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Pourquoi le calvaire du Liban, bombardé par Israël et prisonnier du Hezbollah et de l'Iran, n'en finit pas

Plus de 500 morts en quelques heures, dont beaucoup de civils, des dizaines de milliers d’habitants obligés de fuir le sud du pays, le Liban tout entier est pris en otage par l’escalade entre Israël et le Hezbollah.En une seule journée, lundi, l’aviation de l’État hébreu a frappé 1.600 cibles liées à la milice chiite. Anticipée depuis des semaines, l’offensive israélienne sur le front nord suit un but bien précis. « Tel Aviv cherche à rétablir la dissuasion et à éliminer la menace de 150.000 missiles à sa frontière, tenus par le bras armé de l’Iran en Méditerranée », pose Antoine Basbous, associé chez Forward Global.

"Reconfiguration des frontières"

Mais le directeur de l’Observatoire des pays arabes inscrit surtout ces derniers développements dans la nouvelle donne régionale. « Cette offensive intervient dans le contexte d’une reconfiguration des frontières au Proche-Orient. Gaza sera forcément inhabitable après cette guerre. Il y aura des mouvements de population. La Cisjordanie est également ciblée avec l’accélération de la colonisation israélienne. Tsahal ne pouvait pas laisser tranquille le Liban dans la mesure où le Hezbollah s’est joint à l’opération du Hamas à Gaza en bombardant le nord de l’État hébreu pour fixer une partie de ses troupes loin de l’enclave palestinienne. »Sorti exsangue en 1990 de quinze ans de guerre civile, le pays du Cèdre est aujourd’hui plus que jamais prisonnier de l’emprise du Hezbollah, véritable État dans l’État, et de son parrain iranien. La conséquence d’un long et sanglant processus d’inféodation à Téhéran.

"Des dizaines d'otages"

« Le Hezbollah a été créé en 1983 à la suite d’un décret de l’ayatollah Khomeiny. Aussitôt après, le nouveau parti a pulvérisé l’ambassade américaine à Beyrouth, 64 morts, puis le QG américain à l’aéroport de la capitale libanaise, 241 morts, et le bâtiment du Drakkar avec 58 soldats français tués, rappelle Antoine Basbous. Après, il y a eu les dizaines d’otages français, britanniques et occidentaux. Enfin, pour finir de s’installer et transformer le pays en colonie iranienne, il a assassiné, en 2005, Rafiq Hariri, suivi du meurtre de dizaines de ministres, députés, de généraux, d’intellectuels. »Le politologue franco-libanais date de cette période de terreur politique le basculement définitif du Liban, sous le regard passif des Occidentaux.  « C’est ainsi que le Hezbollah a déstructuré l’État libanais, empêché l’élection d’un président de la République et d’un gouvernement, en offrant au pays un guide suprême en la personne d’Hassan Nasrallah. Le succès de l’Iran a abouti en quarante ans à la faillite du Liban et au délabrement de ses infrastructures. Le pays paie aujourd’hui la facture de la mainmise de Téhéran », condamne Antoine Basbous.

"Une infiltration qui fait trembler"

Mais avant même le lancement de son offensive, Israël a porté des coups sévères à la milice chiite. « Depuis le début de l’opération à Gaza, l’État hébreu a liquidé 600 commandants et combattants du Hezbollah, en ayant notamment recours à l’intelligence artificielle. La semaine dernière, il y a eu l’opération extraordinaire des bipeurs et des talkies-walkies. L’encadrement a été grièvement touché et déstructuré. Bref, il y a une infiltration des renseignements israéliens au sein du Hezbollah qui fait trembler tous ses dirigeants », insiste le directeur de l’Observatoire des pays arabes.Antoine Basbous pointe une différence de taille entre les événements au Liban et ce qui se passe à Gaza. « Autant Israël a usé de la brutalité sans discrimination dans l’enclave palestinienne, autant là, c’est le Hezbollah qui est ciblé. Il y a de gros dégâts collatéraux mais, en grande partie, ce sont les cadres du parti qui sont éliminés. »

"Est-ce qu'il va vendre le Hezbollah ?"

Alors que le monde entier redoute un embrasement généralisé au Proche-Orient, le politologue franco-libanais juge cette hypothèse peu probable. « L’Iran, qui aurait dû venir au secours du Hamas, puis du Hezbollah, au nom de l’unité des fronts après les avoir encouragés à combattre Israël, veut négocier avec les États-Unis et obtenir 100 milliards d’investissement. Le nouveau président, Masoud Pezeshkian, plus désigné qu’élu, a pour mission de se réconcilier avec Washington. Est-ce qu’il va vendre le Hezbollah aux Américains ? Ce serait une entrée en matière pour sauver le régime iranien. »

"Fausse piste"

Quant à une éventuelle incursion terrestre de Tsahal au Liban, Antoine Basbous se montre là aussi dubitatif. « L’idée de créer une zone tampon au sud de la rivière Litani est une fausse piste. Les missiles du Hezbollah ont une portée de 200 km, ce qui nous amène à la frontière entre le Liban et la Syrie. Occuper une bande de dix à quinze kilomètres ne suffirait pas à protéger les Israéliens. Pour arriver à une paix, il faut un désarmement du Hezbollah et qu’il devienne un parti politique comme les autres », souligne-t-il.

"La misère la plus totale"

Un épilogue souhaité par une grande majorité de Libanais. « Le Liban a fait défaut sur sa dette souveraine il y a cinq ans. Sa monnaie a perdu 98 % de sa valeur. Les trois-quarts des citoyens vivent sous le seuil de pauvreté. Il y a peu d’essence, peu d’électricité. C’est la misère la plus totale à cause de cette mainmise du Hezbollah. Un sondage très sérieux, qui date d’un mois, faisait ressortir que 90 % des Libanais sont hostiles à la guerre et au Hezbollah », conclut Antoine Basbous.

Dominique Diogon

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