Les filières Staps de Limoges et Brive renforcent la place du handicap suite aux Jeux paralympiques
Les 4 et 6 septembre dernier, 127 étudiants inscrits en Sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) sur les sites de Limoges et Brive de l’université ont pu assister aux épreuves de boccia, goalball, paratennis de table, paranatation et paraathlétisme aux jeux paralympiques de Paris.
Le département Staps reste marqué par l’événement qui a « changé la donne » sur la façon d’inclure le handicap dans le cursus universitaire et au-delà.
Explications avec Thomas Bauer, directeur du département des Staps de l’université de Limoges, Justine Lacroix, responsable de la filière APA-S (activité physique adaptée et santé) et Cédric Jary, référent olympisme et paralympisme, enseignant de la filière APA-S.
De quelle manière les Jeux paralympiques de Paris vont contribuer à faire évoluer vos formations ?
Cédric Jary, référent olympisme et paralympisme, enseignant de la filière APA-S : « L’événement a permis à nos étudiants des filières Staps d’assister aux épreuves des Jeux paralympiques. Ce fut l’occasion de tous les sensibiliser à la notion du handicap dans le sport, ce qui est relativement nouveau. Nous avons pu apprécier la performance des paraathlètes et observer le travail de cinq de nos anciens étudiants qui ont été juges de nage sur les épreuves de paranatation. Le programme était aussi ponctué d’échanges et de partages lors de nos rencontres avec les athlètes en paranatation, Léane Morceau, Alex Portal et Sami El Gueddari, cadre technique national chargé de la performance à la Fédération française handisport et consultant sur France TV. Globalement, l’événement nous permet d’offrir une ligne directrice sur le parasport. Nous allons utiliser l’image des jeux pour renforcer ce volet auprès de nos étudiants. »
Justine Lacroix, responsable de la filière APA-S : « En réalité, nous renforçons un travail que nous avons déjà développé. En l’espace de quelques années, nous sommes passés de deux disciplines handisports à huit. Aujourd’hui, nos étudiants pratiquent le basket fauteuil, le volley assis, le goalball, le cecifoot ou encore le parabadminton pour mieux comprendre le parasport. »
En quoi les jeux peuvent-ils changer le regard sur le handicap ?
Cédric Jary : « Les jeux paralympiques de Paris permettent aux étudiants d’appréhender la façon dont on organise un évènement d’une telle ampleur et de découvrir de nombreux métiers en lien avec le sport. L’an prochain, nos étudiants participeront au tournoi de basket fauteuil prévu le 17 janvier. Les 18 et 19 janvier, ils organiseront la coupe de France du basket fauteuil à Limoges, de A à Z. L’idée est de montrer à nos étudiants que le handicap n’est pas un point négatif dans le milieu du sport. Avant, nous avions tendance à davantage cloisonner les valides et les sportifs en situation de handicap, c’est moins vrai aujourd’hui. Les Jeux paralympiques nous ont aidés en ce sens mais ne doivent pas être réduits à une seule et forte couverture médiatique.
À notre niveau, nous travaillons toujours pour mieux intégrer la notion du handicap dans le sport, mais au-delà du traitement médiatique fait sur les Jeux qui nous sert de support, d’autres leviers sont importants pour changer le regard sur le handicap. Les moyens financiers, le soutien des sponsors auprès des clubs de parasport pour améliorer leurs conditions d’entraînement sont déterminants. Localement, tout a changé pour les joueurs du club de rugby fauteuil à partir du moment où leurs bonnes performances leur ont permis d’être intégrés à l’USAL. Les joueurs sont aujourd’hui intégrés dans une entité du club de rugby. Au lendemain de ces jeux paralympiques, il nous faut aussi mener des réflexions plus poussées sur la notion du handicap, comprendre les problématiques sportives et de vie quotidienne autour du handisport. »
Quelles sont ces réflexions ?
Thomas Bauer : « Au niveau de la recherche, nous pouvons mener des réflexions sur plusieurs volets. Parmi elles, l’adaptation du handicap dans la vie quotidienne lorsqu’on est sportif de haut niveau, le développement de niches sur l’approche biomécanique de la performance dans le parasport. Tout un travail reste également à faire sur les aspects historiques et sociologiques autour du handisport, sur la façon dont on se construit, sur la manière dont les tierces personnes peuvent intervenir auprès du sportif en situation de handicap. L’équipe du laboratoire Handicap, activité, vieillissement, autonomie, environnement, Havae, rattachée à l’université, se concentre sur la préservation de l’autonomie sur le lieu de vie. »
Aux Staps, toutes les formations sont-elles réellement accessibles à tous ? Un étudiant en fauteuil peut-il se projeter prof d’EPS auprès d’étudiants valides ?
Justine Lacroix : « Bien sûr. Mais il reste du travail à faire au niveau de l’université sur les aménagements pour l’accessibilité aux étudiants en situation de handicap. L’accessibilité des bâtiments reste un énorme défi. C’est aussi vrai dans les établissements scolaires, et dans de nombreux lieux publics. Toutes ces questions sont abordées, mais c’est une lente évolution. »
Cédric Jary : « Mais évaluer un étudiant Staps en situation de handicap, quel qu’il soit, nous oblige à refondre nos barèmes de notation. C’est possible. »
Thomas Bauer : « Est-ce qu’un étudiant peut devenir professeur d’EPS en collège et lycées ? Oui. Bien sûr. Tout est possible. Et ces questions soulèvent de vrais débats. Mais il faut donner davantage de moyens aux établissements scolaires pour lui permettre de travailler dans de bonnes conditions, notamment en termes d’accompagnement humain. Et permettre aussi aux élèves en situation de handicap de pratiquer le sport. J’ai deux exemples en Haute-Vienne. Une petite fille aveugle a été prise en charge par son professeur d’EPS car elle voulait faire du sport. La pratique sportive fut intégrée dans son programme mais cela n’a pas été évident pour le professeur de s’occuper à la fois d’elle et des vingt-sept autres élèves qui bougeaient dans tous les sens. Dans un autre établissement, un collégien en fauteuil roulant prenait quant à lui sur les heures d’EPS pour faire sa rééducation… Il reste manifestement encore du travail. Dans des classes à trente élèves, il faut aider les enseignants d’EPS à concrétiser cette inclusion. »
Propos recueillis par Aline Combrouze