Pourquoi peut-on trouver des pesticides dans certaines de nos fleurs ?
Les études ont montré la présence de résidus de dizaines (jusqu’à une centaine) de pesticides sur les fleurs. Comment ? Pourquoi ? Comme souvent, la réponse se niche dans un marché mondialisé avec des législations nationales.
Pas de produits chez les fleuristesMais reprenons depuis le début. Au premier chaînon : les fleuristes. Ici, aucun produit. Les fleurs arrivent déjà coupées. Aucune raison de les traiter. « Cela vient forcément plus haut dans la chaîne, mais je ne sais pas où », résume-t-on aux Champs Fleuris à Clermont-Ferrand.
Remontons donc la chaîne. Direction, les grossistes. La Sodif possède une dizaine de plateformes en France, dont une au Brézet. Elle couvre six départements et vend, pour l’exemple, 100.000 roses chaque Saint-Valentin.
« Quelques fournisseurs nous disent qu’ils utilisent des produits, mais les Pays-Bas, qui représentent 60 % de nos achats, c’est le mystère », explique le responsable du site clermontois.
« Les Pays-Bas sont une énorme plateforme, mais ils produisent 50 % et importent 50 %. Ils importent même des fleurs françaises qu’ils revendent en France », explique Stéphane Chanteloube, ambassadeur du label de qualité de la fleur française.
Chez Stéphane Chanteloube, à Clermont, où les fleurs sont saines.
La France est propre, mais la France importeEn fait, si pesticide, il doit y avoir, c’est du côté des horticulteurs. Au moment de la pousse. Logique.
« Nous n’utilisons aucun produit phytosanitaire », explique Delphine Vernier. Mais ses Serres Fleuries, à La Roche-Blanche, sont un élève particulièrement zélé.
Les nouvelles normes imposent l’utilisation de moins en moins de produits phytosanitaires, continue Stéphane Chanteloube. À côté de ça, l’Espagne, l’Équateur, le Kenya sont soumis à d’autres règles.
On sent des contradictions, pour ne pas dire des aberrations, qui agacent le fleuriste. « Appelez mon ami Gilles Rus, il est directeur du développement du marché d’Hyères. Il vous expliquera. » Le marché d’Hyères, plus grand marché de fleurs de France. Mais une goutte en France : 10 %.
« L’Europe est la zone la plus contrainte. Avec des différences internes aussi. La France, les Pays-Bas et l’Allemagne sont les pays les plus propres. Mais certains produits phytosanitaires sont interdits depuis des années en France, mais autorisés en Espagne, même pour l’alimentaire. »
Par exemple, la production de tournesols, cette année, est envahie par les chenilles. « Les produits autorisés sont tellement peu nocifs qu’ils sont inoffensifs pour les chenilles. »
Surprise.
Plus de perte = hausse des prix = hausse des importationsEt l’effet fait boule de neige : moins de phytosanitaires égal plus de perte, donc des prix qui augmentent, donc un marché qui se tourne plus vers l’extérieur.
« L’Afrique n’a pas de contraintes environnementales ou sociales, avec un Smic à 45 €. » Delphine Vernier abonde : « Les gens là-bas doivent être exposés à des produits, c’est inimaginable. Des produits qui vont dans l’eau ensuite. » Et, a priori, pourraient se retrouver sur les fleurs coupées.Y a-t-il une solution ?
Consommer des fleurs de saison, accepter de payer un peu plus cher et se dire qu’on n’a pas besoin d’un iPhone à mille balles dans sa poche », tranche Gilles Rus.
Comme à chaque scandale sanitaire se cache une question de rentabilité. Ancrée. « Déposer un brevet coûte très cher. Pour l’alimentaire où la rentabilité est haute, ça va. Mais les firmes pharmaceutiques n’ont pas d’intérêt commercial pour les fleurs. Donc, aujourd’hui, on utilise des produits moins agressifs pour les fleurs que pour des tomates. » Que, elles, nous mangeons.
Simon Antony