Présence des hommes politiques sur X : le bilan après 6 mois de turbulences
Voici le neuvième épisode de cette série démarrée en octobre 2021 qui vise à mesurer régulièrement la performance des hommes politiques sur le principal réseau social d’actualité : X (ex Twitter).
Les instituts de sondage traditionnels ont mis au point des approches robustes, s’appuyant notamment sur la méthode des quotas. Partant, il leur est compliqué de s’appuyer sur les données des médias sociaux, pourtant à portée de main, à ciel ouvert. Derrière les abonnés ou « « likes » d’un profil sur X, difficile de savoir s’il s’agit de partisans, d’opposants, d’abonnés « achetés », de français ou d’étrangers.
Pourtant, l’analyse des progressions du nombre d’abonnés sur les médias sociaux et en particulier sur X est toujours riche d’enseignements et de signaux faibles. C’est au minimum un indicateur de notoriété, d’intérêt du public et de dynamique. L’élection présidentielle est un marché très grand public où l’image de marque et la notoriété restent clés. Ceux qui se contentent de rassembler des « adapteurs précoces » (early adopters) ont peu de chance de franchir le premier tour de l’élection présidentielles, comme l’avait découvert Eric Zemmour.
Dans cette nouvelle prise de température, nous nous limiterons à analyser les chiffres sur X (en bonne partie corrélée à ceux des autres médias sociaux, ce que nous soulignions en mai dernier).
Nous considérons depuis plusieurs analyses, que – comme au football – nous avons plusieurs divisions. La ligue 1 est constituée des « joueurs » ayant plus de 700 000 abonnés sur X. La ligue 2 qui rassemble les politiques dont le nombre d’abonnés varie entre 300 et 700 000 abonnés. Et la ligue 3 sous la barre des 300 000.
La période analysée (24 mai au 31 octobre 2024) couvre 4 événements majeurs : les élections européennes, les élections législatives provoquées par la dissolution ratée de Macron, la longue gestation « à la recherche d’un premier ministre désespérément » et enfin la nomination de Michel Barnier.
Les has been
Ces hommes politiques sont en perte de vitesse (en général parce qu’ils sont retirés). Le Premier ministre était dans cette catégorie… jusqu’à sortir de l’ombre en septembre. On y retrouve Montebourg, Pap N Diaye, Schiappa… Mais aussi des politiques qui n’ont pas renoncé à leurs ambitions comme Castex et surtout Bayrou qui décidément « n’imprime » plus. Les tassements des anciens présidents toujours visibles médiatiquement, Sarkozy et Hollande désormais député, ou celui d’Hidalgo pourtant très visible pendant les jeux olympiques questionnent un peu plus. Les nettoyages d’abonnés ayant de faux profils, probablement orchestrés par les algorithmes de X, peuvent en être l’une des raisons.
Les gagnants et perdants par équipe
La droite dure et l’extrême gauche ont largement profité de cette longue séquence. Avec Bardella, Marine Le Pen, Maréchal, Knafo, Ciotti (qui a bénéficié fortement de son coup d’éclat constitué par son rapprochement avec le RN et sa sortie des LR), Villiers, Zemmour Philippot et Messiha dans le top 20 des progressions en nombre d’abonnés, la droite dure prend la lumière des médias sociaux.
La gauche extrême fait quasi jeu égal avec Melenchon, Aubry, Panot, Boyard, Rousseau et Ruffin eux-aussi dans le top 20. On pourrait y ajouter Lucie Castets qui a fait une très belle perçée. Ces activistes continuent à faire beaucoup de l’audience.
L’équipe des « partis de gouvernement » est la grande perdante de la séquence (Macron est en tête mais comme nous l’avons déjà dit son statut le rend hors concours). Certes Barnier se retrouve à la sixième place du classement tant en progression en nombre qu’en progression en pourcentage. Mais il reste en ligue 3 et est bien isolé dans son camp… Il est néanmoins accompagné par Retailleau, qui décolle, comme nous le verrons en peu plus loin. Attal (toujours sous la barre des 300 000 ce qui signifie qu’il n’est pas si populaire contrairement à ce qu’il espère) surnage en étant placé (16ème). Mais le gagnant des 2 analyses précédentes a perdu de sa superbe médiatique. En dehors de Barnier, d’Attal et de Faure, dans le top 20, il n’y aucun acteur des LR, de Renaissance ou du PS, ces partis dits de gouvernement qui espèrent encore jouer dans la cour des grands.
Les gagnants et perdants en individuel
Et les révélations sont… Castets, Knafo et Retailleau
Ces trois-là ont percé l’écran médiatique. Castets n’est pas classée car elle n’était pas dans le radar il y a 6 mois. Elle est probablement dans le top 5 des progressions en nombre d’abonnés et la numéro 1 en pourcentage. C’est logique compte tenu de sa forte médiatisation. Sarah Knafo est elle-aussi lancée. Dans l’ombre jusqu’aux européennes, sa parfaite maîtrise des dossiers et des chiffres (ces derniers jours encore à propos des dépenses publiques), son expression claire et synthétique en font désormais l’un des meilleurs clients des plateaux TV. Nous pronostiquons une poursuite de sa forte progression dans les prochains mois. Ajoutons Retailleau dans cette liste. Ce dernier stagnait depuis des mois. En quelques semaines, il occupe avec efficacité tout le terrain médiatique que son statut de ministre régalien lui donne. Personne ne sait s’il restera ministre pendant quelques semaines ou quelques mois mais il exploite au mieux la situation pour gagner en notoriété et créer l’attention.
Le prix du bas bruit est attribué à Philippe de Villiers
Cela fait désormais plusieurs analyses que nous observons la progression à bas bruit de Philippe de Villiers, qui a doublé son nombre d’abonnés depuis 2 ans et rejoindra la ligue 2 lors de la prochaine analyse. Nous maintenons notre théorie. Avec l’émission Face à Philippe de Villiers sur CNews, il a exactement la même démarche médiatique que Trump lorsqu’il faisait de la TV ou encore Zemmour avant que l’ancien journaliste se déclara candidat. Il draine beaucoup de nouveaux fans et curieux. Et si jamais les conditions étaient réunies (inéligibilité de Marine Le Pen…) il pourrait endosser le rôle de recours après avoir incarné la statue du commandeur. Et si être âgé de seulement 2 ans de plus que le nouveau premier ministre et 3 ans de moins que Trump redonnait des ailes ?
Et les loosers sont…
Pour Wauquiez, qui stagnait depuis très longtemps, rien n’y fait. Il n’intéresse pas grand monde. Son arrivée à l’Assemblée Nationale ne change pas la donne. Certes on n’attrape pas un couteau qui tombe, mais en refusant le ministère de l’économie, il a raté l’occasion d’apparaître dans la lumière. Espérons pour lui que sa tactique du surplace inspirée du cyclisme sur piste finira par lui être bénéfique. Bertrand et Cazeneuve pourtant médiatisés à l’occasion de la phase de nomination du premier ministre restent eux-aussi des seconds couteaux sur les médias sociaux. Leurs discours manquent probablement d’angle. Ces trois-là auront du mal à obtenir une adhésion populaire.
Le prix du « par défaut » est attribué à Edouard Philippe. En fait, il pourrait être lui aussi dans la catégorie des loosers. Sa déclaration de candidature aux présidentielles n’a pas intéressé grand monde… Et il continue à faire du quasi sur place. Mais voilà. Il se rapproche tout doucement du million d’abonnés. En cas d’élection anticipée ou en 2027, il est « mass market », beaucoup plus que ses concurrents Attal et Darmanin. Les gens, même s’ils ne s’intéressent pas à la politique au jour le jour, le connaissent. Dans les rayons, entre deux paquets de lessive, on choisit celle dont on a retenu le nom matraqué dans les messages publicitaires…
Les « peuvent beaucoup mieux faire » !
Ils sont dans un mouchoir de poche au milieu de la ligue 3. Ils ont quasiment les mêmes progressions honorables et le même nombre d’abonnés à 10 000 près. Mais voilà ils jouent très loin en termes d’impact sur les médias sociaux. Leur notoriété est faible. Leur discours ou articles (les excellentes tribunes de Lisnard dans le quotidien l’Opinion) ne séduiraient-ils que les BAC +5 ? Pourront-ils un jour devenir populaires ? Les destins sur X de FX Bellamy et du seul libéral affiché David Lisnard sont très proches. Souhaitons-leur d’entrer au gouvernement lors d’un prochain changement de premier ministre ou remaniement, à l’instar de Retailleau. Avec le port d’une perruque pour ressembler à Milei, cela semble aujourd’hui leur seule planche de salut pour crever l’écran, faute d’arrivée à sortir du lot, de façon tranchée et transgressive (Bellamy s’y était tenté avec succès en allant se confronter à Boyard devant les locaux de Sciences Po) ! Nous leurs conseillons de lire nos chroniques précédentes.
Et le gagnant est de nouveau Bardella
Grand vainqueur des européennes, fer de lance du RN aux législatives, sa progression a dû être très forte en juin dernier. Il se rapproche à grands pas de la ligue 1. Sa stratégie de marketing grand public des prochaines semaines, avec la parution récente de son livre, devrait lui permettre de poursuivre son élan très mass market sur les médias sociaux.
La vie des médias sociaux n’est pas un long fleuve tranquille. La contingence, une motion de censure votée, de nouvelles élections peuvent rabattre les cartes. Il n’empêche, mieux vaut jouer en league 1 ou s’en approcher pour se donner toutes les chances de réussir d’ici 2027. Le couplage passages sur les médias main stream dopé par des angles forts (cf Knafo) conjugués avec une présence active sur les médias sociaux (vidéos en format court…) reste l’un des facteurs clés de succès en termes de marketing et positionnement politique. La suite dans quelques mois !