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Chute de Bachar el-Assad : que sait-on des fosses communes trouvées en Syrie ?

Depuis la prise de la Syrie par les rebelles islamistes du groupe HTC, Damas ouvre de nouveau ses rues aux chercheurs et aux ONG. Et dévoile les secrets de la violence qui s’y est déchaînée, deux décennies durant. Neuf jours seulement après la prise de la capitale et la libération des terribles prisons du régime, les découvertes de charniers de masse contenant parfois des milliers de corps se multiplient, preuves des crimes commis par le régime de Bachar el-Assad.

L’ONG Human Rights Watch (HRW) a annoncé ce mercredi 18 décembre la découverte d’une fosse commune située en pleine ville, dans le quartier de Tadamon, dans le sud de Damas. Les restes déterrés par les chercheurs proviendraient "d’un massacre perpétré en avril 2013". Les équipes de HRW "se sont intéressées à cet endroit grâce aux indices dans une vidéo prise en avril 2013 qui avait fuité, montrant des exécutions sommaires par les forces gouvernementales syriennes et des milices affiliées", précise le communiqué. Sur cette vidéo, 11 victimes aux yeux bandés sont abattues à bout portant, et poussées dans une fosse creusée à la machine, à côté de 13 autres personnes. "Les chercheurs ont parlé avec un habitant du quartier qui a déclaré qu’un groupe paramilitaire pro gouvernemental l’avait forcé, ainsi que d’autres habitants, à enterrer des corps" dans cette même fosse en 2015 et 2016, ajoute l’ONG. Des restes humains éparpillés dans le quartier alentour poussent les chercheurs à croire que "d’autres personnes ont très probablement été tuées ou enterrées au même endroit".

Non loin de là, dans un entrepôt de la banlieue sud de Damas situé à une cinquantaine de mètres du mausolée de Sayyeda Zeinab, un site révéré par les chiites, les Casques Blancs, une organisation de secouristes syriens, ont quant à eux annoncé la découverte d’une vingtaine de corps et ossements mercredi 18 décembre. Les secouristes avaient reçu des signalements faisant état d’odeurs putrides émanant de ce site. "Dans l’entrepôt, on a trouvé un frigo où gisaient des corps en décomposition", ainsi que des ossements humains éparpillés par terre. "Sur les sacs où se trouvaient les corps était écrit "Alep-Hraytan"", accompagné d’un numéro, a précisé Ammar al-Salmo, chef des Casques Blancs auprès de l’AFP. Il s’agit des noms de la grande ville du nord de la Syrie et d’une localité voisine.

Des signalements de charniers de très grandes échelles, plus difficiles à vérifier pour l’heure, se multiplient. Les Casques Blancs ont reçu des rapports d’au moins 13 sites de fosses communes à travers le pays, huit d’entre eux près de Damas. Des centaines de milliers de Syriens ont été tués depuis 2011, moment ou la répression de Bachar el-Assad des manifestations contre son régime s’est accentuée et a donné lieu à une guerre civile à grande échelle. Au moins 100 000 personnes ont péri sous la torture dans les prisons du régime, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), une ONG.

Les tombes de centaines de milliers de corps

Mardi 17 décembre, l’agence de presse britannique Reuters rapportait quant à elle les affirmations de Mouaz Moustafa, chef d’une organisation de défense syrienne basée aux Etats-Unis nommée le Groupe d’opération d’urgence en Syrie. Dans une interview téléphonique depuis Damas, il déclare à l’agence avoir identifié le site d’une fosse commune à Al Qutayfah, à 40 kilomètres au Nord de la capitale syrienne. Celle-ci contiendrait selon Mouaz Moustafa plus de 100 000 corps. Ce chiffre constitue "l’estimation la plus prudente" mais pourrait être bien en deçà de la réalité, selon l’homme. Des allégations non confirmées par Reuters.

Pour identifier cette zone, son groupe aurait "parlé aux gens qui ont travaillé sur ces fosses communes qui s’étaient échappées de la Syrie", ainsi qu’à des constructeurs de bulldozers contraints de creuser des tombes qui, "plusieurs fois sur ordre, ont écrasé les corps pour les adapter, puis les ont couverts de terre", détaille Mouaz Moustafa dans l’interview. Selon lui, le site présumé d’Al Qutayfah constituerait l’une des cinq fosses communes massive du pays.

Selon un autre membre du Groupe d’opération d’urgence en Syrie cité par l’agence de presse américaine AP — Stephen Rapp, ancien ambassadeur américain et également membre de la "Commission pour la justice internationale et la responsabilité" — un autre charnier serait actuellement déterré au sud de Damas, dans le village de Najha. En visite sur le site mardi 17 décembre, il rapporte que plusieurs dizaines de milliers de morts, anciens détenus des prisons d’Assad pourraient être enterrés dans ce charnier situé à côté d’un cimetière ordinaire.

Protéger à tout prix ces scènes de crime

Selon Associated Press, les résidents d’un village nommé Izraa, dans le sud de la province de Daraa, auraient aussi commencé à creuser eux-mêmes afin de déterrer les dépouilles enfouies dans une fosse commune au sein de leur village. Les restes de plus de 30 cadavres auraient été découverts, et les équipes médicales ayant rejoint le village ont estimé que le nombre total pourrait atteindre 70.

Quelle que soit l’ONG ou le groupe de recherche, tous militent pour faire de la sécurisation de ces lieux une priorité, car il constituent les preuves des crimes commis par le régime de Bachar el-Assad. Human Rights Watch a qualifié ce lundi 6 décembre la fosse commune découverte au Sud de Damas de "scène de crime de masse". "Le danger actuel est que, sur ce site comme sur d’autres, des preuves vitales soient abandonnées, sans protection", juge l’organisation de défense des droits humains. "Sans mesures pour sécuriser des sites comme celui-ci, il y a un risque de perdre des éléments de preuve essentiels pour élucider le sort de milliers de Syriens disparus et pour poursuivre et condamner les auteurs des crimes".

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