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En Périgord, des écoles hors contrat fleurissent là où l'Etat "se désengage"

À Champniers-et-Reilhac (500 habitants), l'édile Daniel Védrenne raconte, un brin revanchard, avoir "refait tous les locaux, les sanitaires" pour offrir une deuxième vie à l'école du village, fermée en 2019 "par l'inspecteur" d'académie.

Bordant une parcelle de sapins et un petit étang, la vieille bâtisse en pierre accueille depuis deux rentrées une vingtaine d'enfants de 3 à 12 ans, scolarisés à "l'École de la lisière" qui dispense certains cours en forêt.

En cette matinée pluvieuse de décembre, les maternelles en bottes et gilets jaunes cherchent parmi les résineux des formes "verticales", "obliques", et "horizontales", suggérées par l'enseignante, et pointent du doigt les branches et épines aux inclinaisons correspondantes.

Plus loin, sous une bâche déployée entre quatre chênes, le groupe des huit "grands", âgés de 6 à 12 ans, travaille les adverbes interrogatifs en distillant une série de questions sur l'automne autour d'une feuille tombée, entre deux signalements de mésanges charbonnières ou de corneilles.
"Vivant"
Gérée par deux enseignantes ayant quitté l'Éducation nationale après une quinzaine d'années d'expérience, et une animatrice nature, l'école propose un format hybride mêlant "pédagogie du dehors" pour "se connecter à soi, aux autres et au vivant", et activités en classe, aux murs tapissés d'imagiers d'oiseaux et d'affiches sur la laïcité ou les règles de grammaire.

Le concept, à la marge d'un système classique grippé par "sa culture du résultat", entend "maintenir la joie et la curiosité d'apprendre" sans "chercher à remplir la tête" des enfants, expliquent les professeures.

Inspectée par l'Académie mais sans contrat avec l'État, une situation minoritaire dans le privé, l'école coûte environ 250 euros par mois aux familles.

Elle fonctionne grâce aux parents qui se relayent pour la pause du midi et les récréations, avec l'appui de la mairie qui paie l'eau et l'électricité, tandis que les enseignantes touchent un salaire proche du Smic.

Comme d'autres dans la région, elle a séduit une vingtaine de familles, en grande majorité des néo-ruraux installés en Dordogne depuis la période du Covid-19 ou des parents adeptes de l'instruction à la maison, attirés par un projet "qui laisse vivre leur vie aux enfants" sans "les visser à une chaise".

"On récupère des enfants abîmés par le système", dit la cogérante d'une autre école primaire et d'un collège alternatif de deux villages voisins, vantant un modèle "hyper florissant".

Pour Ghislain Leroy, sociologue spécialiste des pédagogies alternatives, le "déclin de légitimité de l'Éducation nationale" et la recherche "d'une approche extrêmement personnalisée de l'enfant" sont les principaux moteurs de cet essor.
"Entre-soi"
Ces écoles attirent surtout des "classes moyennes ou aisées", sur fond "d'entre-soi social", observe ce chercheur de l'Université Sorbonne-Paris Nord.

Dans la campagne périgourdine, ces modèles alternatifs surfent aussi sur le "désengagement de l'État", déplorent le syndicat enseignant SNUipp-24 et plusieurs maires interrogés par l'AFP.

Dans ce département rural, une douzaine de structures hors contrat ont ouvert ces dix dernières années, quand près de 40 communes sont devenues orphelines d'écoles publiques après leurs fermetures, selon l'Académie de Bordeaux.

Celle-ci rejette l'idée "d'une causalité systématique" entre les deux phénomènes et dit "encourager" les pédagogies "collaboratives" et "du dehors" dans le public.

En France d'après les données du ministère, environ 500 écoles sont fermées ou fusionnées chaque année.

Pour le représentant local du SNUipp Thibault de la Brosse, "l'État n'agit qu'en comptable", en fermant des écoles "pour les regrouper dans de gros pôles pédagogiques à 20 km de distance".

Et "un village sans école, ça meurt", abonde Jean-Paul Ségalat, maire de Calviac, 500 habitants, près de Sarlat. "Quand notre école a fermé en 2014, des gens sont venus nous voir à la recherche d'un local pour un projet Montessori. Je ne savais même ce que c'était...", raconte-t-il à l'AFP.

Après avoir prêté les murs, mais "sans donner d'argent au privé", l'élu salue aujourd'hui "des jeunes qui se sont intégrés" et "redonnent vie au village".

L'école alternative, payante, attire un public extérieur sans "recruter" les enfants de la commune, scolarisés dans des écoles publiques alentour.

Pour M. de la Brosse, le hors contrat reste marginal -1,2% des élèves- mais ses "faibles effectifs" et son taux d'encadrement "élevé" séduisent les parents "qui ne croient plus dans l'Éducation nationale". Le syndicat milite pour faire "des classes allégées" au lieu de fermer pour regrouper.

En France, selon la Fondation pour l'école qui défend la "liberté d'enseignement", classée dans la mouvance conservatrice par ses détracteurs, plus de 2.500 établissements hors contrat étaient ouverts cette année: 60 fois plus qu'en 1990.

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