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De "gloire à Bachar" à "vive la révolution", la transformation éclair des médias syriens

Pendant des décennies, le parti Baas au pouvoir et le clan Assad ont réprimé toutes les libertés en Syrie, en particulier la liberté d'expression, en muselant la parole des journalistes et transformant les médias en outils à la solde du pouvoir.

Le 8 décembre, quand une coalition armée menée par des islamistes radicaux s'est emparée des rênes du pays, l'agence officielle Sana a arrêté d'émettre pendant 24 heures.

Dès le lendemain, elle a repris avec une nouvelle photo sur sa chaîne Telegram aux couleurs du drapeau aux trois étoiles, symbole du soulèvement populaire de 2011 contre Bachar al-Assad et adopté par le nouveau pouvoir.

Ses dépêches dénoncent désormais "le régime criminel", des mots inimaginables il y a encore deux semaines.

Quant à la chaîne de télévision officielle, elle a laissé tourner en boucle des images d'archives. Puis un groupe de neuf personnes est apparu à l'écran, dont l'une a lu une déclaration annonçant la "libération de la ville de Damas et la chute du tyran Bachar al-Assad".
Nouvelles "mensongères"
Le quotidien privé al-Watan, réputé proche du pouvoir d'Assad et qui jouissait d'une liberté de ton relative, s'est empressé de se justifier.

Le journal obéissait aux "ordres seulement (...) Nous diffusions les nouvelles qu'ils nous envoyaient et il est maintenant établi qu'elles étaient mensongères", a publié sur sa page Facebook son rédacteur en chef, Wadah Abed Rabbo.

Depuis, le quotidien diffusé uniquement sur internet, comme tous les journaux depuis 2020, traite les informations émanant des nouvelles autorités.

"Après un entretien avec les nouveaux responsables du ministère de l'Information, ils nous ont assurés que notre équipe pouvait continuer à travailler", a indiqué M. Abed Rabbo, joint au téléphone par l'AFP.

"Nous espérons dans un deuxième temps revenir à la version papier, surtout que la Syrie est le seul pays à n'avoir aucun journal papier", dit-il.

La radio privée Sham FM avait annoncé dans un premier temps suspendre sa couverture de l'actualité "le temps que la situation se stabilise" avant d'arrêter complètement d'émettre "à la suite d'une décision du ministère de l'Information du gouvernement de transition" deux jours plus tard.

Mais samedi, la radio fondée en 2007 à Damas a annoncé qu'elle reprendra la diffusion à partir du 22 décembre, conformément à une décision du même ministère.
"Nouvelle scène médiatique"
Dans le classement 2024 de Reporters sans frontières sur la liberté de la presse, la Syrie figure à l'avant-dernier rang, avant l'Érythrée. "Deux pays qui sont devenus des zones de non-droit pour les médias, avec un nombre record de journalistes détenus, disparus ou otages", selon RSF.

Mais la nouvelle donne en Syrie ne rassure pas forcément les médias.

Le 13 décembre, le ministère de l'Information a publié un communiqué assurant la volonté des nouvelles autorités de punir "tous les journalistes qui ont fait part de la machine de guerre et de propagande du régime déchu et qui ont contribué d'une façon directe ou indirecte à la promotion de ses crimes".

Certains sites internet ont repris progressivement leur activité ou s'y préparent, comme la chaîne privée Sama, qui était financée par l'homme d'affaires syrien et député Mohammad Hamcho, proche de l'ancien pouvoir.

Un employé qui a requis l'anonymat a raconté que des hommes en civil, accompagnés de membres armés de Hayat Tahrir al-Sham, qui conduit la coalition victorieuse, ont investi ses locaux, pressant les journalistes de reprendre le travail.

"On ne peut juger les journalistes que s'il a été prouvé qu'ils ont participé à des crimes (...) et ça, c'est l'affaire de la justice", souligne Bassam Safar, le directeur de la branche de Damas du syndicat des journalistes syriens, dans l'opposition.

Pour lui, le peuple syrien doit se réconcilier avec ses journalistes, afin de "bâtir une nouvelle scène médiatique basée sur la liberté et les droits de l'Homme".

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