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Les étranges défaites

Marc Bloch et Boualem Sansal résistent


Mayday, SOS, coquin de sort ! Le Titanic Europe des copains d’abord a heurté l’iceberg Trump. Le présent est angoissant, le futur déprimant. Remplaçante, sur le banc de touche de l’histoire, dans la mauvaise conscience et l’auto-flagellation, la France se console en surjouant les défaites du passé : l’occupation, le vent mauvais, les bêtes immondes, la décolonisation… Pour égayer les fins de parties, les démons des éditions de minuit et les tubes des années de braise (44-54), surpassent ceux des années 80. Après les utopies, les uchronies et dystopies. Destinée… Les années noires font le buzz sur les rezzous sociaux, France Culture. Les débâcles, humiliations nationales, marronniers maléfiques, excitent les zouaves d’UFR, indigénistes indigents, tirailleurs-au-flanc, guérilléros de Collège de France, dé-constructeurs, héraults d’une histoire de France sans Histoire et sans France : la grande armée des rentiers de la repentance, compagnons de la décomposition nationale. Les incendiaires, champions du « vivre ensemble » !

Les tribus de l’émancipation intersectionnelle ont passé un accord de non-agression, un pacte (germanopratin) islamo-wokiste, contre-nature, à l’image de celui du 23 août 1939. À la recherche de la burka bio à visage humain, deux fanatismes – rose et vert – se donnent la main pour abattre l’ennemi commun, l’Occident libéral, blanc, coupable, masculin, maudit. Leur forfait accompli, les règlements de comptes à venir entre barbus et écoféministes misandres ne manqueront pas de ragoût. Sandrine Rousseau et Virginie Despentes (qui aime la kalach des assassins de l’Hyper-Casher) iront plaider la cause queer à Kaboul. Hidjab-Vie-Liberté… Annie Ernaux bientôt docteur « doloris causa » de l’université Al-Azhar ? Boualem a dit Bigeard, comme c’est Bigeard…

Deux pays à la ramasse

Boualem Sansal a été arrêté par les paras de la 10e DP du FLN et déféré au parquet antiterroriste d’Alger pour atteintes à la sûreté de l’État et à l’intégrité nationale. L’Algérie s’iranise. Dans son dernier opus (Le français, parlons-en !), l’écrivain dézingue au MAT 49 les passeurs de valises de billets, la rente mémorielle, les tabous franco-algériens.

A ne pas manquer, Causeur #128 : Coupons le cordon! Pour l’indépendance de l’Algérie

« Au lendemain de son indépendance, l’Algérie disposait d’un patrimoine unique, moitié fourni par la nature, moitié par la colonisation qui avait bien équipé la demeure en infrastructures diverses, et jouissait d’un immense prestige dans le monde (…) Las, ses dirigeants de plus en plus médiocres et corrompus ont dilapidé le patrimoine et mis l’Algérie sur une ligne de déclin rapide qui a fait d’elle une proie facile pour l’internationale islamiste et les oligarques internationaux. Et depuis… elle s’enfonce et disparaît par petits bouts, par le séparatisme qui se développe en Kabylie et dans le Sahara et par l’émigration massive (…) ; dans le cerveau de l’Algérien on a installé deux logiciels incompatibles, un logiciel ultranationaliste construit sur une base fausse et une vision héroïque du futur, et un logiciel religieux archaïque qui porte une vision apocalyptique du monde. À qui se vouer ? » (Le Figaro).

L’essayiste est lucide sur son pays d’accueil. « La France n’est plus la France ni des Lumières, ni des Trente Glorieuses… mais celle des ennemis de la France et de son peuple… C’est un pays à la ramasse qui vit sur des gloires passées ». La Bérézina aurait trois causes : « (1) L’immense, l’insupportable, la scandaleuse, l’incompréhensible médiocrité de son personnel politique ; (2) le poids gigantesque d’une immigration de très bas niveau qui refuse de s’intégrer par esprit de supériorité religieuse et parce qu’elle n’y voit aucun intérêt, que les Français eux-mêmes ne voient plus ; (3) l’enracinement sur son sol d’un islam profondément archaïque, issu en retour de bâton de ses ex-colonies, dont on ne voit pas où et comment il trouverait les moyens de se réformer et devenir cet islam des Lumières que ses chantres appellent de leurs vœux sans savoir de quoi ils parlent et sans chercher à deviner la suite » (Le Figaro).

Boualem Sansal © Hannah Assouline

Les Barbapapa de Télérama, dé-coloniaux de Sciences Po, s’étouffent. Boualem Sansal après le Goncourt de Kamel Daoud ! Gallimard, officine « Macronito-sioniste » file un mauvais coton Vichy. Les réacs, vipères lubriques, l’OAS, ne passeront pas ! Un bon Algérien ne devrait pas dire ça, ne devrait pas blesser les bons sentiments de Benjamin Stora, l’irénisme d’une gauche à l’Hamas sur l’islamisme, ses décapiteurs d’infidèles, kouffars, écrivains, professeurs, Salman Rushdie, Samuel Paty, Dominique Bernard. Le camp de l’émancipation, du progrès et de la rééducation, n’a jamais manqué de leaders éclairés : Lénine, Staline, Mao, Castro, Pol Pot, Khomeiny, Ortega, Maduro…

A lire ensuite, Dominique Labarrière: La jurisprudence Stora

Marc Bloch est sans filtre sur la déroute de mai 40 et les atavismes hexagonaux. « Jusqu’au bout, notre guerre aura été une guerre de vieilles gens ou de forts en thèmes, engoncés dans les erreurs d’une histoire comprise à rebours : une guerre toute pénétrée par l’odeur de moisi qu’exhalent l’École, le bureau d’état-major du temps de paix ou la caserne. (…) Ce n’est pas seulement sur le terrain militaire que notre défaite a eu ses causes intellectuelles. Pour pouvoir être vainqueurs, n’avions-nous pas, en tant que nation, trop pris l’habitude de nous contenter de connaissances incomplètes et d’idées insuffisamment lucides ? Notre régime de gouvernement se fondait sur la participation des masses. Or, ce peuple auquel on remettait ainsi ses destinées et qui n’était pas, je crois, incapable, en lui-même, de choisir les voies droites, qu’avons-nous fait pour lui fournir ce minimum de renseignements nets et sûrs, sans lesquels aucune conduite rationnelle n’est possible ? Rien en vérité ». L’Etrange défaite n’est pas digérée.

Qu’il s’agisse d’éducation, de défense, de finance, d’industrie, depuis trois générations, nous cabriolons dans les dénis, corporatismes, pourtousisme pipeau, une culture de l’excuse, l’idéal victimaire ; sans oublier l’individualisme, la crétinisation numérique, le séparatisme, trois derniers clous du cercueil. L’État, l’Europe, hors sols, impuissants, sans cap ni forces de propositions, bâtissent des termitières de gouvernances, lignes Maginot de trajectoires, directives, normes, règlements, à l’instar de notre état-major en 40. Les chansonnettes des sociologues de France Inter sur « l’en commun », le toutlemondisme, la verticalité élastique et les trémolos de Malraux d’opérette, place du Panthéon, n’abusent personne.  

La France en s’ébattant

La montagne Sainte-Geneviève, c’est la Roche de Solutré d’Emmanuel Macron. Tous les ans il panthéonise. Le bon filon, c’est l’occupation : Joséphine Baker, Simone Veil, Missak et Mélinée Manouchian, bientôt Marc Bloch. Auprès des grands hommes, femmes admirables, Jupiter reconnaissant cherche un deuxième souffle, une aspiration. Dans les années vingt, le Docteur Voronoff garantissait une seconde vigueur en greffant des testicules de grands singes. La Vie des autres, La Vie antérieure d’Emmanuel Macron.

« J’ai longtemps habité sous de vastes principes
Que les soleils malins teignaient de mille feux
Et que de grands piliers, droits et cotonneux,
Rendaient pareils, le soir, aux votes qu’on agrippe.
Les foules, en roulant les images des cieux,
Mêlaient d’une façon solennelle et mystique
Mes tout-puissants raccords et sa riche musique
Aux couleurs du couchant reflété par mes vœux.
C’est là que j’ai vécu dans les voluptés calmes,
Au milieu, qui rassure, du vague, des splendeurs
Et des footballeurs nus, tout imprégnés d’odeurs,
Qui me rafraîchissait le front avec des palmes,
Et dont l’unique soin était d’approfondir
Le secret douloureux qui m’avait fait élire ».

(D’après Charles Baudelaire)                     

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