Nicolas Rohr (Faguo) : "L’arbre est une formidable réponse au réchauffement climatique"
L’anniversaire des dix ans de l’accord de Paris qui devait limiter le réchauffement climatique bien en dessous de 2 °C (tout en poursuivant les efforts pour le contenir à 1,5 °C) se fête au Brésil à Belém à partir du 10 novembre. La COP 30 marquera donc un premier bilan à long terme de la volonté de près de 200 pays dans leurs politiques pour réduire leurs gaz à effet de serre. Plutôt que regarder le verre à moitié vide - non, le monde ne réussira pas à atteindre dans les temps l’objectif de contenir le réchauffement à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle -, nous avons choisi à L’Express le verre à moitié plein en nous focalisant sur ces entreprises françaises qui se battent pour décarboner l’industrie. Dans l’énergie (solaire, photovoltaïque, hydrogène), les transports, le secteur du BTP, à la sortie des usines ou, enfin, pour planter des arbres. Autant d’exemples inspirants parce que le monde bouge et multiplie les petits efforts en espérant de grands résultats pour préserver un peu notre planète unique.
En lançant leur enseigne de mode pour hommes écoresponsables associée à la création de forêts en zone périurbaine en 2009, Frédéric Mugnier et Nicolas Rohr faisaient figure de pionniers. Aujourd’hui, ce dernier dresse un bilan de leur croisade verte et en évoque les perspectives durables. Une démarche salutaire alors que la trentième Convention pour le climat (COP30), se tient au Brésil (Belém), pays qui abrite l’Amazonie, considérée comme le poumon de la planète.
L’Express : Il y a seize ans naissait Faguo avec la promesse d’un arbre planté pour chaque produit vendu. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Nicolas Rohr : Notre première plantation remonte à début 2009, concomitamment aux premières ventes que nous avons réalisées. Aujourd’hui, on compte 350 forêts estampillées Faguo réparties sur tout le territoire français avec un total de 3,5 millions d’arbres. Avec un leitmotiv : garantir la présence d’un bois à moins d’une heure de chaque agglomération. Nous avons aussi créé quelques petites forêts 100 % urbaines, comme à Nantes où se situe notre siège social. En été, sous ces îlots naturels de fraîcheur, la température peut baisser de quatre degrés. L’arbre est aussi une formidable réponse au réchauffement climatique par sa capacité à absorber et stocker de grandes quantités de gaz carbonique (CO2). Dès le départ, nous en avons fait notre logo.
Comment contribuez-vous à la neutralité carbone mondiale ?
On a franchi une étape cruciale en obtenant le label bas carbone lancé par l’Etat français en 2019. Il certifie, après vérifications sur le long terme, que nos arbres compensent bien nos émissions de CO2. Mais nous avons réalisé nos premiers "bilans carbone" dès 2009, voire avant même la création de Faguo puisque la réduction de nos émissions est la pierre angulaire de notre démarche triptyque : mesurer, réduire et contribuer à la neutralité carbone avec la plantation de nouveaux arbres.
Au-delà de cette politique, Faguo, est labellisée "entreprise à mission" et certifiée B Corp, ce qui vous oblige aussi à avoir des objectifs en matières recyclées. Où en êtes-vous ?
80 % de nos produits contiennent des matières recyclées. C’est quasiment un modèle totalitaire. Cela n’a pas été facile au début car les usines renâclaient à changer leur process ; aujourd’hui, elles nous remercient car elles ont pu attirer de nouveaux clients. En ce qui nous concerne, la fabrication de notre vestiaire émet en moyenne 25 % de CO2 en moins qu’un produit standard. Et nous voulons aller plus loin en incorporant, par exemple, des balles de tennis recyclées dans des semelles de nos baskets.
La déforestation sera l’un à des enjeux phare de la Cop 30 qui aura lieu aux portes de la forêt amazonienne. Envisagez-vous d’élargir votre modèle à l’échelle internationale ?
Pour l’instant, notre marché principal reste la France. Mais si nous étions amenés à nous développer fortement à l’étranger, nous initierions des partenariats avec des pépiniéristes en Europe, voire en Asie et pourquoi pas au Brésil ? Et au-delà de ces initiatives, dans la notion de déforestation, les villes et les forêts sont souvent mises en opposition.
Nous, on essaye de les réunir. La communauté Faguo se veut essentiellement urbaine, mais elle a besoin d’échappées au vert, d’où ces forêts à moins d’une heure de chez soi. Pour aller plus loin dans cette philosophie, nous avons créé une "Fago Forest House", un lodge en Suisse normande où chaque visiteur, lorsqu’il s’y rend, s’engage à planter un arbre. Lorsqu’il fait ce geste presque anodin et qu’il passe du temps dans la forêt, il apprend à la respecter davantage.