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Michelin équipe la plus grosse moissonneuse-batteuse du monde : pourquoi l'agriculture voit-elle toujours plus grand ?

Les pneus Michelin rayonnent partout dans le monde. Et depuis 1978 et la sortie de son premier pneu radial agricole, le manufacturier clermontois innove aussi sans relâche pour équiper le secteur agricole. La dernière de ses créations vient d’être présentée depuis son usine de Valladolid, en Espagne : le Cerexbib 2, deux pneumatiques d’un diamètre de 2,30 et 2,32 mètres, destinés à équiper la nouvelle moissonneuse-batteuse CR11 de New Holland, la plus grosse du monde, avec 20.000 litres de trémie et un collecteur de 15 mètres. L’idée de cette nouvelle machine a germé en 2014 au sein du groupe CNH, Né en 1999 de la fusion de deux grandes entreprises : Case IH et New Holland NV.

« Nous avons été mis dans la boucle en 2018. Et à ce moment-là, la machine n’existe peut-être même pas… » 

Car l’un des défis pour les équipes Michelin a été d’imaginer ces pneus aux dimensions exceptionnelles sans jamais voir la future machine et de les créer à partir de spécifications (charge, compaction du sol...) : « On a d’abord eu des réunions, en interne, pour s’assurer qu’on était capable de faire ce pneu techniquement, de bâtir ce projet et de respecter le calendrier fourni par le client, qui avait une date de sortie cible pour la machine et une date de présentation » : le salon Agritechnica de 2023, en Allemagne.

Recherches dans le Puy-de-Dôme

Les équipes du Centre de recherche et de développement Michelin de Ladoux (Puy-de-Dôme) ont élaboré des esquisses, validé le dessin, puis un prototype a été produit pour des tests en interne, dans son centre spécialisé en Espagne. Sans dévoiler tous les secrets, Mathieu Tufféry précise : « On fait tourner le pneu dans des conditions très pénalisantes pour lui et qui nous permettent de reproduire, en un cycle court, le plus grand nombre d’heures possibles. En gros, on est capable de fournir des résultats dans une période beaucoup plus courte et qui nous prendrait peut-être sept ou huit ans dans la vraie vie ».

Tests

Une fois ces tests validés, la production de ces pneus de 2,30 et 2,32 mètres de diamètre, capables de supporter jusqu’à 19 tonnes de charge chacun, a été lancée dans l’usine Michelin de Valladolid, en 2022-2023. Avec d’abord des préséries, puis la production de masse, calquée sur le déploiement de la CR11.

La verra-t-on œuvrer en Auvergne ou dans le Limousin ? Tout est possible, selon Mathieu Tufféry : « On voit des très grosses machines, y compris en Auvergne sur la Limagne. Mais ici, on parle d’une machine ultra-productive, qui cible vraiment des très grosses exploitations ». Mais pourquoi, demain, ne pas avoir qu’une seule machine à la place de deux, voire résoudre un problème de manœuvre, imagine-t-il.

Pourquoi toujours plus gros ?

La question se pose toutefois : pourquoi des machines toujours plus grosses ? Quels impacts pour les sols ?

« On est huit milliards d’humains sur Terre et la population va continuer à croître, avec + 24 % de population mondiale d’ici à 2050. Il y a des besoins en produits pour nourrir la planète, mais aussi en produits en biomatériaux, donc des besoins énormes. Et il faut faire tout ça avec seulement 5 % de terres arables en plus. »

Le « challenge », c’est donc de faire plus de rendements sur les mêmes parcelles, plus de productivité et d’aller aussi plus vite. « Parce qu’avec les phénomènes extrêmes climatiques, quand la tempête, la pluie ou la grêle arrive, il s’agit d’aller très vite sauver la récolte par exemple. Et puis les fermes se sont regroupées, ont de multiples champs, donc il faut que ça aille vite, sur les routes comme dans les champs », poursuit-elle.

Vite dans les champs mais...

Vite dans les champs signifie plus de traction. Mais pas n’importe comment. Car pour avoir plus de rendements, il faut absolument protéger les terres et la biodiversité (vers de terre, mycélium, insectes…) qui régénère les sols. Dès 2001, les ingénieurs Michelin ont résolu cette délicate équation, avec « le Graal technique : la superflexion, c’est-à-dire une pression inférieure à un bar, soit en dessous de la pression atmosphérique. C’était un vrai challenge ! À l’époque, tous les pneus roulaient à plus d’un bar ou un bar minimum », développe Anne-Laure Fraenkel.

Technologie Ultraflex Michelin

En 2004, Michelin a franchi une nouvelle étape avec le Xeobib, un pneu à flexion très élevée multirécompensé. Suivi par le Spraybib, un pneu destiné aux pulvérisateurs ; le Cerexbib pour moissonneuse-batteuse ; l’Axiobib, « plus gros pneu agricole avec 46 pouces et 2,32 m de diamètre pour tracteurs », relève la coordinatrice.

Qui poursuit : « L’an dernier, on a sorti un bijou de technologie : l’Evobib deux en un. Il peut aller à très basse pression dans les champs (0,6 bar) et être regonflé avec un télégonfleur jusqu’à 2,4 bars, pour aller très vite sur la route, avec beaucoup de confort ». Cerexbib 2 vient compléter cette liste d’innovations, dans des dimensions inédites (VF900/65R46 CFO et VF800/70R46 CFO).

Pression

« La technologie Ultraflex Michelin est une performance unique. Nos pneus ont une carcasse qui se met très bien à plat, des flancs extrêmement souples et fins qui permettent de distribuer la charge du véhicule sur toute l’aire de contact, sur toute l’empreinte au sol et de la répartir uniformément. C’est comme ça qu’on préserve au mieux le sol », dit Anne-Laure Fraenkel. Cette technologie permet aussi de gagner en efficacité énergétique, en consommation de carburant, en confort, en longévité...

« Michelin a toujours cru et continue de croire à ce segment d’activité, avec beaucoup d’innovations. »

Pour mesurer l’impact de ses pneus, Michelin s’est rapproché d’universités, dont Harper Adams, au Royaume-Uni. Son étude menée depuis douze ans montre un regain de biodiversité du sol, de sa santé et des rendements.

Gaëlle Chazal (gaelle.chazal@centrefrance.com)

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