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“En territoire ennemi” de Carole Lobel, le récit glaçant d’une descente aux enfers

Cela pourrait être un conte de fées moderne ou l’équivalent sur papier d’une romcom, avec de jolies pages réalisées aux stylos de plusieurs couleurs. En rupture avec sa famille, une jeune femme timide, Carole, entre aux Beaux-Arts et tombe amoureuse d’un autre étudiant bien plus sûr de lui, Stéphane. À l’aise dans son couple, la protagoniste prend confiance, s’épanouit. Mais En territoire ennemi, malgré ses formes affables, n’a rien d’un roman graphique léger. Dès la trentième page surviennent les premières anicroches, symbolisées par des notes discordantes de violon.

Le reste de cette autofiction prend la forme d’une violente descente aux enfers que l’autrice, déjà récompensée par Les Inrocks mais œuvrant ici sous un pseudonyme pour se protéger, peut partager grâce à son goût déjà connu pour une représentation décalée et puissante. Évitant le premier degré, elle montre son corps comme un coin de végétation luxuriante que la découverte de la sexualité, constamment imposée comme une douleur par son partenaire, détruit inlassablement. L’inconscient devient un paysage de protubérances, l’impossibilité morale d’avorter a la forme d’une graine plantée par la mère intégriste, tandis que le poids du patriarcat est lui un écrasant phallus rose. Le récit ne connaît pas de happy end, au contraire. Le père des enfants glisse petit à petit vers le complotisme et l’extrême droite, pour un final glaçant qui paraît plus que jamais raccord avec l’état décrépit de notre société.

En territoire ennemi de Carole Lobel (L’Association), 224 p., 26 . En librairie le 6 septembre.

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