L’Arabie saoudite face au retour des tempêtes régionales
Depuis son retour de Washington, Mohammed ben Salmane (MBS) affronte une série de chocs géopolitiques qui mettent à l’épreuve la marge de manœuvre saoudienne. Au Yémen, l’offensive fulgurante du Conseil de transition du Sud (CTS), soutenu par Abou Dhabi, a bouleversé l’équilibre fragile établi depuis 2022.
En saisissant l’Hadramout et Al-Mahra, près d’un tiers du territoire yéménite et la quasi-totalité des réserves pétrolières, le CTS a humilié le Conseil de direction présidentielle (CDP), protégé par Riyad. L’effondrement de l’armée loyaliste, la suspension temporaire des vols à Aden puis l’absence de riposte saoudienne ont révélé la vulnérabilité stratégique de Riyad.
Le sud est désormais aux mains du CTS, sans contrôle total : vastes zones restent disputées. Mais la perspective de deux Yémen, une première depuis 1990, devient tangible, compliquant les négociations que Mohammed ben Salmane devra mener avec Abou Dhabi.
Riyad sur tous les dossiers
Au Soudan, les Forces de soutien rapide (FSR) ont consolidé leurs gains après la chute d’Al-Fasher, prenant champs pétroliers et nœuds ferroviaires cruciaux. Une partition de facto s’installe entre un Est sous influence égyptienne et un Ouest dominé par les FSR. Riyad maintient des liens avec les deux camps, cherchant à préserver son accès à la mer Rouge et à sécuriser Vision 2030.
Parallèlement, les tensions avec les houthis s’intensifient. L’Arabie saoudite durcit le contrôle naval autour d’al-Hudaydah, tandis que les rebelles promettent « des surprises ». Mais l’ouverture d’un front contre le CTS réduit la capacité d’action saoudienne dans le nord.
Au Levant, Riyad privilégie désormais la désescalade. Le dialogue prudent avec Téhéran, renforcé par une diplomatie triangulaire avec Ankara, vise à contenir les risques d’embrasement liés à l’escalade israélienne. Le royaume cherche un rôle d’équilibriste : présent mais pas exposé, coordonné avec Washington mais sans dépendance assumée.
En Irak, l’émergence d’un bloc sunnite n’a pas suffi à étendre réellement l’influence saoudienne. Au Liban, Riyad temporise, refusant de s’engager tant que l’équation institutionnelle reste instable. En Syrie, il s’aligne prudemment sur Ankara, testant la solidité d’Ahmad el-Chareh avant tout investissement. À Gaza, sa priorité demeure la consolidation de l’Autorité palestinienne.
Parapluie stratégique américain
La rencontre avec Donald Trump devait offrir à MBS un cadre de sécurité lisible. Les événements récents révèlent les limites de cet alignement : Washington aide, mais sans contrarier Israël, et reste passif au Yémen comme au Soudan. Le royaume avance à pas comptés : ambitieux sur le plan régional, mais toujours abrité — et contraint — par le parapluie stratégique américain.