Comment la guerre au Proche-Orient bouscule la campagne présidentielle américaine
Donald Trump le répète depuis un an : lui au pouvoir, il n’y aurait jamais eu de 7 octobre en Israël, veut croire le candidat républicain à l’élection présidentielle. L’ancien président l’a bien compris : les conflits au Proche-Orient devraient jouer un rôle majeur lors de l’élection présidentielle, alors que Washington est l’allié le plus proche d’Israël.
Joe Biden, Kamala Harris et Donald Trump ont marqué lundi le premier anniversaire de l’attaque sans précédent du Hamas contre Israël. "Je reste totalement engagé pour la sécurité du peuple juif, la sécurité d’Israël et pour son droit d’exister", a fait savoir le président américain dans un communiqué. "Je suis dévastée par la douleur et le deuil provoqués le 7 octobre", a pour sa part déclaré la vice-présidente Kamala Harris, candidate démocrate à la Maison-Blanche. "Nous n’abandonnons pas. Nous faisons tout notre possible pour un accord de cessez-le-feu et de libération des otages à Gaza", a-t-elle encore affirmé.
Son rival Donald Trump s’est quant à lui rendu lundi sur la tombe d’un rabbin ultra-orthodoxe à New York, avant d’organiser une cérémonie, aux accents de meeting de campagne, dans l’une de ses propriétés en Floride. "Nous ne devons jamais oublier le cauchemar" du 7 Octobre, a lancé le candidat républicain. L’ancien président, qui avait déplacé l’ambassade américaine à Jérusalem sous son mandat, s’est engagé à ce que "l’Etat hébreu ne soit plus menacé de destruction" s’il était élu le 5 novembre.
Le numéro d’équilibriste de Kamala Harris
Depuis l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, la guerre au Proche-Orient pèse non seulement en continu sur la campagne électorale américaine, mais elle pourrait aussi influencer le résultat du scrutin. Côté démocrate, Kamala Harris marche sur des œufs. Elle a succédé comme candidate du parti à un Joe Biden dont le franc et constant soutien affiché au Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou - réitéré fin septembre dernier en débloquant 8,7 milliards de dollars d’aide militaire en faveur d’Israël - lui a valu de s’aliéner une partie de l’aile gauche et des musulmans américains.
Consciente de la division au sein de son parti sur la question de l’offensive israélienne à Gaza, Kamala Harris joue les équilibristes. Pour l’essentiel, elle a emboîté le pas à Joe Biden, qui avait été à Tel-Aviv dès le 18 octobre 2023 pour témoigner à Benyamin Netanyahou du soutien "éternel" des Etats-Unis. La démocrate défend ainsi vigoureusement "le droit d’Israël à se défendre", sans remettre en cause l’aide militaire américaine. Mais elle s’est montrée plus insistante que le président sur une demande de cessez-le-feu à Gaza et promet de ne pas "rester silencieuse" face aux souffrances des Palestiniens. Kamala Harris a en outre prétexté d’un empêchement lors de la venue de Benyamin Netanyahou au Congrès, le 24 juillet dernier. Une absence remarquée alors que des dizaines de représentants démocrates avaient choisi de boycotter ce discours.
Les regards tournés vers le Michigan
"Personnellement, je ne connais personne qui votera pour Kamala Harris", déclare auprès du New York Times l’imam chiite Hassan Qazwini, fondateur de l’Institut islamique d’Amérique à Dearborn Heights. Celui-ci a indiqué qu’il prévoyait de voter pour un parti tiers cette année, après avoir pourtant soutenu Joe Biden en 2020.
Les regards se tournent particulièrement vers le Michigan, un Etat susceptible de faire basculer le résultat de la présidentielle, et où vit une importante population d’électeurs arabes et musulmans. Il y a quatre ans, Joe Biden avait remporté le Michigan avec le soutien d’un grand nombre de ces Américains. "Etant donné l’importante proportion d’électeurs dans le Michigan qui sont arabes américains, et vu comment fonctionne le collège électoral, les inquiétudes vis-à-vis des Palestiniens peuvent influer sur le résultat", explique à l’AFP Michael Traugott, professeur de sciences politiques à l’Université du Michigan.
Comme le rapporte le New York Times, le soutien à la candidate démocrate s’est non seulement érodé parmi les Arabes américains et les musulmans, mais il a pratiquement disparu dans certains quartiers de cet Etat clé. Sereene Hijazi, une électrice de 28 ans faisant partie de l’importante population libano-américaine du Michigan, indique auprès du quotidien américain qu’elle ne peut pas se résoudre à soutenir Kamala Harris. Elle est en effet peinée à l’idée que des armes fournies par les Etats-Unis mettent en danger les membres de sa famille. "Je me sens très coupable", affirme Sereene Hijazi, précisant qu’elle penche pour l’écologiste Jill Stein, la candidate du Parti vert. "Beaucoup d’Arabes-Américains se sentent coupables parce que, par exemple, nous sommes ici, nous sommes en sécurité, mais ce sont nos impôts qui tuent nos proches et les gens que nous connaissons", déclare cette électrice, qui s’est longtemps considérée comme démocrate.
Les déclarations à l’emporte-pièce de Donald Trump
Côté républicain, Donald Trump n’a de cesse de décrire une planète au bord de la troisième guerre mondiale, imputant cette situation apocalyptique au tandem Joe Biden-Kamala Harris. Le milliardaire septuagénaire compte profiter des tensions au Proche-Orient pour combler son retard au sein de l’électorat juif américain, qui privilégie majoritairement Kamala Harris dans ses intentions de vote. "Elle déteste Israël", a affirmé Donald Trump lors du débat qui a opposé les deux candidats, le 10 septembre. Le républicain est allé jusqu’à affirmer que les juifs devraient se faire "examiner la tête" s’ils votaient démocrate. Il a en outre soutenu qu’Israël cesserait d’exister en moins de deux ans si Kamala Harris était élue. Enfin, Donald Trump a dit que les juifs pourraient être tenus responsables s’il perdait l’élection.
Avec ces déclarations à l’emporte-pièce, le républicain espère sans doute gagner des points dans les Etats de New York et de la Pennsylvanie, qui comptent une importante population juive. Mais ses propos ont suscité des réactions négatives. L’American Jewish Committee a dénoncé une rhétorique "dangereuse" et le Jewish Council for Public Affairs (JCPA) a reproché au candidat d’utiliser des "stéréotypes antisémites".
Donald Trump a par ailleurs semé le trouble quant au soutien inconditionnel qu’il accorderait au gouvernement israélien s’il était élu pour un nouveau mandat. En octobre 2023, il avait qualifié le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, de "crétin", et avait critiqué Benyamin Netanyahou dans la foulée des massacres du 7 octobre. Les relations entre l’ex-président américain et le Premier ministre israélien se sont détériorées depuis que Benyamin Netanyahou a félicité Joe Biden lors de sa victoire à l’élection présidentielle de 2020, un geste que Donald Trump a perçu comme une trahison. Les deux hommes se sont toutefois revus en juillet dernier aux Etats-Unis.