Proche-Orient : une synagogue sur l'esplanade des Mosquées ? Les propos de Ben Gvir provoquent un tollé
Une synagogue sur l'esplanade des Mosquées, troisième lieu saint de l'islam ? C'est la piste évoquée le 26 août par Itamar Ben-Gvir, ministre israélien de la Sécurité nationale, coutumier des polémiques.
«Si je pouvais faire tout ce que je voulais, je mettrais un drapeau israélien sur le site», a déclaré le ministre dans un entretien accordé à la radio militaire israélienne Galeï Tsahal. À la question de savoir s'il voulait édifier une synagogue sur ce site ultrasensible, sacré tant pour les juifs que pour les musulmans, Itamar Ben Gvir a répondu par l'affirmative.
«Notre politique est de permettre les prières sur le Mont du Temple, le sort des juifs doit être égal à celui des musulmans», a-t-il continué.
L'esplanade des lieux saints, que les musulmans appellent Noble sanctuaire et les juifs Mont du Temple, est administrée depuis plus d'un demi-siècle en vertu d'un statu quo imposé par Moshe Dayan au lendemain de la conquête de Jérusalem-Est en 1967. Placée sous tutelle administrative jordanienne, mais sous contrôle sécuritaire israélien, elle est officiellement réservée à la pratique du culte musulman.
Des propos condamnés par Amman, Riyad et le ministre israélien de l'Intérieur
Les propos du ministre israélien n'ont pas manqué de faire réagir Amman. Dans son communiqué, le ministère jordanien des Affaires étrangères a condamné «les déclarations de l'extrémiste raciste Itamar Ben Gvir, concernant l'établissement d'une synagogue juive dans la mosquée bénie d'Al-Aqsa», et les a considérées comme «une violation du droit international et une incitation inacceptable».
«La mosquée Al-Aqsa, avec sa superficie totale de 144 dounams [144 000 m²], est un pur lieu de culte pour les musulmans», a précisé la diplomatie jordanienne. «L'administration des dotations de Jérusalem et des affaires de la mosquée bienheureuse Al-Aqsa, affiliée au ministère jordanien des Dotations, des Affaires islamiques et des Lieux saints, est l'organisme juridique ayant compétence exclusive pour gérer toutes les affaires de la Sainte Mosquée et en réglementer l'accès», a-t-elle encore souligné.
Même son de cloche en Arabie saoudite. Riyad a «affirmé son rejet catégorique de ces déclarations extrémistes et incendiaires», soulignant «la nécessité de respecter le statut historique et juridique de la mosquée Al-Aqsa», a rapporté ce 27 août l'agence SPA. Le royaume wahabite a également réitéré son positionnement à l'égard de la guerre à Gaza, appelant à un cessez-le-feu.
Les propos d'Itamar Ben-Gvir ont également été critiqués au sein même de l'exécutif israélien. «Remettre en question le statu quo sur le Mont du Temple est un acte dangereux, inutile et irresponsable» a réagi le 26 août, sur X (ex-Twitter), le ministre de la Défense Yoav Gallant.
De surcroît, le ministre de l’Intérieur, Moshe Arbel, a appelé Benjamin Netanyahou à démettre de ses fonctions le ministre à la tête de la police israélienne, a rapporté The Times of Israël, avertissant que le «manque de réflexion» d'Itamar Ben-Gvir «pourrait coûter des vies». Les «déclarations irresponsables de Ben Gvir compromettent les alliances stratégiques d’Israël avec les États musulmans dans le cadre de la coalition contre l’axe iranien», a-t-il ajouté, cité par le quotidien en ligne israélien.
Ce n'est pas la première fois qu'Itamar Ben-Gvir est au cœur d'une polémique. Le 13 août dernier, il s'était rendu sur l'esplanade des Mosquées, entraînant une vague de condamnations en Israël mais également en Occident. Bien qu'allié indéfectible de l'État hébreu et soutien militaire constant, l'administration américaine avait jugé «inacceptable» la prière du ministre israélien. «Non seulement c'est inacceptable, mais cela aussi détourne l'attention de ce qui nous semble être un moment vital, alors que nous travaillons à conclure un accord de cessez-le-feu» à Gaza, avait déclaré à la presse le 13 août un porte-parole du département d'État, Vedant Patel.
Même son de cloche de la part de la diplomatie européenne, Josep Borrell condamnant, au nom de Bruxelles, «les provocations du ministre israélien Ben Gvir qui, lors de sa visite sur les lieux saints, a prôné la violation du statu quo».