“Terrifier 3” : pourquoi nous sommes face à une grande franchise gore
Annoncée la semaine dernière, l’interdiction aux moins de 18 ans de Terrifier 3 est certes une nouvelle catastrophique pour son distributeur Shadowz, qui s’est très légitimement fendu d’un communiqué de dénonciation.
Qu’il nous pardonne cette remarque un peu égoïste, mais elle n’en est pas moins aussi une forme de couronnement, reconnaissant par cette classification à laquelle aucun film d’épouvante n’avait eu droit depuis Saw 3 en 2004 l’exceptionnalité d’une franchise (les deux premiers volets ne sont pas plus timides) qu’il est sans doute temps d’introniser au panthéon horrifique, en dépit de ses faux airs de pantalonnade gore inconséquente.
Un grand clown maléfique
Terrifier suit donc les méfaits d’un serial killer, Art le Clown, sorte de clown blanc (premier pas de côté alors que les grands clowns maléfiques ont toujours été des augustes : Pennywise, le Joker, John Wayne Gacy Jr.…) tirant sur son dos un grand sac poubelle rempli d’on ne sait quelles horreurs. Il erre ici et là à la recherche de massacres à perpétrer, doté d’une force notable et surtout d’une remarquable créativité dans le supplice à l’arme blanche. Sous le costume se cache un fou marginal sans nom, dont nous ne saurons jamais pourquoi il tue, et que les épisodes ont graduellement développé en monstre fantastique, capable ici de survivre avec une tête détachée de son corps, là de s’inviter dans les rêves de ses victimes façon Freddy Krueger ou de manipuler leurs pensées. Plus loin, il peut ouvrir dans le sol des portails béants qui semblent le relier aux enfers.
Rien de tout cela n’est expliqué, et la cohérence n’a de toute façon jamais étouffé la saga, qui répond plutôt à un principe d’installations, avec des scènes presque décorrélées les unes des autres. On ne s’étonne jamais dans Terrifier qu’un carnage n’ait pas vraiment de conséquences sur la scène qui lui succède : aucun monde contigu et ordonné ne vient vraiment se déployer dans le hors-champ, qui s’apparente plutôt à un arrière-fond de ténèbres hébergeant sans les relier une galaxie de décors de courts métrages.
Cela s’accorde en toute cohérence avec les inspirations évidentes d’Art the Clown dans le burlesque muet, bien que, depuis le deuxième volet, la franchise ait commencé à développer un arc narratif plus ambitieux. Art a en effet trouvé sa “Laurie Strode” en la personne de Sienna, une adolescente qui lui survit et lui résiste, et dont il s’emploie désormais à méthodiquement charcuter l’entourage.
Un génie barbare
Une trame dont l’apparition est un peu regrettable, tant l’idée que rien ne survivait au tueur, que le film ne laissait derrière lui qu’un tas fumant de charpies noirâtres, est pervertie par cette mutation en teen movie horrifique mâtiné de synthpop à la Stranger Things. Fort heureusement, Terrifier n’en ressort pas tant dénaturé au niveau de son génie barbare, qui tape à un endroit très particulier du cerveau, totalement différent de celui que vient stimuler habituellement l’épouvante établie orientée fantômes et démons, mondes occultes, croyances sataniques. Ici, s’ouvre une autre voie totalement incroyante : un gore scabreux, à la fois grisant et insoutenable, qui touche à des tabous y compris dans l’horreur (massacrer des enfants notamment), et nous laisse très singulièrement suspendus à ses profanations corporelles, aux immondices libératrices de son imagination sans aucune limite morale.
Car il faut bien l’avouer : Art le Clown est un meurtrier irrésistiblement drôle, presque sympathique (on pense beaucoup au Jim Carrey de The Mask), et l’antagoniste du film, c’est plutôt cette satanée jeune fille qui a la désagréable manie de lui survivre.
Terrifier 3 de Damien Leone avec Lauren LaVera, David Howard Thornton.