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Lucas Larivée, ce que l'affaire d'incendie volontaire raconte du meurtrier présumé de Justine Vayrac

Lucas Larivée, ce que l'affaire d'incendie volontaire raconte du meurtrier présumé de Justine Vayrac

Le meurtrier présumé de Justine Vayrac, Lucas Larivée, avait rendez-vous ce mardi 16 janvier devant le tribunal correctionnel de Tulle pour répondre d’incendie et de dégradations volontaires. Une affaire antérieure à celle qui l’a tristement rendu célèbre, mais éclairante sur sa personnalité.

« Mais qui êtes-vous, Lucas Larivée ? » Ce mardi 16 janvier, devant le tribunal correctionnel de Tulle (Corrèze), la question était sur de nombreuses lèvres avant l’ouverture du procès, le premier rendez-vous du jeune homme devant un tribunal. Le jeune ouvrier agricole, 22 ans, y était jugé pour l’incendie de plusieurs bâtiments agricoles et des dégradations commis à Saint-Hilaire-Peyroux, dans l’exploitation de son tuteur de stage, le 2 août 2020. Une affaire antérieure à celle du meurtre de Justine Vayrac, pour laquelle il reste mis en examen pour séquestration, viol et meurtre. Durant cette journée, l’ombre de la jeune Lotoise a plané tout au long des débats, sans que son nom ne soit jamais prononcé.

Pour autant, les débats ont été particulièrement éclairants sur la personnalité du mis en cause, au regard de son parcours criminel. « Qui se cache derrière ce visage d’ange ? », s’est interrogé Me Christine Marche, avocate de la partie civile.

Attentif et impassible

La « gueule d’ange », est arrivée dans sa cage de verre aux alentours de 10 heures, entourée de ses gardiens, trois agents de l’escorte judiciaire. Jean bleu, veste à carreaux sur un pull couleur aubergine, cheveux courts, Lucas Larivée est propre sur lui, à la fois attentif et impassible devant l’exposé de la présidente du tribunal, qui retrace son parcours cette nuit du 2 août. Aucune émotion ne transparaît, ce n’est pas son genre. Surtout quand il se trouve dans une situation inconfortable.

« Malgré son immaturité, il fait preuve d’une volonté massive pour paraître sympathique, ce qui rend sa personnalité lisse, qui ne se livre guère », explique l’expert psychologue, qui n’a en revanche décelé aucune pathologie pouvant atteindre son discernement.

Une personnalité « lisse » qui interroge et inquiète

Une personnalité « lisse et inquiétante », rebondira l’avocate de la partie civile. Car si un trait de caractère du jeune prévenu est ressorti au cours de cette audience, c’est bien sa confiance en lui. Quant au rapport d’expertise psychiatrique, peu élogieux, qui lui est présenté lors de l’audience, le jeune homme ne cache pas le mépris qu’il lui inspire : « Dire ça après 45 minutes de consultation, c’est fort ». La tête légèrement penchée, pouvant laisser penser qu’il prend de haut son interlocuteur.

Quand la présidente lui demande à quelle fréquence il sortait en soirée au moment des faits, il répond avec distance : « Je sortais quand j’en avais envie », sans en dire davantage. Quand, au cours de l’enquête, la juge d’instruction lui avait reproché de ne pas respecter son contrôle judiciaire en entrant en contact avec une amie (témoin de l’affaire), il avait répondu : « Vous aviez dit que je devais éviter de la rencontrer, pas que je ne devais pas le faire ». Lucas Larivée, c’est cela, une tête d’ange avec de l’aplomb dans l’aile.

« Lucas peut être rancunier »

D’où lui vient cette condescendance naturelle, qu’il impose à ses interlocuteurs, mêlée à cette personnalité imperméable ? Est-ce le signe d’un narcissisme, comme cela est suggéré par les experts psychiatre et psychologue ? Cela s’est-il construit durant son adolescence dont il peine à sortir ? Y a-t-il un lien avec les décès de ses grands-parents coup sur coup, qui l’ont profondément touché au point de se faire tatouer sur le torse, discrètement, la date anniversaire de leur mort, comme si le deuil était impossible ?

Cela est-il plus ancien, au temps de l’école primaire, quand après une bagarre entre camarades de classe, il avait été le seul à copier les cinquante pages d’un livre en guise de punition ? Ces événements, assez traumatiques pour être abordés à l’audience, ont-ils développé en lui une forme de rancune et une impulsivité tenace ? « Lucas peut être rancunier, et se rebeller quand il trouve quelque chose d’injuste », a expliqué sa propre mère aux gendarmes qui ont enquêté sur l’affaire des incendies.

Un recadrage juste avant l’incendie…

Ce repli sur soi, ses tuteurs de stage l’avaient détecté trois jours avant l’incendie des hangars, lorsqu’ils avaient organisé une réunion « de remontage de bretelles », pour lui reprocher son manque de motivation. L’ouvrier agricole s’était alors montré totalement stoïque. Le feu de la colère montait-il en lui ? « Ce n’est pas un pyromane, il n’est pas monomaniaque. C’est un jeune homme qui s’occupe des bêtes. Le week-end, il aime faire la fête, voir les filles, faire les choses de son âge », souligne son avocat Me Michel Labrousse. « Les reproches étaient justifiés, affirme Lucas. Le lendemain, j’étais à l’heure. Je me suis donné à fond, et mon employeur m’a encouragé. Les reproches, je les ai acceptés. »

Dit-il vrai ? C’est, pour le tribunal et les acteurs de l’affaire, toute la question, tant Lucas a changé à de nombreuses reprises de version. Par exemple, pour expliquer qu’il ne s’est pas rendu à Saint-Hilaire-Peyroux le soir de l’incendie, le fêtard explique qu’il est d’abord retourné à Vigeois, finir la nuit avec des amis, en citant les personnes supposées être présentes.

L’art du mensonge et de la quête d’alibi

Quand après vérifications, les gendarmes constatent que cette version ne tient pas, il dit qu’il est rentré chez lui, mais qu’il n’est pas allé chez son tuteur de stage. Quand on lui montre que son portable borne sur la route qui traverse l’exploitation agricole en question (la RD70), il explique qu’il a voulu éviter un contrôle de gendarmerie. « J’avais bu des ricards et du rhum. J’étais jeune conducteur, je ne pouvais pas me permettre de me faire arrêter », plaide-t-il. « L’ange » Lucas a réponse à tout.

« À mesure qu’on lui oppose des éléments démontrant sa présence sur les lieux, il évolue dans ses déclarations, souligne la vice-procureure Myriam Soria. On peut tout entendre, mais toujours nier l’évidence, c’est difficile et c’est même très mal venu de mon point de vue », ajoute la magistrate. Dos au mur et face à ses contradictions, Lucas finit par lancer un « Je ne sais pas » lapidaire. Fin du débat.

Mais chez le jeune homme, le mensonge va au-delà du simple fait d’être pris le doigt dans le pot de confiture. Il se façonne au fur et à mesure qu’il commet son méfait. Cette construction progressive de son alibi, se constate ce 2 août 2020, comme elle se constatera en octobre 2022, quand il mentira aux amis de Justine Vayrac, en leur disant qu’il n’est plus avec elle, ou en allant passer le reste de la nuit avec une seconde femme, ou enfin en partant le lendemain du meurtre voir un match de football à Saint-Jal. L’ange Lucas se croit illusionniste.

Alcoolisé, à 190 km/h sur la route

Ce 2 août 2020, en partant de la fête de Vigeois, il continue de communiquer avec sa petite amie d’alors durant toute la nuit, il lui explique qu’il réfléchit près d’une rivière, alors que le feu se propage aux deux hangars à Saint-Hilaire-Peyroux. Dans le même temps, il publie une photo de lui et d’une amie sur Snappchat. Seulement, la photo en question a été prise plus de trois heures plus tôt. Idem, alors que l’incendie vient d’être signalé aux pompiers, Lucas Larivée publie une autre photo prise cette nuit-là, celle du compteur de vitesse de sa voiture affichant les 190 km/h.

Goût du risque, sentiment de toute-puissance, mensonges ont traversé le jeune Lucas ce soir du 2 août 2020. Autant d’ingrédients que l’on retrouvera un peu plus de deux ans plus tard, lors de cette nuit où Justine Vayrac a perdu la vie à Beynat.

Pierre Vignaud

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