"La puissance publique va devoir s’interroger sur l’impact désastreux de l’usage excessif des écrans"
La politologue Chloé Morin a diligenté un récent sondage OpinionWay sur les connaissances historiques auprès de jeunes âgés de 16 à 24 ans. Autour d’elle, elle entendait par ailleurs beaucoup de parents d’adolescents lui confier que leurs enfants ne lisaient pas mais passaient beaucoup de temps sur leurs écrans. D’où son envie de croiser des données. Il en ressort que moins on lit et plus on s’informe sur les réseaux, moins on comprend les valeurs et moins on maîtrise les connaissances historiques.
Des lacunes qui font "froid dans le dos"Rien d’"exhaustif évidemment" dans celles qui ont été testées. Mais au fil du sondage, on croise les concepts de laïcité, de liberté d’expression, de présomption d’innocence, de consentement… La bonne surprise est que cette dernière notion est "bien comprise par une génération éduquée aux violences sexistes et sexuelles". D’autres résultats, en revanche, lui ont fait "froid dans le dos", confie l’analyste de l’opinion. "Une partie de la population, qui est aussi la plus socialement défavorisée, ne maîtrise pas un certain nombre de concepts essentiels. Quand on n’a jamais entendu parler de la Shoah, c’est difficile decomprendre le débat aujourd’hui sur l’antisémitisme post-7 octobre par exemple".
Or, note Chloé Morin,
"pour qu’une démocratie fonctionne bien, il y a un principe majeur : il faut que les citoyens soient éduqués, informés, capables d’émettre des jugements librement et de manière raisonnée.
Si on ne comprend pas certains concepts, ni les enjeux, si on ne sait pas d’où l’on vient… Il est très difficile de voter quand on n’a pas les codes du débat public". Ce qui lui fait dire qu’on a un "problème de construction du citoyen », dont toute la société devrait s’emparer : les parents quant à la "maîtrise des écrans et la promotion de la lecture", laquelle peut venir corriger les méfaits des écrans, l’École…
Un "fardeau trop lourd" pour les enseignants et les parentsSi, selon un sondage OpinionWay, les Français se montrent à 93 % conscients de la nocivité des écrans sur les enfants, la parade n’est pas encore en marche. "L’action doit être collective. On ne peut pas faire reposer ce fardeau trop lourd uniquement sur les enseignants ou les parents. La puissance publique va devoir s’interroger sur l’impact désastreux de l’usage excessif des écrans. On a de nombreuses études le démontrant, mais j’ai l’impression que ces sujets-là ne pénètrent pas la sphère médiatique et ne suscitent pas d’interrogations chez les acteurs politiques."
Florence Chédotal