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Le Salvador condamné par la Cour interaméricaine pour avoir empêché une femme d'avorter

"L'État est responsable de la violation des droits à l'intégrité personnelle, à la vie privée et à la santé (...) au détriment de Beatriz", prénom d'emprunt de la jeune femme, a déclaré la Cour, basée à San José au Costa Rica, en rendant sa décision.

C'est la première fois de son histoire que la Cour interaméricaine se penchait sur le droit à l'avortement.

Beatriz, décédée dans un accident de la route en 2017, souffrait de lupus - une maladie auto-immune- lorsqu'elle est tombée enceinte pour la deuxième fois en 2013, à l'âge de 22 ans, après un premier accouchement compliqué.

Le fœtus s'est avéré non viable en raison d'une grave malformation congénitale et la jeune femme avait été informée qu'elle risquait de mourir si elle menait à terme la grossesse.

Elle s'était alors tournée vers la justice afin d'être autorisée à avorter pour raisons thérapeutiques mais sa demande avait été rejetée par la Cour constitutionnelle.

Elle était entrée en travail prématurément, avait subi une césarienne et le fœtus était mort cinq heures après l'accouchement.

"L'État est responsable d'avoir violé le droit à la protection judiciaire" de la victime lorsque la Cour constitutionnelle salvadorienne lui a refusé le droit d'avorter, a estimé la Cour interaméricaine.

-"Justice"-

Le Salvador interdit l'avortement depuis 1998 sous peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 8 ans. Dans les faits, les tribunaux du pays poursuivent souvent pour homicide aggravé les femmes qui avortent, et leur infligent des peines pouvant aller jusqu'à 50 ans de prison.

Dans un entretien accordé à l'AFP en 2013 depuis l'hôpital de San Salvador où elle était hospitalisée, Beatriz avait déclaré : "Je veux une césarienne, d'abord pour ma santé et parce que l'enfant ne vivra pas. Ce n'est pas bien ce qu'ils m'ont fait, ils m'ont fait souffrir."

Sa famille, originaire de La Noria Tierra Blanca, au sud-est de la capitale San Salvador, avait décidé de poursuivre l'affaire en justice après la mort de la jeune femme afin "qu'aucune autre femme ne vive ce qu'elle a vécu", selon son frère Humberto, 30 ans, qui a requis l'anonymat pour préserver celui de sa soeur.

Son histoire, qui illustre la situation des femmes, en particulier à faibles ressources, dans les pays où l'avortement est interdit, a connu une forte résonance au-delà des frontières du Salvador.

"L'Etat ne peut s'immiscer arbitrairement" dans les décisions des femmes concernant leur reproduction, avait défendu en mars 2023 la Commission interaméricaine des droits de l'homme, basée à Washington, qui a fait office de ministère public dans ce procès.

A San Salvador, des organisations féministes ont accueilli vendredi la décision avec joie. "La justice triomphe. Nous sommes heureux, aujourd'hui (...) restera dans l'histoire pour la justice reproductive des femmes", a déclaré à l'AFP l'avocate Angélica Rivas, de l'organisation Colectiva Feminista.

La Cour a ordonné au Salvador d'adopter des directives "à l'intention du personnel médical et judiciaire face à des grossesses mettant en danger la vie ou la santé de la mère".

Elle a également demandé à l'Etat salvadorien d'adopter des mesures garantissant "la sécurité juridique face à des situations telles que celles de la présente affaire".

En Amérique latine, l'avortement est autorisé en Argentine, en Colombie, à Cuba, en Uruguay et dans certains Etats du Mexique. Dans d'autres pays, comme au Chili, il est autorisé dans certaines circonstances telles que le viol, les risques pour la santé de la mère ou dans les cas de malformation du foetus, tandis que des interdictions totales s'appliquent au Salvador mais aussi au Honduras, au Nicaragua et en République dominicaine, ainsi qu'en Haïti.

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