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Jean-Marie Le Pen: celui dont toujours il était interdit de dire du bien…

La gauche est allée jusqu’à donner l’impression de danser sur un cadavre. Hier soir, des opposants à Jean-Marie Le Pen, qui le considéraient comme le « diable de la République », se sont scandaleusement rassemblés à travers la France pour célébrer son décès.


Jean-Marie Le Pen est mort à 96 ans. Le fondateur et ancien président du Front national ne bénéficiera sans doute pas des quelques heures de décence qui suivent une disparition, même de quelqu’un d’assez largement honni.

En effet, on a vite observé des réactions honteuses de Jean-Luc Mélenchon, de Louis Boyard et de Philippe Poutou, alors que la classe politique dans l’ensemble s’est montrée digne et correcte. Et une manifestation déplorable place de la République pour se réjouir de la mort d’un homme qu’on détestait. Qu’on puisse ainsi célébrer dans l’allégresse ce qui a endeuillé une famille et traiter aussi vulgairement ce qui aurait mérité au moins le silence est la marque, une de plus, du délitement de notre société, de la dégradation de notre civilisation, avec l’effacement de la retenue à l’égard de ceux qui ne sont plus.

J’ai un peu connu Jean-Marie Le Pen quand ministère public dans deux procès de presse (intentés par lui contre le Canard enchaîné et Libération qui lui avaient reproché d’avoir torturé en Algérie), j’avais eu affaire à lui. Il avait créé de manière très artificielle, avant même le début de l’audience contre Libération, un incident odieux destiné à me déstabiliser et qui pour être réglé avait retardé les débats de plusieurs heures. Je ne peux donc pas être suspecté de partialité à son sujet.

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Sur le plan politique, je le percevais comme une personnalité dont on n’avait jamais le droit de dire du bien. À plusieurs reprises, alors qu’il avait raison, je n’ai pas osé l’approuver, comme si je validais l’interdiction dont la transgression aurait été un péché mortel, un opprobre démocratique.

Un homme d’une immense culture, un orateur incomparable dont les imparfaits du subjonctif ont fait partie de la mythologie française. Avec des prestations médiatiques éblouissantes, notamment celle de 1984 à l’Heure de Vérité où on l’a « découvert ».

Le fondateur du Front national en 1972 avait prévu tout ce qui allait suivre pour ce qui se rapporte à l’immigration, à l’islamisme et au sentiment de dépossession qui en résulterait pour beaucoup de Français. Il avait vu et pensé juste avant tout le monde mais il était hors de question de se servir de sa lucidité puisqu’il était le diable.

En 2002, on a compris son désarroi quand il est parvenu à se qualifier pour le second tour. En réalité, n’étant pas prêt pour exercer le pouvoir, il n’aspirait pas à sortir de son rôle d’éveilleur et de trublion talentueux pour des responsabilités dont les qualités qu’elles auraient exigé ne lui correspondaient pas.

Il me semble d’ailleurs que c’est à cause de cette envie profonde de non-pouvoir qu’il s’est autorisé trop souvent des délires historiques, des provocations scandaleuses, qui ont culminé avec « le point de détail », à partir duquel il a perdu beaucoup de son crédit politique. Ils ne sont pas à mon sens survenus par hasard.

D’une part il y avait ce tempérament provocateur, tel un « potache » hors de contrôle, se plaisant à faire des jeux de mots antisémites et à prendre pour un détail ce qui était pourtant central dans l’extermination des juifs. D’autre part ils s’inscrivaient régulièrement dans un parcours qu’il ne désirait pas irréprochable et qui entravait, avec ses excès, les postures de dédiabolisation de sa fille Marine.

Ses extrémités choquantes ont beaucoup nui à sa crédibilité. Il s’en serait dispensé, il aurait été plus convaincant pour ce qu’il avait de prophétique…

On continuera probablement, malgré sa mort, à faire comme si Marine Le Pen ne s’était pas détachée de lui et n’avait pas renié ses élucubrations historiques. Son souvenir demeurera aussi utile pour ses opposants que le repoussoir qu’il était de son vivant.

Mais qu’on ne s’y trompe pas : ce n’est pas avec de la haine et de la moraline qu’on fera baisser le RN mais avec de l’argumentation et de l’impartialité. En effet c’est en lui donnant équitablement ses chances qu’on démontrera ses faiblesses et son inaptitude. Et je termine ce billet en songeant à cette part d’Histoire de France qui est morte avec lui.

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