Dans l'Allier, une mère se bat pour continuer l'instruction à domicile de son fils, atteint du syndrome de Kiss
À l’étage d’une maison du boulevard des Mouillères, à Bourbon-l'Archambault, une mère qui élève seule son fils a transformé une pièce en salle de classe. Depuis qu’il est en CE1, Kilian, 12 ans en novembre, poursuit sa scolarité à la maison. "Jusqu’au CP, il a été scolarisé dans des écoles de la région Centre, mais il supportait mal d’être en groupe. Un syndrome de Kiss Kinder a été détecté à l’âge de quatre ans et demi", précise Christine Martinat, informaticienne en région parisienne, aujourd’hui en retraite, installée à Bourbon-l'Archambault depuis cinq ans.
Instruction en famille validée en mars 2024L'éducation nationale refuse que Christine Martinat continue de faire l'école à domicile pour Kilian. Kilian a suivi des cours de sixième depuis juillet 2023 avec EIB (établissement privé parisien soumis au contrôle pédagogique de l’État) qui délivre un certificat de scolarité. "Le cahier rouge, c’est les maths ; le jaune, c’est pour le Français ; le vert, c’est l’Anglais ; le bleu, l’histoire-géo… Mes matières préférées sont les maths et l’Anglais", déclare cet enfant passionné de mythologie nordique, fan de Harry Potter (il a lu tous les livres). En février 2024, deux inspecteurs d’académie-inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR) de lettres de l’académie de Clermont-Ferrand ont procédé à un contrôle, à la demande de l’inspectrice d’académie, directrice académique des services de l’Éducation nationale (Dasen). Ils ont noté que "Kilian est inscrit au cours Legendre (cours EIB à distance) à un niveau de classe de sixième… Les documents écrits qu’il présente attestent d’un travail effectif, dans l’ensemble assez exigeant…". Ils ont conclu que "l’instruction telle qu’elle est dispensée actuellement à Kilian Martinat permet une progression des apprentissages en regard de la maîtrise, par celui-ci, des attendus de fin de cycle". En conséquence, la Dasen Roseline Lamy-Au-Rousseau a statué ainsi, le 27 mars 2024 : "L’avis est favorable, les résultats du contrôle sont jugés satisfaisants, l’enfant peut poursuivre l’instruction dans sa famille".
Mauvaise surpriseLe 15 mai 2024, Christine Martinat a demandé à l’Education nationale l’autorisation de poursuivre l’instruction de son fils en famille au titre de l’année 2024-2025. Demande motivée par l’existence d’une situation propre à l’enfant, atteint du syndrome de Kiss-Kinder.
Un collectif en Auvergne face à de nombreux refus d'instruction en famille
Mais, mauvaise surprise, "contre toute attente, par deux courriers identiques datés des 25 juin et 28 juin 2024 signés de la Dasen, reçus à mon domicile les 2 et 5 juillet, ma demande a été rejetée sans que l’on prenne la peine de rencontrer mon enfant", déplore-t-elle, exprimant son incompréhension devant ce revirement.
Kilian Martinat, qui suit des cours de collège à domicile, est soigné pour un syndrome de Kiss Kinder.
L’Éducation nationale justifie ainsi sa décision : "Les éléments constitutifs de votre demande d’autorisation d’instruction dans la famille n’établissent pas l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif. Ainsi, il apparaît que la situation de votre fils n’empêche pas une scolarisation au collège. En conséquence, votre enfant devra être scolarisé dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé au titre de l’année scolaire 2024-2025". Le 13 juillet 2024, Christine Martinat a fait un recours administratif préalable obligatoire (Rapo), qu'elle a adressé au recteur de l’académie de Clermont-Ferrand, contre cette décision de refus.
Des certificats médicauxLa mère de Kilian veut continuer à faire cours à son fils. Photo Corentin GaraultElle produit deux certificats médicaux. Un spécialiste de l’ostéopathie crânienne (qui souhaite garder l'anonymat) a soigné Kilian dès l’âge de quatre ans pour un syndrome de Kiss, maladie développée dans le ventre de la mère et qui, à la naissance, provoque un blocage de la base du crâne et du bassin. "Faute d’être soigné avant la cinquième semaine, ce syndrome est cause d’un retard dans le développement moteur ou psychomoteur. Une fois adultes, ces enfants classés “dys” ont des migraines, des problèmes d’écriture, des troubles de l’attention qu’ils compensent avec beaucoup d’efforts", indique-t-il. Il assure que "l’école à la maison est la seule solution pour que Kilian évolue favorablement, sans déficit notable", mais s’interroge sur la capacité de l’Éducation nationale à reconnaître ce syndrome, qui n’est pas un handicap. Dans une attestation du 27 janvier 2024, une de ses collègues certifie que la scolarité à domicile de Kilian a été la seule issue permettant une progression dans les acquis, soulignant : "Il est souhaitable de poursuivre l’école à domicile pour les années à venir puisque cela lui convient parfaitement".
Prête à aller devant le tribunal administratif
"Je suis dans l’attente, je continue l’enseignement à distance ; j’espère que l’Éducation nationale reviendra sur sa décision", confie Christine Martinat. La mère de Kilian demande désormais à la commission de recours de l’Éducation nationale de retirer la décision attaquée et de lui délivrer l’autorisation de poursuivre l’instruction de son enfant à la maison pour l’année 2024-2025.
Avec l’aide d’un avocat parisien, elle envisage éventuellement de poursuivre son action devant le tribunal administratif.
Pascal Larcher
Collectif. Suite à de nombreux refus de demandes d’autorisation d’instruire à domicile, 160 familles, dont plusieurs ont engagé des procédures devant le tribunal administratif, ont créé en mai le collectif IEF Auvergne et demandent à rencontrer le recteur au plus vite (notre édition du samedi 13 juillet 2024). Près de 1.200 familles pratiquent l’instruction à domicile en Auvergne.