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L'Université Aix-Marseille prend des mesures contre les dérives de ses chercheurs après nos révélations

La patience d’Eric Berton, président de l’Université d’Aix-Marseille (AMU), semble avoir atteint ses limites. Après les dérives de certains de ses collaborateurs aux prises de position complotistes ou vaccino-sceptiques, parmi lesquels d’ex-collègues de Didier Raoult, l’AMU a indiqué à L’Express qu'elle avait "saisi sa commission de déontologie concernant l’expression de ses agents sur les réseaux sociaux".

L’université, dont l’IHU Méditerranée infection de Marseille (IHUm) dépend, a fait cette annonce quelques jours après la publication, le 16 novembre, d’un article de L’Express pointant son manque de transparence. L'AMU n’avait en effet jamais diffusé le contenu d’une enquête interne révélant des failles éthiques majeures dans des travaux de recherche menés sous la direction de Didier Raoult, l’ex-président de l'IHUm, récemment interdit d’exercer la médecine pendant deux ans. Notre article soulignait aussi les publications problématiques d’Audrey Calvo, la coordinatrice du comité d’éthique de l’AMU. Chargée des questions "éthique et recherche", elle relaie des articles vaccino-sceptiques sur les réseaux sociaux et traite de "pseudo-chercheurs" et de "pseudo-lanceurs d’alerte" les scientifiques dénonçant les dérives de l’IHUm ou de l’AMU.

Nous révélions également qu’Eric Chabrière, professeur à l’IHUm connu pour l’extrême virulence de ses propos sur les réseaux sociaux contre toutes les personnes émettant des critiques contre l’IHUm, avait publié plusieurs messages attaquant violemment un chercheur indépendant qui avait saisi différentes instances (dont la commission d’accès aux documents administratifs) afin de pouvoir consulter l’enquête interne de l'université.

Ce n’est pas tout : d’autres chercheurs de l’IHUm de Marseille encore en poste aujourd’hui et suivis par des milliers d’internautes diffusent régulièrement des messages de désinformation sur le réseau social X (ex-Twitter), comme le Pr Philippe Parola, dont la fonction de chef de service a été récemment retirée. Ces disciples de Didier Raoult exagèrent par exemple les effets indésirables des vaccins Covid ou font la promotion de l’hydroxychloroquine contre le Covid, alors que l’inefficacité de ce traitement a été démontrée depuis longtemps. Outre la saisine de la commission de déontologie sur l’expression de ses agents sur les réseaux sociaux, l’AMU a aussi annoncé la mise en place de formations en la matière.

5 000 euros d’amende pour outrage

Dans le cas d’Eric Chabrière, les dérives ne se limitent pas aux réseaux sociaux. Ce dernier a en effet été condamné vendredi 22 novembre par le tribunal correctionnel de Marseille à 5 000 euros d’amende pour avoir tenté d’intimider un gendarme, rapporte l’AFP. Il dispose de dix jours pour faire appel. La cour, qui a requalifié les faits de "menaces" en "outrage" envers un dépositaire de l’ordre public, a également condamné M. Chabrière à verser au gendarme 1 500 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral. Les faits avaient eu lieu en mars, quand l’adjudant-chef de la gendarmerie maritime de Marseille avait appelé M. Chabrière pour lui rappeler qu’il était convoqué le 21 mars dans leurs locaux dans le cadre d’une enquête le visant pour harcèlement en ligne.

Dans l’échange enregistré de 18 minutes, ce professeur au sein de l’IHUm s’était prévalu de son grade de capitaine de réserve dans l’armée et de ses connaissances - généraux, amiraux ou préfet maritime. "Vous n’êtes rien pour me convoquer. Dans l’armée, des gens comme vous, je les mettrais au pas. Vous allez avoir le procureur et toute la gendarmerie sur le dos. Votre carrière, je vais la mettre dans le rouge", avait-il lancé au gendarme, en le menaçant d’une mutation à Brest ou Mayotte. La défense de M. Chabrière, qui avait notamment expliqué que s’il avait crié sur le gendarme, c’était parce que son père "est sourd" et qu’il a donc "l’habitude de parler fort", n’a pas convaincu les juges.

Menace d’une procédure disciplinaire

Ni les mesures prises par l’université de Marseille, ni cette condamnation ne semblent inquiéter le Pr. Chabrière. Ce dernier a en effet publié des dizaines de messages sur X, ce vendredi 22 novembre, peu de temps après l’annonce de sa condamnation. Il s’en prend notamment à un autre gendarme : Matthieu Audibert, officier de gendarmerie, docteur en droit spécialisé dans… la cybercriminalité. Raison de la vindicte de M. Chabrière ? M. Audibert a partagé sur X, il y a quatre ans, un article mentionnant l’existence de "lourds soupçons" quant à la possibilité qu’une usine à trolls (une multitude de faux comptes automatisés) soit impliquée dans la défense de Didier Raoult et de l’hydroxychloroquine sur les réseaux sociaux. Mais pour M. Chabrière, il s'agirait d'une insulte.

"Un officier […] qui insulte en toute décontraction et en tenue ? Il va falloir faire du nettoyage", écrit-il sur X, assurant qu’une enquête serait ouverte à l’Inspection générale de la Gendarmerie nationale ainsi qu’au Défenseur des droits et qu’il a déposé des "plaintes au pénal", expliquant : "Ils ont voulu jouer. Tant pis pour eux". Dans d’autres messages, le Pr de l’IHUm estime que le départ de Matthieu Audibert du réseau social X constituerait une tentative de fuir ses responsabilités.

Eric Chabrière a vivement réagi sur X (ex-Twitter), vendredi 22 novembre, au lendemain de sa condamnation, en accusant un autre gendarme.

Ces tweets ne sont pas passés inaperçus à l’université de Marseille. "Concernant le cas Chabrière (sic) et compte tenu des faits qui constituent une atteinte grave à l’image de l’université, nous nous réserverons le droit d’engager une procédure disciplinaire à son encontre", a indiqué l’Université d’Aix-Marseille, interrogée par L’Express sur ces nouveaux messages. Sollicité, M. Chabrière n'a pas répondu à L'Express.

L’enquête du parquet de Marseille toujours en cours

Réagissant également aux dérives éthiques pointées par son enquête interne à propos notamment de l’IHUm, l’AMU a ajouté qu’en plus d’avoir "transmis sans délai" le rapport "aux autorités compétentes" dès qu’elle l’a reçu, elle a aussi "saisi la justice en informant le procureur par l’application de l’article 40 afin que ces manquements fassent l’objet d’une suite judiciaire". Aix-Marseille Université indique encore à L’Express se montrer déterminée à "refaire de l’IHUm Méditerranée Infection un fleuron de la recherche française, en y garantissant l’éthique scientifique et l’intégrité scientifique".

L’université, dont l’image est entachée par le comportement de certains de ses membres et par ce nouveau rapport - après ceux de l’ANSM et de l’IGAS - rappelle aussi que le président Eric Berton a diligenté une "inspection sur les conditions de travail entre 2020 et 2023, via la visite des laboratoires de l’IHUm dans le cadre des missions du CHSCT d’AMU et des autres tutelles" et a saisi l’Office français de l’intégrité scientifique dès 2022. De son côté, le parquet de Marseille enquête également sur ces soupçons d’essais cliniques non autorisés menés à l’IHUm.

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