La recette pour changer le levain en or
Romain Poiraud tient peut-être sa détermination de ses origines chouannes. « Ado, je voulais devenir boulanger. Alors, je suis rentré en apprentissage puis j’ai obtenu mon brevet professionnel, revendique Romain Poiraud. Bien sûr que l’idée était de me mettre à mon compte. Mais avant, il me fallait acquérir de l’expérience. » Alors, il va faire le tour des patrons. « Des modestes, des grosses structures, de la grande distribution, saisonnier. Tout voir avant de franchir le pas vers l’autonomie. »
Seulement voilà, le futur patron des Célespains sort désappointé de ce périple. « En fait, partout je produisais en quantité, mais la qualité – celle que je voulais - ne me semblait pas au rendez-vous. J’ai failli arrêter. Mais, il y a eu cette rencontre avec un artisan qui m’a révélé le bio et le levain. »
Romain s’inscrit à l’EIDB (École internationale de la boulangerie) sise dans une toute petite commune des Alpes de Haute-Provence, Noyers-sur-Jabron. Il apprend là tout ce qui fait la particularité d’un levain, et à comprendre, à maîtriser cette matière vivante. Ensuite, il repart cette fois pour un tour de France de ces créateurs d’un pain nouveau « vieux comme le monde ». Une sorte de compagnonnage où l’on échange ses expériences.
Il y a deux ans, il pose ses valises à Vichy d’où est originaire Laura sa compagne. C’est elle qui va lui trouver où installer son fournil et trouver l’enseigne à ce dernier, Les Célespains, jeu de mots malin avec la proche source des Célestins.
Pas de secret d’alchimiste sinon l’amour du métierMaître du jeu désormais, Romain va pour voir vivre son métier - et vivre de son métier - comme il l’entend. « La fabrication au levain repose sur un modèle économique particulier. Entre la naissance du levain, son nourrissage, son utilisation et enfin la cuisson, il faut compter 48 heures en gros. »
Soit un pétrissage à long terme qui l’amène à n’ouvrir la boutique que trois après-midi dans la semaine. « Une symbiose parfaite entre vie professionnelle et vie familiale. Je ne veux pas devenir chef d’entreprise ou ouvrir d’autres structures. J’entends continuer à mettre les mains dans la pâte pour n’être que boulanger. Même pâtissier, c’est un autre métier. »
Mais, c’est quoi ce levain ? « Une matière vivante, mélange d’eau et de farine à la base. Eau filtrée et farine sélectionnée. Que des produits issus de l’agriculture biologique. Refroidie, ventilée, nourrie, elle évolue, se gorge de ferments lactiques. Cette souche est ensuite utilisée pour faire lever la pâte. Le processus a bien des avantages en dehors d’une saveur particulière donnée au pain, notamment de donner un pain beaucoup plus digeste. » Biologiquement tout s’explique. Pour en savoir plus, n’hésitez pas à poser des questions à Romain et à Valentin, son collègue-apprenti.
Ici, hormis le four et le pétrin, pas d’autres machines. Deux mains, deux bras, pour tourner et retourner la pâte. Pour façonner, « pas trop, il faut laisser vivre cette pâte. Éviter de la bousculer, on pèse après la cuisson. » L’œil est fixé sur l’horloge, le travail est rythmé par l’évolution du levage.
« Face à la dynamique, il me fallait de l’aide. Pas un simple vendeur, quelqu’un capable de parler du produit, comme moi. » Alors Valentin s’active dans le fournil avant de passer derrière la banque. Une démarche qui colle à la philosophie de Romain qui, discrètement, offre son surplus à l’épicerie solidaire locale. La petite entreprise ne connaît pas la crise.