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Raoul a disparu


Normandie. Un petit vieux et son chien se volatilisent. Cinq copains s’inquiètent et partent à sa recherche en compagnie de Christophe, le narrateur…

« Ça fait près de quinze jours que nous ne l’avons pas vu, nous. Au début, on s’est à peine inquiété. On s’est dit : « Son petit chien est malade. Il ne le sort plus. Parce que son petit chien commence à se faire vieux. » Mais depuis hier… ah ! ça commençait à faire beaucoup. » Le petit vieux au petit chien, c’est Raoul. Ses copains – Antoine, Robert, Thierry, Yvon et Drelin – sonnent chez Christophe, dit Chartreuse, le narrateur, qui habite au deuxième étage devant le port de Fécamp ; depuis son accident de motocyclette, il est très souvent à sa fenêtre. Ils sont persuadés qu’il voit passer le Raoul tous les jours ; alors, ils viennent le questionner. Ça tombe bien ; non seulement, il le voyait passer tous les jours, mais le vieillard l’intriguait. Les camarades du disparu et Chartreuse discutent beaucoup, sympathisent et décident de partir à la recherche du Raoul et de mener l’enquête. Ce ne sera pas triste. Des péripéties, il y en aura à la pelle. Écrivain, critique littéraire et journaliste (il anime, en compagnie de Dominique Guiou, une délicieuse émission radiophonique, « La Baraque à livres », du RCF-Lille), originaire du Nord mais passionné par la Normandie, Bernard Leconte, à la faveur de son dix-neuvième livre, fait preuve d’un humour décapant. Il n’a pas son pareil pour décrire les paysages – parfois glauques – ou les situations alambiquées à l’aide d’un vocabulaire imagé, coloré. Il raffole aussi des atmosphères grisâtres. Son style pourrait faire penser à celui d’un Pierre Mac Orlan qui aurait fait l’école du rire. Le créateur de Sous la lumière froide n’eût-il pas pu écrire ceci : « Je gagnais les premiers champs, ce n’était pas la pleine campagne, ouverte, libre ; il y avait encore des maisons un peu partout, des routes, des stations d’épuration, des enclos contenant des bouteilles de gaz, toutes choses qui rappelaient la ville et le siècle. Mais quand j’eus une moto, j’allais nettement plus loin, je traversais les âges, je trouvais un monde intact, avec des flaques de purin, des jardins moisis. » « Des jardins moisis » ; l’image est belle comme l’est tout autant cette phrase : « Elle se dérida, retira la chaîne et se présenta tout entière dans une blouse bleue à petites fleurs, boutonnées dix fois sur le devant sans arriver à comprimer des mamelles flasques et spongieuses. » Terriblement réjouissant et sans prétention, ce roman de Bernard Leconte procure bien du plaisir.

Chartreuse, Bernard Leconte, Héliopoles, 2024. 134 pages

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