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Transition de genre, la réponse de la HAS : "Il ne faut pas tomber dans le piège de..."

Comment prendre en charge les personnes qui souhaitent changer de genre ? Chargée de se prononcer sur cette question, aussi sensible que politisée, la Haute autorité de santé (HAS) a vu une partie de son travail fuiter, jeudi 12 décembre. Un document présentant les recommandations provisoires de l’institution a ainsi été révélé par Le Figaro. Le journal a également rendu public le nom de plusieurs des experts mandatés sur le sujet.

Ce n’est pas une première : en juin 2023, l’identité de plusieurs membres de ce groupe de travail chargé d’éplucher la littérature scientifique avait déjà été dévoilée. L’affaire a entraîné une plainte contre X de la Haute autorité de santé. Il y a quelques mois, l’association Juristes pour l’enfance a elle aussi tenté d’obtenir cette liste. Sans succès : son recours a été rejeté par le Conseil d’État.

Face à ces attaques, la HAS dénonce l’"instrumentalisation à des fins polémiques" d’un document qui ne revêt "aucun caractère définitif" et appelle à la "responsabilité" de chacun. Dans un entretien accordé à L’Express, Claire Compagnon, membre du Collège de la HAS et présidente de la commission recommandations, pertinence, parcours et indicateurs (CRPPI) de l’institution, tente de recadrer les débats, bien éloignés des missions réelles de la HAS selon elle.

L'Express : Quand et dans quelles conditions la Haute autorité de Santé a-t-elle été saisie ?

Claire Compagnon : La HAS a été saisie par le ministère de la Santé, Olivier Véran, en avril 2021. Le ministère de la Santé a cette capacité, au même titre que les parties prenantes associatives, les sociétés savantes et la Caisse nationale de l’Assurance maladie. Cela fait partie du cadre habituel des procédures de travail de la HAS. Si la HAS accepte la saisine, elle constitue alors un groupe de travail chargé d’étudier la littérature scientifique relative à l’objet de la saisine.

Quelle question a été posée par le ministère ?

La question qui nous a été posée, c’est celle de la prise en charge médicale des personnes dans le parcours de transition de genre. On ne demande pas de nous positionner sur la transidentité, ou sur le bien-fondé de leur parcours en lui-même.

La HAS pouvait refuser de répondre à cette question ?

La HAS est une institution indépendante. Nous pouvions refuser. Mais il me semble que c’est dans la droite ligne des missions de la HAS que d’élaborer des recommandations sur les bonnes pratiques cliniques de prise en charge et d’accompagnement des personnes. Nous l’avons fait pour l’accompagnement des personnes en situation d’obésité, des enfants plus spécifiquement aussi. Nous le faisons sur la maladie rénale, sur les maladies cardiaques… Le parcours de ces personnes en transition de genre est, de fait, marqué par un certain nombre de rendez-vous, d’actes, qui nécessitent d’être regardés au regard de ce que dit la littérature internationale.

La transidentité peut-elle être mise sur le même plan que l’obésité ou la maladie rénale ?

Ce n’est pas la question qui nous est posée par le ministère. Le parcours de soins des personnes transgenre relève d’une prise en charge sanitaire, sociale psychologique qu’il est nécessaire de clarifier, c’est ce que nous sommes en train de faire.

Comment le groupe d’experts a-t-il été constitué ?

Comme tout process de travail de la Haute Autorité de santé, il y a une première étape, qui consiste en l’élaboration d’une note de cadrage précisant le cadre de travail de l’institution. Celle-ci a été validée le 7 septembre 2022, et publiée dans la foulée. Ensuite, les services de la HAS saisissent les parties prenantes pour constituer un groupe de travail : les conseils nationaux professionnels, les sociétés savantes, les associations, en leur demandant de bien vouloir proposer des personnes à ce groupe de travail, à titre individuel.

Notre souci, c’est que l’ensemble des personnes et experts intéressés fasse partie du groupe pour avoir une pluralité d’avis et de points de vue. C’est ce qui s’est passé pour ce groupe de travail. Il y a deux présidents, ils devraient travailler dans la plus grande sérénité possible. Cela passe d’abord par une analyse de la littérature la plus exhaustive possible sur l’ensemble des questions que l’on se pose, puis par un certain nombre de concertations et de relectures.

Qui fait partie du groupe de travail ?

La HAS ne révèle jamais les noms de ses experts avant la publication des recommandations, pour garantir le bon déroulé des réflexions, et leur sérénité. Mais le profil de ces personnes est connu depuis la publication de la note de cadrage sur le site de la HAS, soit depuis deux ans. La coprésidence est partagée entre un professionnel de santé et un usager du système de santé.

Le reste est un groupe d’experts. Il comprend deux médecins généralistes, un endocrinologue, un pédiatre, un psychiatre, un pédopsychiatre, un gynécologue obstétricien, un urologue, un chirurgien plasticien, un médecin de la fertilité et de la reproduction, un pharmacologue, un infirmier scolaire, un médecin du travail, un médecin du sport, un psychologue, un sociologue, un travailleur social et cinq usagers du système de santé.

Que répondez-vous à ceux qui accusent ce groupe de ne pas être représentatif ?

Je rappelle qu’il ne s’agit pas pour nous de nous positionner sur la légitimité des transitions de genre ou de la prise en charge, mais sur les bonnes pratiques dans le cadre du parcours de soins. A ce sujet, le groupe de travail est composé d’experts qui ne partagent pas les mêmes analyses.

Comment se déroule l’élaboration des recommandations, une fois le groupe de travail constitué ?

Comme je vous le disais, le groupe de travail commence par éplucher la littérature. Il réalise également, comme pour tous les travaux, des auditions des parties prenantes. Ensuite, il y a une phase de relecture critique, c’est la phase dans laquelle nous sommes actuellement. Un groupe de relecteurs extérieurs intervient, composé d’autres experts, et d’autres parties prenantes.

Ensuite, et contrairement à ce que laisse entendre l’article paru dans Le Figaro, il y a évidemment un nouveau travail de fond qui sera lancé. C’est là qu’interviendront les institutions chargées réglementairement de veiller à la qualité de nos productions : la Commission des recommandations, puis le Collège de la Haute Autorité. Chacune de ces instances a la possibilité de revenir sur les recommandations. Il ne faut pas tomber dans le piège qui est tendu ici : des modifications sont susceptibles d’être apportées jusqu’au dernier moment.

A l’évidence, les personnes qui ont divulgué un document provisoire relatif à vos travaux sont des membres du groupe de relecture. La HAS s’étonne-t-elle de la polémique et des tensions sur le sujet ?

Nous déplorons que des documents de travail non aboutis, non définitifs, et confidentiels, soient publiés. Que cette question fasse l’objet de polémique, on s’y attendait, car le sujet est particulièrement complexe et fait l’objet de nombreux débats de société, comme d’autres en leurs temps.

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