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Retraites : la capitalisation, un vrai rêve marxiste ! Par Nicolas Bouzou

Pure folie que de prétendre que l’on va revenir sur la courageuse réforme des retraites menée par Olivier Dussopt il y a dix-huit mois. Si l’on veut trouver un seul défaut à cette réforme, c’est d’avoir accordé, pour des raisons politiques, trop de concessions sur les dispositifs concernant les carrières longues, dispositifs qui coûtent cher. De fait, le régime de base pourrait être déficitaire dès cette année et il faudra remettre le couvert de la réforme d’ici quelques années. Encore une fois, il faudra trouver le moyen d’allonger la durée moyenne de cotisation. Encore une fois, la France sera bloquée plusieurs semaines. Encore une fois, le gouvernement sortira essoré de cette séquence, sans capacité à mener d’autres réformes. Et surtout, après la prochaine réforme, il faudra prévoir une autre prochaine réforme. Et oui, dans un pays où les gens vivent de plus en plus vieux et font de moins en moins d’enfants, un régime de retraite par répartition est amené à être réformé quasiment en continu pour décaler toujours plus tard l’âge moyen de départ en retraite à taux plein. Le mur de la démographie nous fait toucher du doigt les limites d’un système de pure répartition.

Un système qui creuse les inégalités patrimoniales

C’est la raison pour laquelle l’amendement présenté au projet de loi de financement de la sécurité sociale par le sénateur des Hauts-de-France, Franck Dhersin (Horizons), qui introduit une dose de capitalisation dans notre système, arrive à point nommé. Pour bien comprendre l’enjeu, on lira la note que Bertrand Martinot vient de publier pour la Fondation pour l’innovation politique (La capitalisation : un moyen de sortir par le haut de la crise des retraites ?). Cet économiste souligne que le système français repose quasi exclusivement sur la répartition, avec 97,8 % des retraites financées par ce modèle. Ce choix se distingue des autres grandes économies, où la capitalisation occupe une place plus significative.

Résultat : des dépenses publiques de retraites en France parmi les plus élevées au monde (plus de 13 % du PIB), des cotisations très élevées (27,8 % des salaires bruts) qui pèsent sur la compétitivité des entreprises et un système qui creuse les inégalités patrimoniales. En effet, les travailleurs modestes, dépourvus d’épargne, ne touchent qu’une petite retraite issue du système par répartition alors que les jeunes générations héritent d’une dette sociale insoutenable. Surtout, notre pays est incapable de mobiliser un capital qui s’investirait dans nos entreprises pour rémunérer les retraités. La capitalisation nous manque à tout point de vue.

Créer un fonds collectif et obligatoire

Bertrand Martinot rappelle un principe économique fondamental : le rendement du capital est structurellement supérieur à la croissance économique. Cet écart rend la capitalisation plus performante à long terme pour financer les retraites. Contrairement à une idée répandue, la capitalisation n’est donc pas plus risquée que la répartition, à condition de diversifier les investissements et de limiter les placements en actifs volatils, ce que la réglementation fera facilement. Plus encore, un pilier de capitalisation obligatoire permettrait de démocratiser l’accès au capital. En dotant l’ensemble des travailleurs d’un portefeuille d’épargne retraite collectif, on orienterait l’épargne nationale vers des secteurs stratégiques, favorisant ainsi la souveraineté économique.

Pour constituer une première couche de capitalisation, Bertrand Martinot propose la création d’un fonds de capitalisation collectif et obligatoire, destiné à couvrir à terme un tiers des dépenses de retraite du secteur privé. Pour alimenter ce fonds, un effort collectif serait nécessaire, qui devra être équitablement partagé : par les retraités actuels, par les actifs et les entreprises via l’introduction d’une cotisation à la capitalisation, et enfin par l’Etat, qui compenserait en partie ces efforts par une réduction d’impôts gagée par une réduction de ses propres dépenses. Une fois en place, ce système mixte alimenterait l’innovation et réconcilierait justice sociale et performance économique en permettant à tous les travailleurs de bénéficier des rendements du capital. Un vrai rêve marxiste !

A l’heure où la gauche est intellectuellement défaite et où la droite est à court d’idées, l’introduction d’une dose de capitalisation, pour les futurs retraités mais surtout pour notre puissance économique, est une excellente proposition. Puisse l’amendement Dhersin passer le cap du 49.3 !

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