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Epidémie de Mpox : "La demande africaine en vaccins est considérable, le temps presse"

Le 14 août, l’Organisation mondiale de la santé a classé le Mpox comme une "urgence sanitaire internationale". Depuis, une course contre la montre s’est engagée : aider l’Afrique à obtenir suffisamment de doses de vaccins avant que l’épidémie, portée là-bas par un nouveau variant, ne se répande ailleurs, et alors qu’un premier cas a déjà été détecté en Suède.

Principale actrice de cette tâche délicate - les stocks et les capacités de production sont pour le moment largement insuffisants -, l’alliance de coopération vaccinale "Gavi" a accepté de livrer un aperçu des intenses négociations internationales en cours. Entretien avec Aurélia Nguyen, directrice des programmes et ancienne leader du programme Covax, l’initiative internationale qui avait permis de redistribuer 2 milliards de doses durant le Covid-19.

L’Express : Comment "Gavi" a réagi à l’annonce de l’OMS ?

Aurélia Nguyen : Ce n’était pas une surprise. Notre organisation est une alliance qui regroupe différents représentants de pays à faible revenu, l’Unicef et l’OMS. Nous suivions donc de près l’évolution du Mpox en Afrique depuis 2022. Avec l’augmentation du nombre de cas - de l’ordre de 160 % cette année par rapport à l’année dernière - nous étions déjà passés à un suivi journalier. Mais depuis que l’OMS a rehaussé son niveau d’alerte, notre activité s’est une nouvelle fois accentuée. Nous avons ces derniers jours multiplié les prises de contacts avec les fabricants de vaccins et les Etats, afin d’obtenir des garanties quant à la riposte vaccinale à adopter.

La situation est préoccupante : le nouveau variant "clade 1b" semble toucher un public bien plus large que la seule communauté homosexuelle, première concernée jusqu’à présent. En Afrique, principal foyer de l’épidémie avec 12 pays touchés, une hausse de la mortalité a également été observée. Depuis le début de l’année, plus de 500 décès et 17 000 contaminations ont été recensés par l’agence sanitaire africaine "Africa CDC". Un premier cas a été détecté mi-août en Suède. Il y a donc urgence à vacciner. Et en priorité là où la maladie circule.

L’épidémie fait rage depuis presque un an en Afrique. Pourquoi aucune campagne de vaccination à grande échelle n’a-t-elle été lancée ?

De nombreuses épidémies dans le monde sont très localisées. C’est le cas du Mpox, d’Ebola, du chikungunya, de la fièvre de Lassa, ou encore du Nipah. Dans ces cas de figure, il est difficile pour les industriels d’avoir un retour commercial [NDLR : d’être rentable] sur le développement et la vente de vaccins. Parce que les populations à vacciner sont trop restreintes ou parce que les pays concernés ne peuvent pas se permettre de telles dépenses. C’est là tout l’enjeu de la coopération vaccinale : amener et maintenir sur les marchés des vaccins sans rendement.

On comprend en substance que la production était insuffisante et les fonds engagés trop faibles pour espérer qu’elle augmente. Où en sont les échanges maintenant que le seuil d’alerte est à son maximum ?

Ils sont nourris ! Notre principal interlocuteur, le fabricant allemand Bavarian Nordic, a récemment acté la cession de 15 000 doses, gratuites. L’Union européenne, la France et les Etats-Unis ont également annoncé faire don de respectivement 200 000, 100 000 et 50 000 doses de ce vaccin. En parallèle, on travaille avec l’OMS pour s’assurer que son profil d’efficacité est pertinent dans le cadre d’une campagne de vaccination en urgence, principalement en République Démocratique du Congo (RDC), contre le nouveau clade.

Nous échangeons aussi régulièrement avec le fabricant nippon KM Biologics, qui jusqu’à présent produisait uniquement pour le marché japonais. Des donations ont été évoquées, mais rien n’est acté. On peut y voir de bonnes nouvelles, mais la demande africaine est considérable : elle s’élève à 10 millions de doses, à en croire les plans de vaccination déjà établis par les autorités locales. Nous sommes donc ouverts à toute nouvelle proposition. Le temps presse. Il est primordial d’agir le plus vite possible pour espérer endiguer l’épidémie.

Les laboratoires ont un statut particulier dans le paysage économique. Ce sont des entreprises privées, qui ne peuvent fonctionner à perte, mais ils sont aussi très largement financés par de l’argent public. Se sont-ils montrés suffisamment concernés par cette nouvelle crise sanitaire ?

Nos relations sont plutôt bonnes, ce qui n’est pas toujours le cas. Bavarian Nordic s’est notamment dit prêt à relancer sa production, afin de fournir 10 millions de doses d’ici à 2025, dont 2 avant la fin de l’année. C’est une nouvelle réjouissante. Mais pour l’instant, la question du prix de vente n’a pas été tranchée. Pour acheter à grande échelle avec du financement public, comme c’est le cas pour Gavi, il faut des volumes et des prix soutenables.

Au total, combien de doses sont-elles déjà disponibles et de quelles capacités de production disposent les industriels ?

Il faut le demander aux Etats et aux entreprises concernés.

Combien de doses vont être nécessaires pour endiguer l’épidémie, selon vous ?

Nous sommes en train d’élaborer différentes estimations, sur la base de scénarios sanitaires et industriels, mais il est trop tôt pour se prononcer. Le nombre de doses nécessaires va dépendre du virus d’une part, et du public cible de la campagne d’autre part. En somme, de qui il faut vacciner en priorité. Pour le savoir, il faut s’assurer que les cas sont traqués avec suffisamment de précision, que les pays en proie à l’épidémie sont en mesure de prélever assez d’échantillons, de conduire un grand nombre d’analyses. Une chose est sûre : il va de toute façon falloir renforcer la production industrielle. D’autant qu’avec l’alerte de l’OMS, de nombreux pays occidentaux ont manifesté leur intérêt.

Quelle est la stratégie vaccinale envisagée à ce stade ?

Deux doses, comme en France. Mais ce n’est qu’une hypothèse. Pour l’instant, on ne connaît pas exactement l’efficacité contre le nouveau clade des vaccins dont on dispose. Il faudra aussi et surtout tenir compte des réalités locales. Entre autres, de la capacité des pays à vacciner et à assurer le suivi des populations. Une partie importante de l’appui financier de Gavi, dont le montant avoisine les 500 millions de dollars notamment grâce au soutien de fonds d’urgence de l’OMS, ira dans ce sens.

Cet argent servira ainsi à développer la mobilisation sur place, pour informer sur la maladie, rassurer sur le vaccin et aider à mettre en place les dispositifs. Là encore, il est trop tôt pour dire quelles solutions seront retenues pour acheminer le vaccin jusqu’aux patients. En ville, en RDC, on peut mettre des postes fixes, à côté des marchés par exemple, mais ce modèle n’est pas généralisable. Il y a, comme au nord de la RDC, des endroits difficilement atteignables, ou très peu peuplés. Pour toucher les personnes qui y vivent, il faudra monter des équipes mobiles.

Tous ces efforts ressemblent à ceux mis en place pour garantir l’accès aux vaccins contre le Covid-19 aux pays pauvres. N’a-t-on rien appris de cette crise-là ?

La crise sanitaire a donné lieu à des efforts de coopérations inédits. Une partie des mécanismes de redistribution ont été pérennisés, comme le fonds d’urgence de l’OMS, qui aujourd’hui permet à Gavi de négocier. Des progrès ont été faits, mais ce n’est pas suffisant. Rappelons que les maladies infectieuses, même celles qui ne semblent circuler que dans des pays lointains, mutent, se répandent, et finissent souvent par toucher l’entièreté du globe. Ces questions concernent donc tout le monde. Il est nécessaire d’intensifier le financement des opérations vaccinales. Et plus largement, il est impératif d’aider les systèmes de santé des pays les plus en difficulté, pour éviter qu’ils n’hébergent des foyers de contaminations, et que ces crises se reproduisent.

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