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“Little Rope” de Sleater-Kinney : la musique et la sororité pour adoucir la peine

Avec “Little Rope”, Corin Tucker et Carrie Brownstein confirment que trois décennies d’existence n’ont en rien entamé leur énergie rageuse : ce douzième album est l’un de leurs meilleurs à ce jour.

“Hell don’t have no worries/Hell don’t have no past/Hell is just a signpost when you take a certain path…” Un riff pesant, et la voix rageuse de Corin Tucker. Dès le troisième couplet, la déflagration rock. Premier titre du nouvel album de Sleater-Kinney, Hell est “un aveu d’échec à la fois personnel et collectif”.

“Je regarde le monde auquel mes enfants sont confrontés et je me demande comment nous en sommes arrivés là. En n’en faisant pas assez, sans doute”, constate tristement Corin Tucker, qui en a écrit les paroles et la structure mélodique avant de les confier à sa partenaire musicale, ex-sentimentale et cofondatrice de Sleater-Kinney, Carrie Brownstein.

Cette dernière ajoute : “La pureté a disparu depuis longtemps. Et si nous pouvions considérer l’Enfer comme un endroit où nos blessures seraient la norme ? Un salut plutôt qu’une damnation, une manière de rendre la laideur plus vivable, voire l’allier à notre survie ?” Plus loin nous revigorent le groove punk de Small Finds et la rythmique martiale de Say It like You Mean It, assurée par leur nouvelle batteuse, Angie Boylan.

Un duo dont l’osmose reste inaltérée

Ce n’est pas nouveau, la musique de Sleater-Kinney, fondé en 1994 à Olympia, État de Washington, a toujours été un exutoire face à la violence du patriarcat, aux inégalités sociales américaines et aux traumas singuliers. Little Rope plus que jamais : en 2022, parce que son numéro figurait sur un vieux dossier administratif, Tucker a dû apprendre à Brownstein la mort de sa mère et de son beau-père dans un accident de la route.

“Nous travaillions déjà sur l’album quand est survenu ce drame, raconte Brownstein. Je pense que sa force, et la raison pour laquelle il reflète ce qui est essentiel dans le groupe, c’est que Corin et moi communiquons l’une avec l’autre à travers notre musique. Accablée par mon deuil, je n’avais pas autant envie de chanter. Je me suis concentrée sur la guitare et les arrangements, tandis que Corin a intensifié sa voix… comme elle ne l’avait pas fait depuis un moment.”

S’y ajoute une maîtrise instrumentale résultant d’une pratique qui, si elle n’a guère été régulière depuis les débuts de Sleater-Kinney, brille par ses fulgurances. Autant pour désamorcer que pour renforcer leur fusion, Brownstein et Tucker ont fait appel à John Congleton (Angel Olsen, Sharon Van Etten, Blondie), pour façonner les textures de Little Rope : “Lorsque nos prises devenaient plus performantes mais moins brutes, moins évocatrices, John nous mettait en garde.”

En toute fin d’album, une lueur d’espoir…

Au-delà de ce que Little Rope remue, il rappelle à quel point la sororité ne peut être que salvatrice. Ces Riot grrrls de compétition l’affirmaient avec grand bruit sur leur cultissime Dig Me Out en 1997. “La musique et l’amitié apportent du réconfort, fraient un chemin vers l’autre”, confirme Tucker.

“Écrire des chansons ensemble nous amuse toujours autant tout en nous permettant d’absorber nos histoires intimes… Le processus créatif envisagé tel un rituel est inhérent à notre amitié”, renchérit Brownstein. En guise de (splendide) finale, l’espoir d’Untidy Creature, premier titre écrit pour Little Rope : “Il s’agit du sentiment d’être sous-estimée partagé par nombre de femmes, commente Tucker, mais également de se reconnecter avec notre propre pouvoir. Girl power, forever.

Little Rope (Loma Vista Recordings/Universal). Sortie le 19 janvier.

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