World News

Patricia Mazuy, itinéraire d’une cinéaste au long cours

Cela fait un peu plus de trente-cinq ans que Patricia Mazuy trace son chemin dans le cinéma français. Trente-cinq ans que ce chemin est jalonné de films marquants depuis la révélation de Peaux de vaches en 1989, beau drame rural avec Sandrine Bonnaire et Jean-François Stévenin.

L’acmé de la reconnaissance publique (500 000 entrées) est venu avec Saint-Cyr (2000), un huis clos historique puissant et tendu, sur le rêve démiurgique d’une aristocrate (Isabelle Huppert en madame de Maintenon) de façonner l’élite des jeunes filles de son temps. Lorsqu’on interroge Patricia Mazuy sur la façon dont elle perçoit sa place dans l’industrie du cinéma français, elle répond : “Oh là là. Je ne sais pas et ce n’est peut-être pas à moi de le dire… Je sais juste que lorsque je participe à des débats sur mes films, il y a toujours un moment où on me présente comme une cinéaste ‘rare’, et ça m’énerve. Comme si je l’avais choisi !”

Rare, la réalisatrice ne l’a pas été tant que ça : sept longs métrages depuis 1989, avec parfois des temps assez longs entre chacun, mais aussi des films pour la télévision, dont le sublime Travolta et moi, coming-of-age movie bouleversant, diffusé sur Arte, mais dont la bande-son dispendieuse (gorgée de tubes des Bee Gees, des Clash ou de Joe Dassin) a barré la distribution en salles pour des questions de droits. Dans les années 1990, la réalisatrice a surtout passé quasiment dix ans à travailler sur un projet qui n’est jamais parvenu à se monter : une suite du Privé d’Altman, avec l’acteur culte du cinéma américain des années 1970 Elliott Gould reprenant son rôle vingt ans plus tard. Même si le film ne s’est pas fait, “ça valait le coup. Le projet était super ! Et je parle toujours avec Elliott au téléphone tous les six mois environ. C’est un vieux monsieur très intelligent, un pur destin américain”.

Depuis la fin de la décennie passée, le biorythme de la cinéaste semble néanmoins s’être modifié. La cadence à laquelle elle passe d’un projet à l’autre s’est accélérée. Pas moins de trois longs métrages se sont enchaînés depuis Paul Sanchez est revenu ! (2018), récit tempétueux, tout en ruptures de ton, de la possible réapparition d’un criminel recherché pour avoir tué toute sa famille dix ans plus tôt (on pense bien sûr à l’affaire Dupont de Ligonnès).

Sur cette question de l’accélération dans l’enchaînement de ses projets, elle répond : “Mon problème a longtemps été que les projets que je portais étaient chers. Sur Paul Sanchez, c’est mon ami scénariste Yves Thomas qui m’a appelée en me disant qu’il avait pour projet de travailler sur un fantasme de fait divers dans une région très localisée, près de Roquebrune. Patrick Sobelman d’Agat Films était d’accord pour le produire, mais à condition de le tourner très vite. On a tout fait en un an et demi, écriture comprise, ce qui est très rapide.”

Cet élan n’est ensuite pas retombé. Le même producteur lui propose d’enchaîner avec un “thriller féroce”, devenu Bowling Saturne (2022). “Mais j’ai cru qu’on n’allait finalement pas le tourner, le financement ne se faisait pas, les gens trouvaient l’histoire trop noire. Et en 2019, j’ai commencé à collaborer à ce qui est devenu La Prisonnière de Bordeaux. Bowling s’est finalement tourné, et le scénario de La Prisonnière était en place entre-temps. Du coup, je comprends maintenant qu’il faut avoir plusieurs ‘gâteaux dans le four’ !” [rires] La Prisonnière de Bordeaux est donc ce nouveau gâteau, à la fois savoureux (notamment par le duo parfaitement accordé que forment Isabelle Huppert et Hafsia Herzi) et subtilement amer. On espère désormais que beaucoup d’autres suivront, et rapidement !

La Prisonnière de Bordeaux de Patricia Mazuy, avec Isabelle Huppert, Hafsia Herzi (Fr., 2024, 1 h 48). Sortie le 18 août.

Читайте на 123ru.net