Israël : un ministre de Netanyahou crée une nouvelle polémique sur l’esplanade des Mosquées
Itamar Ben Gvir, ministre israélien à la Sécurité nationale, a provoqué lundi une nouvelle polémique au sujet de l’esplanade des mosquées à Jérusalem. Un lieu ultrasensible, appelé mont du Temple par les juifs, al-Haram al-Charif ("noble sanctuaire") par les musulmans. C’est le site le plus sacré du judaïsme et le troisième lieu saint de l’islam, après La Mecque et Médine. L’endroit est au cœur même du conflit israélo-palestinien et l’objet de tensions récurrentes pouvant parfois dégénérer en guerre, comme ce fut le cas au printemps 2021.
En vertu d’un statu quo historique que l’Etat d’Israël s’est engagé à respecter en 1967, les musulmans peuvent s’y rendre à toute heure du jour et de la nuit, et les juifs, comme tous les non-musulmans, peuvent y accéder à certaines heures, sous stricte surveillance, mais ne sont pas autorisés à y prier, ni à y pénétrer en possession de signes religieux. Or, depuis quelques années, des extrémistes religieux juifs revendiquent ce droit, bafouant de plus en plus souvent les règles établies.
Remise en cause du statu quo
Lundi, Itamar Ben Gvir, ministre israélien d’extrême droite, s’est ainsi rangé de leur côté remettant en question le bien-fondé du statu quo sur l’esplanade des Mosquées de Jérusalem. "Si je pouvais faire tout ce que je voulais, je mettrais un drapeau israélien sur le site", a-t-il déclaré lundi dans un entretien accordé à la radio militaire israélienne Galeï Tsahal. Quitte à y édifier une synagogue s’il le pouvait ? Pressé par le journaliste à plusieurs reprises de répondre à cette question, Itamar Ben Gvir a fini par dire : "Oui." Ce ministre n’est pas à son coup d’essai. Depuis son entrée au gouvernement en décembre 2022, il s’est rendu au moins six fois sur ce lieu saint disputé, autant de visites dénoncées comme des provocations et des atteintes au statu quo par les Palestiniens et nombre de capitales étrangères. "Les Arabes peuvent prier là où ils veulent", affirme le ministre dans son entretien à Galeï Tsahal, "donc les juifs devraient aussi pouvoir prier là où ils veulent".
Si le lieu est administré par la Jordanie, son accès est contrôlé par les forces de sécurité israéliennes. De par ses fonctions de ministre chargé de la sécurité nationale, Itamar Ben Gvir est donc chargé de faire respecter le statu quo, mais il l’a lui-même bafoué de façon spectaculaire le 13 août en se rendant sur l’esplanade avec plusieurs centaines d’Israéliens pour une prière à l’occasion d’une fête juive. Le bureau du Premier ministre Benyamin Netanyahou avait alors qualifié l'"incident" d'"entorse au statu quo" et affirmé que seuls "le gouvernement et le Premier ministre […] définissent la politique [israélienne] sur le mont du Temple", et non pas tel ou tel ministre.
"Des déclarations irresponsables"
Lundi, sa nouvelle déclaration a forcé, une nouvelle fois, les services du Premier ministre Benyamin Netanyahou à publier un communiqué, laconique, assurant qu’il n’y a "aucun changement dans le statu quo sur le mont du Temple". Plus incisif, alors qu’Israël est en guerre dans la bande de Gaza contre le mouvement islamiste palestinien Hamas depuis l’attaque sanglante lancée par ce dernier le 7 octobre, le ministre de la Défense Yoav Gallant a jugé sur X que "les actes de Ben Gvir mettent en danger la sécurité de l’Etat d’Israël". "Remettre en question le statu quo sur le mont du Temple est un acte dangereux, inutile et irresponsable", a-t-il ajouté. Le ministre de l’Intérieur, Moshe Arbel, a lui appelé le Premier ministre Netanyahou à "remettre Mr Ben Gvir à sa place", rapporte The Times of Israël, qualifiant ses déclarations d'"irresponsables".
Itamar Ben Gvir, ouvertement d’extrême droite, est devenu ministre en 2022 grâce à Benyamin Netanyahou, et est habitué de ces prises de position et actions polémiques. "C’est la raison d’être d’Itamar Ben Gvir […] C’est un homme d’opposition qui ne sait pas faire avec la culture politique qu’on attend d’un ministre, d’un membre de la fonction publique", expliquait ainsi auprès de franceinfo Denis Charbit, professeur de sciences politiques à l’Open University of Israël.
"Les Lieux saints sont la ligne rouge dont nous n’autoriserons pas le franchissement", a déclaré le porte-parole de la présidence de l’Autorité palestinienne, Nabil Abou Roudeina. Le Hamas a qualifié de "dangereux" les propos de Ben Gvir et appelé les "nations arabes et islamiques à prendre leurs responsabilités pour protéger les Lieux saints". Tandis que "la Jordanie prendra toutes les mesures nécessaires pour mettre fin aux attaques contre les Lieux saints", a réagi son ministère des Affaires étrangères, qui "prépare les dossiers juridiques nécessaires pour intenter une action devant les tribunaux internationaux" à ce sujet.