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Les frontières sociale et géographique éloignent des études longues

Six associations - l’Afev, Article 1, Chemins d’avenirs, JobIRL, Tenzing et 100.000 Entrepreneurs - dénoncent le déficit d’informations à l’origine du « décrochage en orientation » d’une grande partie de la jeunesse. Alors que démarrent ce 17 janvier, pour s'achever le 14 mars, les inscriptions sur Parcoursup et la formulation des voeux pour la rentrée prochaine, elles ne pouvaient choisir moment opportun pour interpeller les pouvoirs publics. « Lorsqu’on interroge les jeunes sur leurs futurs choix de métiers, note leur communiqué commun adossé à une étude Viavoice, […] les enfants des catégories socioprofessionnelles plus aisées (CSP+) citent les métiers de médecin ou de professeur en tête. Les enfants des catégories socio-professionnelles modestes (CSP-) citent plus volontiers les métiers de l’artisanat, de l’industrie ou du BTP.  »

Double peine

« Le système d’orientation est très inégalitaire, appuie Salomé Berlioux, directrice générale de Chemins d’avenirs. Concrètement, un jeune né dans un milieu modeste et rural subit une double peine. Selon l’étude Viavoice, 72 % des jeunes urbains de familles CSP+ se disent capables d’obtenir une licence contre 51 % chez les jeunes urbains issus de familles CSP- et 40 % chez les jeunes ruraux issus de familles CSP-. Ces derniers n’ont dans leur famille et leur voisinage que peu d’exemples de réussite académique. »

Et d’insister : « Les jeunes des établissements scolaires aux Indices de position sociale (1) les plus faibles ne sont que 68 % à souhaiter poursuivre des études après le baccalauréat contre 90 % pour les enfants des établissements socialement favorisés (90 %). Par ailleurs, si seuls 44 % des enfants dont aucun parent n’est diplômé du supérieur pensent pouvoir prétendre à un diplôme de niveau licence, ils sont 64 % chez ceux dont au moins un des parents est diplômé. 

La distance sociale, a fortiori redoublée par la distance géographique, est telle que l’information peine à remonter. Cet éloignement place ces jeunes, en dépit de leur nombre, dans l’angle mort des pouvoirs publics.

Dix millions de jeunes

« Les moins de 20 ans résident, pour 65 % d’entre eux, dans des zones rurales et des villes de moins de 20.000 habitants, soit 23 % dans les premières et 42 % dans les secondes, rappelle Salomé Berlioux. Ils sont ainsi dix millions à vivre en dehors des grandes métropoles et leurs banlieues.  »

« C’est, poursuit-elle, d’autant plus dommageable de les oublier que la lutte contre le décrochage en orientation a des vertus collectives. Des jeunes plus nombreux à réaliser leurs ambitions, c’est, sur le plan social, économique ou politique, une société qui vit mieux. Des progrès ont été faits, mais il reste encore beaucoup à faire pour mieux informer et lever les inhibitions et les obstacles matériels. »Beaucoup reste à faire, en effet, car l’analyse de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron (2) n’a rien perdu de sa douloureuse actualité.

« L’expérience de l’avenir scolaire, pointaient les deux sociologues en 1964, ne peut être la même pour un fils de cadre supérieur qui, ayant plus d’une chance sur deux d’aller en faculté, rencontre nécessairement autour de lui, et même dans sa famille, les études supérieures comme un destin banal et quotidien, et pour le fils d’ouvrier qui, ayant moins de deux chances sur cent d’y accéder, ne connaît les études et les étudiants que par personnes ou par milieux interposés. » (1) L’IPS résume les conditions socio-économiques et culturelles des familles des élèves accueillis dans l’établissement(2) Les Héritiers, Les étudiants et la culture, éditions de Minuit.

Jérôme Pilleyre

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