Francophonie honteuse?
Avec plus de 320 millions de locuteurs, la langue française rayonne à travers le monde. Le président Macron accueillait samedi le 19ᵉ Sommet international de la Francophonie, à Villers-Cotterêts.
Ce week-end – pardon cette fin de semaine – la France accueillait, à Villers-Cotterêts, département de l’Aisne (10 951 habitants dont le gentilé est Cottereziens) le dix-neuvième sommet de la francophonie. Villers-Cotterêts, lieu de naissance d’Alexandre Dumas et de la promulgation du fameux édit faisant du Français la langue administrative officielle du royaume. C’était sous le panache blanc de François 1er, en 1539. En 2024, sous le panache quelque peu défraîchi et déplumé de Macron 1er se tenait donc, en France, pour la première fois depuis trente-trois ans, cette grande assemblée autour de notre patrimoine commun, j’allais écrire notre mère commune, la langue française. Une centaine de délégations d’États et de gouvernements avait fait le voyage de Villers-Cotterets. Pour la plupart de ces gens, ce devait être une découverte, car pour charmante que soit cette localité, elle ne figure pas encore au nombre des sites les plus visités au monde, même après que son château a été si joliment restauré de fond en combles, ce qui aurait coûté un bras selon la rumeur publique. Mais quand on aime on ne compte pas, et Macron 1er aime notre langue. Moins que son épouse, au demeurant, intensément investie, quant à elle, dans le programme Voltaire, ce dont il convient de la féliciter.
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Naïf impénitent, je m’attendais à ce que le service public de radio télévision saisisse l’opportunité qui s’offrait à lui de dédier quelques tranches horaires, quelques soirées, exclusivement à la langue. Des propositions d’émissions qui eussent été le pendant heureux de lectures de textes, de poèmes, de scènes, de morceaux choisis de notre littérature dans les écoles et autres lieux voués à la culture. Monsieur le député Delogu n’attendait que cela, me dit-on, pour offrir quelques démonstrations de récitatif en vers françois du haut-moyen-âge. Perso, j’aurais bien payé pour voir ça ! Hélas, l’occasion ne s’est pas présentée. En effet, le service public – ou sévice public (cela pour piller sans vergogne le cher William Goldnadel) – ayant décidé de la jouer petit bras, très petit bras, profil bas pour tout dire. Point d’incursion dans la séance du dictionnaire, quai Conti, à l’Académie française. Point de Molière en première partie de soirée, point de lecture de Madame de Sévigné à l’heure du thé, et même pas de San Antonio ou du Audiard en creux de nuit, à l’heure où tous les chats sont gris et la France joyeuse aussi. Rien de tout cela. Juste un concert sur la trois depuis le château plus crème chantilly que jamais et une délocalisation de l’émission littéraire de la cinq où on célèbre hebdomadairement la littérature propre sur elle.
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Pourquoi tant de discrétion, d’humilité, me direz-vous ? La raison, je le crains, est toute simple. Honteuse, mais toute simple. Célébrer la langue française à son plus beau, à son plus haut, celle du quai Conti, celle des Molière, des La Rochefoucault, des Proust, et de tant d’autres, ce ne peut être qu’honorer la langue de l’abominable dominant blanc, de l’épouvantable négrier, du détestable colonisateur. Alors, mieux vaut s’abstenir, comprenez-vous. On veut bien célébrer la francophonie, certes, mais pas le Français de souche. Quand bien même s’agirait-il, en l’occurrence, de la langue. Voilà, selon moi, toute l’affaire.
Par chance, le manquement s’est trouvé occulté par la disparition brutale d’un excellent comédien, très aimé des Français. Le manquement a été occulté, disais-je, mais aussi la manifestation elle-même pour laquelle nombre de représentants africains avaient fait le déplacement. Or, le défunt célèbre a focalisé sur lui, sur son drame épouvantable, toute la lumière. Blanc, Michel Blanc. C’est son nom… Blanc ! Saperlipopette ! Si j’étais Madame Obono je hurlerais au complot.
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