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" On n’a pas vu ça depuis très longtemps", la direction du festival de la Chaise-Dieu satisfait de cette édition

Pour le constat essentiel à La Chaise-Dieu, il ne faut pas ouvrir les oreilles. Les yeux suffissent. « C’est une très belle édition, tout simplement parce qu’il y a beaucoup de monde, à la Chaise-Dieu comme dans les autres villes qui accueillent nos concerts. On n’a pas vu ça depuis très longtemps », avoue Boris Blanco. Sur sa lancée, le directeur du festival précise ses bonnes pensées.« C’est un festival qui commence vraiment à ressembler à ce que j’ai en tête. Ce n’est pas qu’une série de concerts mais une bonne ambiance. Le plaisir est indissociable de la performance : le musicien qui se sent heureux, qui arrive dans un festival où tout va bien, il joue mieux et permet au public de profiter pleinement d’œuvres de haut niveau, de haute exigence. Tout le monde n’a pas aimé tous les concerts bien sûr mais à la limite je préfère qu’on vienne me dire “je n’ai pas du tout aimé” que juste “ouais OK”. Le pire c’est de sortir avec la sensation qu’il ne s’est rien passé au concert. Je ne veux pas de la musique neutre, même très belle. J’aime le conflit, j’aime les échanges, j’aime les réactions qu’une véritable interprétation engendre. »FESTIVAL DE LA CHAISE-DIEU 2024. Bach immortel Ensemble Correspondances.

Satisfaction générale donc… et trois très beaux moments en particulier : « La création de Répons du baptême de Thomas Lacôte, parce que c’est le fruit de deux ans de travail. C’est une naissance, quelque que chose qui est sorti du néant, ici à La Chaise-Dieu. C’est un miracle et c’est grâce au festival que ça arrive. Je fais ce métier aussi pour ça. Il y a aussi les Vêpres de Monteverdi par Leonardo Garcia-Alarcon, parce qu’elles ont été données, ici, cette année comme beaucoup en ont rêvé pendant des décennies. Et puis le Quatuor pour la fin du temps parce que c’est une très grande version avec quatre très grands musiciens (Pierre Fouchenneret au violon, Olivier Derbesse à la clarinette, Yan Levionnois au violoncelle et Romain Descharmes au piano) qui se sont trouvés sans véritablement se chercher. C’est une team inédite que le festival a réunie. Et remplir une salle, la mettre debout avec du Messiaen, ce n’est pas rien. Ça veut dire qu’on a un public extraordinaire, qui sait ce qu’il vient écouter et que le concert était fabuleux. »

Un grand Messie à venir

Reste donc à continuer sur cette voie, avec des musiciens qui restent de plus en plus sur le festival – comme le permet le dispositif de résidence génération Chaise-Dieu –, pour faire du lien avec le public et les bénévoles. « Ce que je ne supporte pas dans la musique classique, c’est le snobisme. Le discours c’est : vous allez voir ce qu’il y a de mieux et cela va se faire simplement, presque dans la bonne humeur. »Cette ambiance sera donc à retrouver l’année prochaine, pour la 59e édition qui se tiendra du 20 au 30 août. Mais avec qui ? « Il y a des orchestres que je suis vraiment allé chercher pour cette année ou l’année dernière. Ce sont les mêmes qui m’écrivent pour revenir aujourd’hui parce qu’ils ont été touchés par l’accueil, parce que face à la programmation ils se disent que c’est mieux d’en être que de ne pas en être, et parce qu’ils ont joué dans une abbatiale comble. Ils sentent un dynamisme que d’autres événements n’ont peut-être pas : 72 concerts en 10 jours, 24 communes, trois départements, 148 bénévoles dont la moitié a moins de trente ans… Ils savent ce que cela représente. » Alors la Cappella Mediterranea et Les Siècles devraient revenir en 2025. De même que David Lozakovitch, puisque Boris Blanco sent qu’il y a quelque chose à construire avec ce jeune violoniste.

Cette édition du festival de La Chaise-Dieu a encore été marquée par un très bon taux de remplissage. photos festival de la Chaise-Dieu/B. Pichene et V. JolfreLe festival de La Chaise-Dieu poursuivra son cycle Beethoven avec les symphonies n°3 et n°7 avec l’orchestre Conseulo. Il y aura aussi de l’opéra, après le grand succès de Didon et Enée. Petite indiscrétion avant de signer les contrats : « Nous aurons de très grands orchestres français, les meilleurs hors Paris, qui ne sont jamais venus à La Chaise-Dieu. » Après enquête, Strasbourg et le Capitole de Toulouse correspondent au profil. Ce qui est sûr, c’est la programmation d’une grande version du Messie de Haendel. Rendez-vous dans un an. 

Mozart à l’envers

Un bon orchestre (celui de Metz Grand Est), un chœur renommé (celui de la Radio Flamande) et des solistes dans la même lignée… Tout pour faire de la belle musique… Mais juste de la belle en l’occurrence. Ce n’est pas suffisant ! Les forces en présence n’ont clairement pas été utilisées de la meilleure des manières par le chef belge David Reiland. L’élégante simplicité de la Symphonie n°29 du jeune Mozart, a suffoqué sous le poids du sérieux. Elle avait déjà eu du mal à s’extraire de la sombre et pesante ambiance du Cantus in memoriam of Benjamin Britten d’Arvo Pärt. Quant au toujours très attendu Requiem de Mozart, lui aussi a basculé entre recueillement et théâtralité, mais toujours dans une forme d’excès virant au ridicule. Des notes aux intentions, on a donc pu tout entendre mais jamais au bon moment. Amen.FESTIVAL DE LA CHAISE-DIEU 2024

Des vêpres de monteverdi comme jamais

Ce n’est pas tous les soirs que l’on vit des Vêpres de Monteverdi comme celles-ci. Tout simplement spectaculaire ! Leonardo García Alarcón a dévoilé plus que la beauté de cette musique, à la tête de sa Cappella Mediterranea, du chœur de chambre de Namur et de solistes aux timbres chauds… De belles singularités qui se font entendre sans retenue et qui composent un tout harmonieux et furieusement vivant. Le chef maîtrise totalement la partition. Il en a saisi tous les vertiges. Derrière la profusion se cache une interprétation parfaitement construite, qui ne laisse rien au hasard et sur laquelle plane constamment la puissance de l’instant présent. La spatialisation – avec des musiciens qui s’emparent des moindres recoins de l’abbatiale – finit de nous enivrer de musique. Tout cela pour tenir en haleine, pour encadrer des moments de profondeur – sans exagération dans le recueillement. Ces Vespro della beata Vergine ont donc habité l’édifice dans un dosage parfait de méditation et de théâtralité, appelé des vœux mêmes d’une partition qui, au-delà d’une somme de prières, n’hésite pas à faire appel à l’expression de la joie.FESTIVAL DE LA CHAISE-DIEU 2024

Pierre-Olivier Febvret

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