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Corée du Sud : le président proclame la loi martiale, des manifestants devant le Parlement

Une annonce faite à la surprise d’un pays entier. Le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a proclamé, ce mardi 3 décembre, la loi martiale, une décision contestée dans la foulée par un vote de l’Assemblée nationale, où l’opposition est majoritaire et devant laquelle des manifestants se sont rassemblés à son appel. L’armée a cependant prévenu qu’elle ferait appliquer la loi martiale, jusqu’à ce qu’elle soit levée par le président.

"Pour protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments hostiles à l’Etat […], je déclare la loi martiale d’urgence", a déclaré le président en direct dans une allocution télévisée surprise. "Sans se soucier des moyens de subsistance du peuple, le parti d’opposition a paralysé le gouvernement, à des fins de destitutions, d’enquêtes spéciales et pour protéger son leader de poursuites judiciaires", a-t-il poursuivi. La loi martiale n’a plus été instaurée en Corée du Sud depuis le processus de démocratisation enclenché à la fin des années 1980.

Une décision "inévitable"

Difficile de ne pas voir derrière cette annonce une offensive contre l’opposition parlementaire, bien plus que la Corée du Nord. Toutes les activités politiques ont ainsi été interdites ce mardi, et les médias sont placés sous la surveillance du gouvernement, a déclaré le chef de l’armée Park An-su dans un communiqué. Des hélicoptères ont atterri sur le toit du parlement à Séoul, d’après des images en direct diffusées par les chaînes de télévision.

Le chef de l’opposition sud-coréenne Lee Jae-myung a qualifié la loi martiale d'"illégale" et a appelé la population à se rassembler devant le parlement en signe de protestation. "L’imposition illégale de la loi martiale par le président Yoon Suk Yeol est invalide", a déclaré celui qui avait perdu de justesse face à Yoon lors des élections de 2022. "Venez à l’Assemblée nationale maintenant. Je m’y rends également", a-t-il ajouté. Même le chef de file du parti présidentiel au Parlement sud-coréen, a affirmé que "la déclaration de la loi martiale par le président est erronée", et que "nous y mettrons fin avec le peuple

Des centaines de personnes ont entendu son appel, affluant devant le Parlement, à partir d’une heure du matin chantant "Arrêtez Yoon Suk Yeol". "J’ai d’abord cru que c’était une information bidon, je ne pouvais pas croire à la loi martiale. Après, j’ai décidé de venir ici pour protéger la démocratie, pas seulement pour nous mais aussi pour nos enfants", a déclaré à l’AFP dans la foule Lee Jin-hwa, 48 ans. "Ouvrez la porte, s’il vous plaît. Votre travail est de protéger l’Assemblée nationale. Pourquoi restez-vous les bras croisés pendant que des députés sont piétinés ?", a crié un homme à un groupe de policiers gardant les portes du bâtiment placé sous scellés.

Quelque 190 députés sont parvenus à entrer dans l’Assemblée, après en avoir été brièvement empêchés par des soldats qui ont fini par quitter les lieux. Ils ont voté à l’unanimité en faveur d’une motion bloquant l’application de la loi martiale et appelant à sa levée. "Sur les 190 députés présents, 190 se sont prononcés en faveur de la résolution demandant la levée de la loi martiale, qui est donc adoptée", a déclaré le président de l’Assemblée nationale, Woo Won-shik.

"L’armée fera respecter la loi martiale jusqu’à sa levée par le président", a immédiatement réagi l’état-major selon des médias locaux.

Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont dit leur inquiétude, tandis que la Chine a appelé ses concitoyens en Corée du Sud à la "prudence". "Nous observons avec une grande inquiétude les récents développements" en Corée du Sud, a déclaré Kurt Campbell, adjoint du secrétaire d’Etat américain. "Nous espérons et attendons que les différends politiques soient résolus pacifiquement et dans le respect de l’État de droit".

Une décision "inévitable"

Cette décision radicale du président sud-coréen intervient alors que son parti, "Le Parti du Pouvoir au Peuple", continue de batailler avec le principal parti d’opposition, le Parti Démocrate, sur le projet de budget de l’année prochaine. Et les députés de l’opposition ont approuvé la semaine dernière, à travers une commission, un programme budgétaire considérablement réduit. "Notre Assemblée nationale est devenue un refuge de criminels, un repaire de dictature législative qui cherche à paralyser les systèmes administratif et judiciaire et à renverser notre ordre démocratique libéral", a affirmé le président sud-coréen Yoon.

Il a accusé les élus de l’opposition de couper "tous les budgets essentiels aux fonctions premières de la nation qui sont la lutte contre les crimes liés à la drogue et le maintien de la sécurité publique […] transformant le pays en un paradis de la drogue et en un lieu de chaos pour la sécurité publique". Yoon Suk Yeol a poursuivi en qualifiant l’opposition, qui détient une majorité au Parlement, de "forces hostiles à l’Etat ayant l’intention de renverser le régime". Il a assuré que sa décision était "inévitable". "Je rétablirai la normalité dans le pays en me débarrassant de ces forces hostiles à l’Etat dès que possible", a ajouté le président sud-coréen.

La première instauration depuis 1981

La loi martiale n’avait plus été instaurée en Corée du Sud depuis le processus de démocratisation enclenché à la fin des années 1980, y compris à des périodes de vives tensions, comme en 2016, lorsque des millions de manifestants ont obtenu la destitution de la présidente Park Geun-Hye, sur fonds de scandale de corruption.

Elle avait été décrétée pour la dernière fois le 17 mai 1980, lors du coup d’Etat militaire du général Chun Doo-hwan. Le lendemain, des centaines de milliers de personnes étaient descendues dans les rues de Gwangju, haut lieu traditionnel de la contestation, pour protester contre le coup d’Etat. Chun Doo-hwan voulait remplir le vide du pouvoir après l’assassinat du dictateur Park Chung-hee. Les manifestations avaient été réprimées dans un bain de sang, avant que la loi martiale ne soit finalement levée en janvier 1981.

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