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Budget : taxe sur l’électricité, AME… Les concessions de Michel Barnier pour éviter la censure

Concession sur l’électricité, geste sur l’immigration… Michel Barnier a tenté jeudi 28 novembre de convaincre le Rassemblement national de renoncer à le censurer en cédant sur plusieurs points, à quelques jours d’échéances cruciales sur les textes budgétaires à l’Assemblée nationale. Le Premier ministre assure néanmoins que ces "ajustements" ne "remettent (pas) en cause" les "engagements" de la France vis-à-vis de la Commission européenne. "Nous faisons tout pour rester autour de 5 %" de déficit en 2025, a-t-il dit, alors que la France, deuxième économie de la zone euro, est déjà épinglée par Bruxelles pour ses comptes et attend la décision de l’agence de notation S & P sur sa dette vendredi soir. Voici les principaux accommodements concédés par l’exécutif minoritaire.

Fiscalité sur l’électricité

Le gouvernement a annoncé jeudi renoncer à augmenter significativement la fiscalité sur l’électricité, nouvelle concession majeure sur son budget pour 2025. S’érigeant en garante du pouvoir d’achat des Français, Marine Le Pen avait notamment exigé du gouvernement qu’il renonce à relever drastiquement une taxe sur l’électricité.

La cheffe de file des députés du RN a obtenu gain de cause : cette taxe (TICFE) augmentera, mais pas au-delà du niveau qui prévalait avant le déploiement du bouclier tarifaire contre l’inflation, désormais assagie. Le gouvernement ne pourra donc pas compter sur les 3,4 milliards d’euros que cette mesure devait rapporter, selon Matignon.

En conséquence, la facture d’électricité pour les quelque 80 % de Français aux tarifs réglementés baissera plus qu’annoncé initialement par l’exécutif : il avait promis un recul de 9 % grâce au repli des prix de gros sur le marché, il sera de 14 % au 1er février 2025. Pour compenser partiellement le manque à gagner, le Sénat a voté mardi, contre l’avis du gouvernement, une hausse de la taxe sur le gaz, chiffrée à environ un milliard.

Aide médicale d’Etat

L’exécutif accède aussi, en partie au moins, à la demande du RN de réduire l’aide médicale d’Etat (AME) pour les sans papiers. Michel Barnier souhaite que les soins pris en charge soient "sensiblement" diminués, et promet d’engager l’an prochain "une réforme" de l’AME "pour éviter les abus et les détournements", l’une des exigences constantes de l’extrême droite et d’une partie de la droite en matière d’immigration.

Revalorisation des retraites

Les retraites ont aussi fait l’objet d’un compromis, cette fois pour satisfaire la droite. Le patron des députés Droite républicaine, Laurent Wauquiez, l’avait lui-même annoncé à la télévision. Alors que le gouvernement prévoyait de reporter de six mois, au 1er juillet 2025, l’indexation des retraites, il a accepté de les revaloriser de la moitié de l’inflation au 1er janvier, et de prévoir un rattrapage pour toutes les retraites en dessous du Smic en juillet.

Selon l’inflation, "nous serons entre 500 et 800 millions d’euros de rendus aux petites retraites", réduisant les économies espérées à 3 milliards, avait indiqué le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, le 12 novembre. Le RN veut aller plus loin et demande l’indexation des pensions au 1er janvier "pour tous les retraités".

Cotisations patronales

En lâchant du lest sur les allègements de cotisations patronales, le gouvernement fait cette fois un geste en direction des députés EPR, dont l’ex-Premier ministre Gabriel Attal. Les allègements de charges des entreprises seront finalement maintenus jusqu’à 2,25 SMIC dans le budget 2025 de la Sécurité sociale, a indiqué jeudi le Premier ministre Michel Barnier. Alors que le projet initial prévoyait de supprimer 4 milliards d’euros d’allègements de charges, ce montant a été réduit à 1,6 milliard.

Contribution demandée aux collectivités

Pour calmer les critiques des élus locaux, qui s’insurgent contre la contribution de 5 milliards d’euros demandée aux collectivités, le gouvernement a décidé d’adoucir la potion. La majorité au Sénat veut limiter l’effort à 2 milliards.

La ministre du Partenariat avec les territoires, Catherine Vautrin, a indiqué mercredi que selon les discussions en cours au Sénat, la moitié des départements, soit environ 50, seraient exonérés de prélèvements sur recettes, principal levier de mise à contribution des collectivités dans le budget 2025.

Sur les cinq milliards demandés aux collectivités, trois devaient provenir initialement d’un "fonds d’épargne" imposé aux 450 "plus grosses" collectivités, c’est-à-dire celles qui enregistrent plus de 40 millions d’euros de dépenses réelles de fonctionnement, à l’exclusion des plus fragiles. La nouvelle version du texte s’oriente vers un nombre de collectivités contributrices plus important, mais sur des montants moins importants.

"Lignes rouges"

Malgré ces concessions, "il y a encore des difficultés", a estimé Marine Le Pen dans Le Monde, fixant un ultimatum au chef du gouvernement. Le Premier ministre "a jusqu’à lundi" pour y répondre, a prévenu la cheffe des députés du RN. Lundi est en effet la date limite pour que le gouvernement amende son projet de budget pour la Sécurité sociale. Or Marine Le Pen réclame toujours la revalorisation des pensions de tous les retraités au 1er janvier et l’annulation des déremboursements de médicaments prévus initialement. Elle ajoute aussi que l’exécutif doit préciser comment il entend compenser financièrement ses concessions. "Les dernières annonces de Michel Barnier ne sont pas financées par des économies structurelles. Elles aggravent donc un déficit déjà abyssal et ça n’est pas acceptable", a écrit ce vendredi sur X la présidente du groupe RN.

A gauche, les concessions au RN ont suscité un tollé. "Le Premier ministre tourne définitivement le dos au front républicain", a réagi le patron des socialistes Olivier Faure, reprochant à Michel Barnier de se tourner "vers l’extrême droite" pour "éviter la censure", dans une "alliance de la honte" scellée sur "la restriction de l’aide médicale d’Etat".

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