sor­tir de sa zone de confort en limite de capa­cité adaptative, de tirer sur l’élastique sans le casser ». Pour lui, cela se traduit par le fait d’apprivoiser le froid, en évoluant vers un aspect méditatif pour renforcer le men­tal. Un programme musclé !

Le froid dans tous ces états

Lors des sorties qu’il organise, Guillaume se sert de ce qui est omniprésent dans le Pays des Écrins : le froid, liquide dans l’eau, gazeux dans l’air ou solide avec la neige, le tout associé à l’ensoleillement et à l’al­titude. De décembre à mars, des ateliers de trois heures sont dispensés par petits groupes pour expérimenter.

Le chaud et le froid, bons à marier

Pour commencer, une marche nordique de 40 minutes dans les montagnes fait mon­ter la température par le mouvement. « On met en confiance le corps avec du chaud avant d’attaquer avec des exercices dyna­miques courts de respiration et de mobili­sation. Puis on se jette à l’eau en invitant les participants à nous suivre. Pour trouver les vertus métaboliques, on leur demande de rester au moins 40 secondes. On insuffle non pas de résister mais de communier avec le froid. On visualise ensemble un feu. On n’est pas en Russie, ça ne fait pas partie de nos valeurs. La volonté, le courage, le corps mental, c’est ça qu’on va chercher ! »

Mais cette pratique peut être « discrimi­nante » : « Il faut se générer un mental », précise l’accompagnateur. Pour les y aider et sécuriser le mental, un sauna mobile attend les protagonistes. « Cette expé­rience permet de moins intellectualiser les choses et d’être dans l’intuition, même si on reste tributaire de son mental ».

Se dépasser par le froid selon Florian Milesi

Revenons à Samoëns. Florian Milesi, ancien nageur de compétition en piscine olympique, a voulu aller plus loin dans la nage en eau froide. Une découverte si large des bienfaits à titre personnel qu’il en fait son activité aujourd’hui, pour permettre aux sportifs en compétition comme aux skieurs de décompresser et de progresser.

« Au départ, j’aime l’eau à 27°C mais j’avais envie de découvrir de nouvelles méthodes. Quand j’ai su que je pouvais entrer dans une eau à 2°C, j’ai voulu aller plus loin. D’autant qu’en natation classique, il y a la relève : je laisse ma place ! » L’entraîneur de natation enchaîne sur son installation. « Chez moi, je me suis concocté un congélateur modifié avec de l’eau et un filtre à ozone pour m’entraîner. Je pars ensuite dans une eau à 0°C alors quand elle est à 3°C je la trouve chaude ! ».

Côté encadrement des bains en eau froide, Florian accompagne l’après-ski, la gestion du stress en compétition, la récupération sportive, les maladies type sclérose en plaques, les démarches de perte de poids, l’arthrose, les problèmes de sommeil…

« On ne règlera pas forcément le problème en pro­fondeur, mais ça soulage ». Au bilan, ses par­ticipants repartent avec le sourire : « On est heureux, conclut Florian, on rigole bêtement et on se sent fier de ce qu’on a accompli ».

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