Dans l'Allier, l'emploi et l'intérim dans une mauvaise passe
La rentrée économique est marquée par une vraie bonne nouvelle, « l’inflation revenue à la cible de 2 % pour garantir la stabilité des prix ». Mais c’est un peu la seule bonne nouvelle, résume en substance Sylvain Carrère-Gée, directeur de la Banque de France de l’Allier, qui décrypte la situation économique du département.
Car « la hausse des taux a entraîné moins d’investissements des entreprises, pas de récession, mais la situation reste fragile ». Le responsable rappelle l’impact d’« un contexte très anxiogène, un environnement géopolitique qui ne s’est pas amélioré, avec de possibles répercussions économiques ». De plus, « les incertitudes sur la future politique budgétaire du nouveau Gouvernement conduisent à un climat d’attentisme des ménages, et la consommation n’est pas aussi forte qu’espéré ». En revanche, les salaires moyens ayant davantage progressé que l’inflation, ce pouvoir d’achat accru devrait soutenir la croissance. Dans ce contexte, comment s’en sort l’Allier??
L’industrie à la peineLe secteur industriel, « surreprésenté dans l’Allier, est à la peine. C’est lié au contexte d’incertitudes des gros donneurs d’ordre dans les filières de la métallurgie, des sous-traitants de la filière automobile, dans un contexte d’interrogations autour de la transition énergétique, à d’éventuelles modifications du calendrier sur les véhicules thermiques. Cela freine les activités des industriels. Les investissements sont en recul, du fait d’une demande moins forte. Le secteur de la chimie n’est pas très florissant. Ce secteur très concurrentiel au niveau international a souffert de la hausse du prix de l’énergie ».
Bâtiment : « activité correcte »L'activité dans le second oeuvre reste correcte, dans l'Allier. Photo Corentin Garault L’activité du bâtiment reste « correcte, dans l’Allier et progresse globalement. La construction de logements individuels est en recul, mais cela ne représente pas toute l’activité. Après une situation de surchauffe, avec des plans de charge sur un an, les chefs d’entreprise ont désormais une visibilité plus rapprochée, à deux, trois mois, ce qui suscite des inquiétudes, mais ne veut pas dire que l’activité recule ».
Le gros œuvre « est en recul, mais ne représente qu’un tiers de l’activité. Les rénovations énergétiques et globalement l’activité de second œuvre restent soutenues. En clair, on aménage son logement plutôt que d’en changer ».
Au deuxième trimestre 2024, les permis de construire dans l’Allier « sont en forte baisse, mais les constructions non résidentielles (bâtiments d’entreprises, activités agricoles, de collectivités) sont, elles, en légère hausse, contrairement à la moyenne régionale ».
Les chantiers de rénovation énergétique boostent l'activité du bâtiment, mais le gros oeuvre est à la peine. Photo Corentin Garault
Services marchands : un peu moins dynamiques qu’ailleurs« L’Allier est sous représenté dans les services marchands, mais cela reste quand même le plus gros secteur d’activité ». D’après l’enquête de la Banque de France, l’activité est « globalement dynamique, mais l’Allier en bénéficie un peu moins que d’autres départements. Car des secteurs souffrent de la moins bonne tenue de l’industrie, comme l’intérim et le fret routier, dans une moindre mesure. L’intérim est la variable la plus flexible. À rebours de la tendance nationale, l’ajustement de l’emploi a commencé depuis le dernier trimestre 2023, dans l’Allier, qui voit le nombre d’emplois global régresser ».
L’emploi salarié diminueAinsi, à la fin mars 2024, selon les chiffres de l’Urssaf, l’emploi salarié marchand qui couvre tous les secteurs (services, commerce, industrie et BTP) a régressé de 0,4 % en un an, dans l’Allier, à rebours de la région, où il a progressé de 0,5 % et de la France, où il a progressé de 0,6 %. Au deuxième trimestre, il a même régressé de 0,9 % (contre +0,3% en AurA). C’est dans le bassin d’emploi de Moulins que le recul est le plus marqué, avec une baisse importante de 2,7 % au 1er trimestre, tandis que le bassin de Montluçon connaît une légère baisse de 0,4 %. Seul l’emploi continue de progresser sur le bassin de Vichy, d’1 %, fin mars 2024. Dans la région, deux autres départements connaissent une situation analogue : la Loire, à l’activité fortement industrialisée et la Drôme. L’intérim a régressé, au 1er trimestre 2024, de 12,8 % : « C’est deux fois plus qu’au niveau régional », souligne Sylvain Carrère-Gée.
Seul le bassin de Vichy tire son épingle du jeuDans l'atelier Louis Vuitton, le 27 février 2023 à Saint-Pourcain-sur-Sioule. Photos Séverine TREMODEUX Seul le bassin d’emploi de Vichy est encore en croissance?; l’emploi salarié total progressait de 1 % sur le bassin d’emploi de Vichy à fin mars 2024 sur 1 an (la croissance n’est plus que de 0,4 % à la fin du deuxième trimestre sur les données à paraître de l’Uurssaf). Comment l’expliquer?? « Le bassin d’emploi comprend un tissu d’entreprises performantes?; des secteurs d’activité variés, tirés par le luxe [Vuitton en tête], l’électronique, le tourisme?; un territoire plus attractif, qui bénéficie de la proximité de la métropole clermontoise ».
Défaillances d’entreprises en hausse, mais….Autre variable un peu plus favorable dans l’Allier, les encours de crédit attribués aux PME et TPE. Ils « se maintiennent dans le département, alors qu’ailleurs, ils baissent.
Et les entreprises en tension de trésorerie sont en léger recul, dans l’Allier, fin août ». Les défaillances d’entreprise ont progressé de 25 %, en un an, fin août. « Le département connaît la même tendance qu’au plan régional et national. Mais cela ne représente que 224 défaillances », nuance le directeur, « alors qu’avant la crise Covid, elles étaient de l’ordre de 250 par an. Il y a donc un phénomène de rattrapage. Nous sommes d’ailleurs très peu sollicités sur ces questions-là, à la Banque de France ».
Dernier indicateur, les cotations attribuées aux entreprises. « On ne les a pas cotées moins favorablement dans l’Allier, et même mieux qu’au plan national. La structure financière des entreprises de l’Allier est donc plutôt meilleure qu’au plan national. Cela montre que l’industrie est conjoncturellement à la peine, mais structurellement plus solide qu’ailleurs. À l’image du projet de mine de lithium, long à mettre en place, du fait de l’importance des capitaux à mobiliser ».
Ariane Bouhours