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Venezuela : quand le pétrole nourrit la dictature et l’antisionisme

Après les élections du 28 juillet 2024, Nicolas Maduro pense pouvoir rester au pouvoir malgré l’exil forcé de son opposant en Espagne. En dépit des critiques, rien de concret n’a été fait pour assurer la transparence des élections.

 

Même les États-Unis envoient des signaux contradictoires. La saisie, le 2 septembre, de l’avion du dictateur en République dominicaine par les États-Unis a semblé être une mesure concrète, bien que largement symbolique. Dans le même temps, le Trésor américain a délivré des licences à plus de dix entreprises pour opérer dans le pays. La plus importante est Chevron — la deuxième après ExxonMobil — qui devrait pomper quelque 0,2 million de barils de pétrole par jour d’ici la fin de l’année, soit 25 % de la production du pays. Maduro doit se dire qu’après tout, les États-Unis finiront par le considérer comme légitime.

 

La dérive autoritaire du Venezuela

Nicolas Maduro vient d’être réélu pour un troisième mandat de six ans à la tête du Venezuela dans un scrutin largement contesté, rappelant une fois de plus la dérive autoritaire d’un pays assis sur les plus grandes réserves pétrolières du monde.

Le 28 juillet dernier, Maduro prétend avoir obtenu 51,2 % des voix, un score en baisse par rapport à 2018 (67,8 %), la victoire ayant été validée par la Cour suprême le 22 août. Mais elle est largement contestée par l’opposition et une partie de la communauté internationale. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a exprimé de « sérieux doutes » sur ces résultats, tandis que l’Union européenne s’est contentée d’appeler à la transparence.

Ces résultats ont même été contestés par des leaders de la gauche latino-américaine, tels que Luiz Ignacio Lula (Brésil) et Gustavo Petro (Colombie). Le président chilien Gabriel Boric a qualifié cette réélection de « difficile à croire […] depuis le Chili, nous ne reconnaîtrons aucun résultat qui ne puisse être vérifié ».

Il convient de noter que Jean-Luc Mélenchon, le leader de LFI, n’a exprimé aucun soutien public à Maduro, ce qui contraste avec ses positions précédentes dans lesquelles il défendait ouvertement le chavisme.

En réponse à la contestation de ces élections présidentielles par des pays latino-américains, Caracas a rompu ses relations diplomatiques avec l’Argentine, le Chili, le Costa Rica, le Panama, le Pérou, la République dominicaine et l’Uruguay. Des manifestations spontanées ont entraîné la mort de 27 personnes, fait 192 blessés et conduit à 2400 arrestations. Edmundo Gonzalez Urrutia, le candidat de l’opposition à la dernière élection présidentielle au Venezuela, est poursuivi par le régime madurien pour avoir contesté la réélection du dictateur. Le 8 septembre, le gouvernement espagnol lui a accordé l’asile politique afin de « respecter les droits politiques et l’intégrité physique de tous les Vénézuéliens ».

 

Une crise économique et humanitaire sans précédent

Cette réélection intervient dans un contexte de crise économique et humanitaire sans précédent.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Maduro en 2013, près de cinq millions de Vénézuéliens ont fui leur pays, soit environ 15 % de la population. Cet exode massif est un témoignage poignant de l’échec du socialisme bolivarien, cette chimère idéologique qui promettait l’abondance, mais qui n’a engendré que la misère. Une situation d’autant plus paradoxale que le Venezuela possède les plus grandes réserves prouvées de pétrole au monde, avec 301 milliards de barils, soit 18 % du total mondial. Après ce scrutin aux allures de mascarade démocratique, Maduro s’accroche au pouvoir comme un naufragé à son radeau, tandis que le peuple vénézuélien sombre dans le chaos économique et l’oppression politique.

Le régime de Maduro, gangrené par la corruption et l’incompétence, semble incapable de la moindre autocritique. Le peuple vénézuélien, lui, continue de payer le prix fort de cet aveuglement idéologique. Espérons qu’un jour prochain, il puisse enfin connaître la prospérité et la liberté que ses immenses richesses naturelles auraient dû lui garantir.

Les conséquences pour le peuple vénézuélien sont dramatiques. La pauvreté s’est généralisée, l’inflation a atteint des niveaux vertigineux, et les pénuries de produits de première nécessité sont devenues la norme. Le système de santé s’est effondré, les coupures d’électricité sont fréquentes, et l’insécurité a explosé.

Comment expliquer qu’un pays assis sur les plus grandes réserves de pétrole au monde soit devenu un exemple criant de faillite sociale et politique ?

 

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La malédiction du socialisme

Le contraste est saisissant avec d’autres pays producteurs de pétrole qui ont su gérer leur manne.

La Norvège, par exemple, a mis en place un fonds souverain qui atteint aujourd’hui 1508 milliards d’euros, assurant la prospérité des générations futures.

Juan Pablo Pérez Alonzo, ministre vénézuélien de l’Énergie et fondateur de l’OPEP, a qualifié le pétrole d’« excrément du diable ». Dans son livre Hundiéndonos en el excremento del diablo, publié en 1976, il affirmait que « le pétrole apporte le gaspillage, la corruption, les dépenses inutiles et la dette… Nous allons souffrir pendant des années et des années de ces dettes ».

Il n’avait pas tort, vu la corruption devenue endémique dans son pays, et dans tant d’autres pays producteurs de pétrole. Le Venezuela de Maduro illustre parfaitement ce que Juan Pablo Pérez Alonzo annonçait.

La faute n’incombe pourtant pas à la fameuse « malédiction du pétrole », mais bien à une gestion calamiteuse, fruit d’une idéologie aussi dogmatique qu’incompétente. L’héritage empoisonné d’Hugo Chávez, ce militaire nostalgique d’un passé révolutionnaire fantasmé, continue de gangrener le Venezuela. Le chavisme, idéologie héritée d’Hugo Chávez, visait à instaurer le socialisme bolivarien non seulement au Venezuela, mais dans toute l’Amérique latine. Grâce aux gigantesques réserves de pétrole de son pays, Chávez s’imaginait devenir un acteur majeur dans la géopolitique de l’énergie et donc dans la géopolitique mondiale. Il avait endossé le rôle de bienfaiteur des pays souffrant de la hausse des prix du pétrole, rachetant la dette de l’Argentine, construisant des logements à Cuba, et proposant la création de l’ALBA, une zone de libre-échange pour les Amériques. Dans son discours devant l’assemblée générale des Nations unies le 20 septembre 2006, le héros de la révolution bolivarienne a qualifié le président américain George Bush de diable à l’odeur de soufre. Il a offert son soutien au programme nucléaire iranien et a été vu en train de se pavaner avec le Premier ministre de la République islamique d’Iran de l’époque, Mahmoud Ahmadinejad.

Cependant, ce rêve s’est rapidement transformé en cauchemar. La chute des prix du pétrole, combinée à une gestion désastreuse de l’économie, a plongé le pays dans une crise sans précédent, comme l’illustre la figure 1 qui montre que le Venezuela se distingue même du reste de l’Amérique latine.

La nationalisation à outrance, la corruption endémique, l’incompétence des apparatchiks du régime ont transformé la poule aux œufs d’or en un volatile famélique. La production pétrolière, qui atteignait 3,5 millions de barils par jour en 2008, a fondu comme neige au soleil pour stagner aujourd’hui à un pathétique 0,9 million de barils. Pendant ce temps, les voisins du Venezuela, à l’image de Trinité-et-Tobago ou du Guyana, prospèrent grâce à une gestion pragmatique de leurs ressources énergétiques. Un camouflet cinglant pour le régime bolivarien, qui illustre l’inanité de ses choix économiques.

L’opposant russe et champion d’échecs Garry Kasparov, qui est familier du socialisme, a écrit en août dernier sur X :

« Le Venezuela n’est pas ce qui arrive quand le socialisme échoue, c’est ce qui arrive quand le socialisme réussit. Corruption, pauvreté, répression ».

 

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L’alliance des parias : quand Caracas s’acoquine avec Téhéran

Face à l’isolement international et aux sanctions occidentales, le régime de Maduro s’est rapproché de pays comme la Russie et la République islamique d’Iran.

À la suite des dernières élections, le Guide suprême iranien, l’ayatollah Khamenei, a salué la « résistance » de Maduro face à l’impérialisme américain. En juin 2022, Maduro s’était rendu à Téhéran où il avait été reçu par le Guide suprême. Ce dernier a loué la position antisioniste du Venezuela, la qualifiant de « courageuse ». En retour, Maduro a multiplié les déclarations anti israéliennes, allant jusqu’à comparer le sionisme à l’idéologie nazie. Cette alliance entre le Venezuela et l’Iran, deux pays riches en hydrocarbures, mais soumis à des sanctions internationales, illustre la formation d’un axe anti-occidental qui inquiète les chancelleries.

L’ancien syndicaliste a critiqué le gouvernement israélien pour sa réponse militaire aux attaques terroristes du Hamas. Dans une émission de télévision qui lui est consacrée (« Con Maduro + »), il a déclaré que « les racistes et les suprémacistes du sionisme veulent aujourd’hui en finir avec le peuple palestinien, et ils veulent en finir avec tous les peuples arabes, avec tous les peuples musulmans. Ils ont semé une idéologie de haine et de rage, ils la sèment depuis 75 ans avec le soutien de l’Occident ». Et d’ajouter : « Attention, hommes et femmes des États-Unis et d’Europe, ils ont semé une idéologie plus dangereuse que l’idéologie nazie. D’abord contre le peuple palestinien : razzias, extermination, génocide, bombes atomiques (sic), puis contre les peuples arabes, tous les peuples musulmans. Et puis ils voudront s’en prendre à nous, aux chrétiens, aux catholiques ».

Maduro, qui n’est pas étranger à la contradiction, se présente comme un catholique, mais défend les extrémistes religieux iraniens. Cette surenchère verbale masque mal la fragilité d’un régime aux abois.

 

Un géant pétrolier endormi

Pendant ce temps, les voisins du Venezuela profitent de leurs ressources énergétiques.

Trinité-et-Tobago est devenu un exportateur majeur de gaz naturel liquéfié. Environ la moitié de sa production de gaz naturel est exportée sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL), notamment vers des États membres de l’UE tels que la France, la Belgique et l’Espagne, grâce à un plan élaboré il y a 15 ans par BP, la société espagnole Repsol et la compagnie nationale de gaz du pays.

À côté de Trinité-et-Tobago, le Venezuela est un géant, mais un géant endormi qui a perdu la course au gaz, simplement parce que Caracas a rejeté l’idée de toute coopération avec des entreprises internationales autres que russes. Grâce à son attitude socialiste, promarché et anti-bolivarienne, Trinité-et-Tobago est aujourd’hui le plus grand producteur de pétrole et de gaz naturel des Caraïbes.

Mais il est sur le point d’être supplanté par un nouveau venu, le Guyana. Ce pays ne figure pas encore dans les statistiques des grands groupes de recherche sur l’énergie, tant son entrée sur le marché pétrolier est récente. La Guyane dispose de réserves prouvées de plus de 11 milliards de barils de pétrole, ce qui en fait l’une des plus grandes réserves au monde par habitant. La production a débuté en 2019 grâce à ExxonMobil, ce qui a permis au pays de connaître une croissance économique fulgurante, avec une augmentation du PIB de 62 % en 2022, et une prévision de 38 % pour 2023 grâce au secteur pétrolier, qui représente 87 % des exportations du pays.

Mais Maduro ne l’entend pas ainsi, et a ouvert un conflit diplomatique avec le Guyana. Il revendique la majeure partie de la région de l’Essequibo, une zone forestière qui n’intéressait personne jusqu’à ce que des entreprises américaines y découvrent des hydrocarbures. En décembre 2023, Maduro a ordonné l’annexion pure et simple de ce territoire de 159 000 km2 administré par le Guyana. Le Venezuela a mobilisé des troupes à la frontière et construit un pont pour faciliter l’accès à l’Essequibo. Face à ces tensions, les deux pays ont signé en décembre 2023 un accord par lequel ils s’engagent à ne pas recourir à la force pour régler le conflit. Ils se sont engagés à résoudre le différend conformément au droit international, tout en maintenant leurs positions divergentes.

Le Guyana souhaite poursuivre la procédure en cours devant la Cour internationale de justice, mais le Venezuela ne reconnaît pas sa compétence. Les États-Unis ont réaffirmé que la frontière actuelle doit être respectée, à moins que les parties n’en décident autrement.

Cette revendication territoriale rappelle celle des généraux argentins. En 1982, ils ont envahi les îles Falkland pour faire diversion à la crise profonde que traversait le pays sous la dictature, mais le Royaume-Uni de Margaret Thatcher a récupéré l’archipel et précipité la chute du régime militaire. Nicolas Maduro n’est pas un militaire, mais un syndicaliste routier, mais son régime s’inscrit dans la continuité du régime militaire de Chávez. Espérons qu’il ne déclenchera pas une guerre inutile.

Les défis géopolitiques

Le Venezuela de Maduro est devenu un paria sur la scène internationale, mais il conserve le soutien de pays comme la Russie, la Chine et l’Iran.

L’alliance avec des régimes autoritaires comme l’Iran ne fait qu’accentuer son isolement sur la scène internationale. Pour que le Venezuela sorte de l’ornière, un changement radical de gouvernance semble nécessaire. Mais tant que Maduro et ses soutiens garderont la main sur les revenus pétroliers, même réduits, un tel changement paraît peu probable. Le peuple vénézuélien risque donc de continuer à payer le prix fort de cette « malédiction du socialisme ».

Entre la pression internationale, la crise humanitaire et les tensions géopolitiques, le pays se trouve à un carrefour. La communauté internationale devra trouver un équilibre délicat entre la nécessité de changement politique et le risque d’une déstabilisation encore plus grande de la région.

En novembre 2022, Emmanuel Macron a surpris en s’entretenant brièvement avec Maduro lors de la COP27 à Charm el-Cheikh, en Égypte.

Le président français a dit au président vénézuélien : « Je serais heureux que nous puissions nous parler plus longuement, que nous puissions engager un travail bilatéral utile pour la région », car « le continent est en train de se reconstituer », c’est-à-dire qu’il fallait remplacer les hydrocarbures pétroliers.

Macron ne sait-il pas que le pétrole est abondant dans le monde ? Ou bien a-t-il voulu se positionner en génie géopolitique en proposant de retirer le dictateur vénézuélien de la liste des pariât ?

L’Occident n’a pas besoin du pétrole du Venezuela, et encore moins de celui de la République islamique d’Iran, grâce à l’abondance du pétrole partout dans le monde, y compris chez le voisin du Venezuela, le Guayana. Que l’administration Biden accorde des licences à sept compagnies pétrolières et de quatre sociétés américaines de services pétroliers est surprenant, car, grâce au pétrole de schiste, les États-Unis n’ont pas besoin du pétrole des autres, et encore moins de celui du Venezuela.

Le marché mondial du pétrole de quelque 100 millions de barils par jour est bien alimenté et il n’y a pas de crainte d’augmentation de prix.

Si le monde veut jouir d’une plus grande paix, il est urgent de recadrer l’Iran et Maduro. Qu’attendent nos dirigeants ? Que le Venezuela perde toute sa population, contrainte de fuir un pays pauvre, mais aux immenses réserves de pétrole ? La « malédiction du pétrole », expression historique utilisée pour décrire les souffrances de la population dans de nombreux pays producteurs de pétrole, est très vraie pour ces deux pays anti-israéliens. Quant à Israël, grâce à sa production de gaz naturel, il s’est affranchi de la peur des pénuries d’énergie et prospère, contrairement au Venezuela et à la République islamique d’Iran.

Une chose est sûre : l’histoire du Venezuela restera comme un avertissement sur les dangers de la dépendance excessive aux ressources naturelles, et sur les conséquences désastreuses d’une idéologie socialiste mal appliquée.

Article original publié dans le revue Conflits. 

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