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Clairo, Chappell Roan, Adele : quand les musiciennes recadrent leur public

Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, il n’a échappé à personne que succès et célébrité peuvent être vénéneux. Le rythme harassant des tournées, les travers d’une industrie cupide, la passion outrancière et vorace de certain·es fans…

Et l’obligation convenue, pour les artistes en question (la plupart du temps féminines) d’avaler des couleuvres et se réjouir d’une carrière qui décolle. Obligation qu’une nouvelle génération de musiciennes a décidé de balayer, bien décidées à fixer leurs propres limites. Il était temps.

Rappeler les mascus à l’ordre

Dernier exemple en date avec Clairo. Le 9 octobre dernier, l’Américaine se produit à Portland, dans l’Oregon. Une soirée parmi des dizaines d’autres (elle est en tournée à l’occasion de la sortie de Charm, son dernier album sorti en juillet dernier). À ceci près que cette fois-ci, certains spectateurs (masculins) s’avèrent particulièrement bruyants et irrespectueux. Si bien qu’une fois le concert achevé, Claire Cottril, de son vrai nom, décide de se rendre sur X, et d’y poster une petite publication assassine – supprimée depuis.

“Portland, c’était amusant ! Les gars présents à mes concerts peuvent-ils arrêter de me crier dessus ?”, écrit Clairo, la plume corrosive. Et de s’épancher davantage : “Pour être claire, c’est bien que les hommes apprécient ma musique. Tu n’as pas à être gêné d’aimer ma musique. Mais quand tu viens à mes concerts, sois au moins respectueux envers moi et les autres personnes dans le public !”.

Quelques internautes, présent·es ce soir-là, semblent acquiescer. “J’ai passé un moment absolument incroyable, mais je ne vais pas mentir, le public était horrible”, admet l’un·e d’elleux. Un·e autre renchérit : “Le fait qu’ils aient continué à le faire [à crier] après ne pas avoir reçu de réponse de ta part était tellement agaçant. Je suis vraiment désolé·e, tu ne le mérites pas. Les gens autour de moi pensaient aussi que c’était bizarre”.

“Les femmes ne vous doivent rien”

Cet été, c’est Chappell Roan qui tapait du poing sur la table face à l’insistance de certain·es de ses admirateur·rices. La chanteuse du Missouri – qui bénéficie d’une immense communauté de fans, comptabilise des millions de streams à l’échelle internationale et se produit désormais dans des salles pleines à craquer – a ainsi publié deux vidéos sur son compte TikTok, le 20 août.

L’Américaine y dénonçait les “comportements effrayants” auxquels elle est confrontée depuis que sa notoriété s’est envolée. Certain·es fans expriment leur colère quand ils·elles essuient un refus de sa part (pour prendre une photo avec elle, la serrer dans leur bras, discuter…), lui hurlent dessus depuis leur voiture, la harcèlent sur les réseaux sociaux ou la suivent dans ses déplacements… “Je me fiche que les abus et le harcèlement soient une chose normale pour les personnes célèbres ou un peu célèbres. […] Je me fiche de savoir que ce type de comportement fou va de pair avec le travail, la carrière que j’ai choisie”, a-t-elle fustigé.

@chappellroan

Do not assume this is directed at someone or a specific encounter. This is just my side of the story and my feelings.

♬ original sound – chappell roan

Avant de remettre ça sur Instagram, trois jours plus tard. “J’ai eu trop d’interactions physiques et sociales non consensuelles, et je dois juste vous le dire et vous rappeler que les femmes ne vous doivent rien”, y écrivait-elle, ajoutant que “cette situation est similaire à l’idée selon laquelle si une femme porte une jupe courte et se fait harceler ou siffler, elle n’aurait pas dû porter cette jupe”.

Et d’asséner un ultime coup de boutoir : “Ce n’est pas le devoir de la femme de s’en remettre et de l’accepter, c’est le devoir du harceleur d’être une personne décente, de la laisser tranquille et de respecter le fait qu’elle peut porter ce qu’elle veut tout en méritant la paix dans ce monde.

Réagir aux violences homophobes et sexistes

Fixer ses propres limites, c’est aussi garder la main sur l’ambiance qui règne pendant ses concerts. Et veiller à tancer les spectateur·rices (homophobes, au hasard) qui posent problème. Un soir de juin dernier, alors qu’Adele se produit à Las Vegas, un spectateur crie dans la salle : “Pride sucks !

Choquée, la chanteuse est directement intervenue : “C’était quoi ça ? Est-ce que tu as vraiment dit ‘Pride sucks’ ? Est-ce que tu es venu à mon show et dit ‘Pride sucks’ ? Est-ce que tu es stupide ?”, rétorque-t-elle, “Ne sois pas aussi ridicule. Si tu n’as rien de gentil à dire, ferme là, OK ?”. Une intervention qui a valu à Adele un tonnerre d’applaudissements.

Mais réagir sur le moment peut s’avérer complexe, d’autant plus quand les mots se déclinent en gestes. En avril dernier, les membres de Sprints – le groupe de punk dublinois – s’exprimaient sur les réseaux sociaux à l’issue d’un concert donné au Belfast Ulster Sports Club. Une date lors de laquelle Karla Chubb – chanteuse et leadeuse du quatuor – a été agressée sexuellement, et ce “pour la deuxième fois de la tournée”, ont déploré les Irlandais·es. Avant de poursuivre : “Le fait que cela se soit produit deux fois est odieux, le fait que cela se produise encore est dégoûtant. Nous ne tolérerons pas cela et nous ne resterons pas silencieux à ce sujet”.

“Les artistes féminines devraient pouvoir interagir avec leur public, quitter la scène ou se produire sans craindre d’être agressées, touchées, sifflées ou harcelées”, ont-ils complété. Et de conclure : “Le fait que cela soit encore le quotidien de la plupart des femmes est plus que répréhensible.” Musiciennes ou non.

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