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Un volcanologue clermontois raconte la découverte en Méditerranée d'une éruption plus violente que celle du Honga Tonga

Un volcanologue clermontois raconte la découverte en Méditerranée d'une éruption plus violente que celle du Honga Tonga

« Ce que nous avons découvert dit déjà des choses fondamentales sur le fonctionnement du volcanisme. » Une manne qui pourra nourrir, par exemple, l’interprétation des signaux volcaniques.

Il y a tout juste un an, l’éruption sous-marine du Hunga Tonga secouait le Pacifique et la planète entière. C’était l’explosion la plus puissante des 30 dernières années. Ainsi décrite par le CNRS : "Deux fois plus intense que celle de la bombe H la plus puissante jamais conçue. " Elle a expédié de la matière jusqu’à 58 kilomètres d’altitude, "traversant toute la stratosphère pour atteindre la mésosphère. " Cette référence pour illustrer la dangerosité des volcans sous-marins, on pourra désormais la multiplier par 10 ou 15?!

10 à 15 fois plus violent que le Hunga Tonga

La violence que laisse présager la découverte faite par l’expédition de Tim Druitt à Santorin est stupéfiante. Il y a 500.000 ans, alors qu’il était encore totalement immergé, l’épisode volcanique contemporain de notre Mont Dore, serait d’une violence jamais décrite en Méditerranée?!

A l’issue d’une campagne de forages scientifique hors norme (*), l’enseignant chercheur basé au laboratoire clermontois Magmas et Volcans vient de publier la découverte dans Nature communications Earth and Environment ( publication avec S. Kutterolf, ST.A. Ronge, et al. ).Tim Druitt. Professeur de volcanologie au Laboratoire Magmas et Volcans, co-chef de l’expédition scientifique 398 : Hellenic Arc Volcanic Field. Devant une première analyse de carottes d’Archaeos tuff.

Ils décrivent un dépôt géant de pierres ponces et de cendres, sur sept sites autour de l’île de Santorin : ce monument volcanique dont l’éruption (1.630 à 1.525 ans av J.C) serait associée au déclin de la civilisation minonienne de Crète. 

L'arc peut produire une activité dévastatrice en Méditerranée

La communauté scientifique étudie depuis longtemps l’arc volcanique sous-marin qui va de la Grèce à la Turquie. Ici, la plaque tectonique africaine glisse sous la plaque européenne. Ce mouvement alimente un volcanisme très surveillé pour sa capacité à générer des éruptions potentiellement dévastatrices. "On sait désormais qu’il est capable de produire ce type d’activité extrêmement violente. En Europe?! "

Et là, je vous arrête tout de suite : ce genre d’explosion n’est pas attendue pour demain?!

"Mais cela nous apprend des choses fondamentales sur la manière dont fonctionne le volcanisme."

Un bateau hors norme pour deux mois

Cette découverte et le matériel récoltés pour analyse (3,4 km en linéaire de carottes bout à bout) viennent à point nommé pour satisfaire l’appétit de la communauté scientifique… que l’éruption du Hunga Tonga a aiguisé?! Cette incroyable issue, le volcanologue ne l’avait pas envisagée, sept ans plus tôt, en tentant sa chance auprès de l’International Ocean Discovery Program  (IODP).

Seules cinq ou six expéditions annuelles sont retenues, parmi des propositions parvenant de la planète entière. « C’est quand même des expéditions à 15 M€ », rappelle Tim Druitt. Une fois soumis, un projet peut rester à l’étude jusqu’à douze ans, entre préparation, évaluations, faisabilité. Il en a fallu sept, pour que l’IODP le retienne et finance.

Nous sommes partis de Tarragone le 11 décembre 2022. À partir de là : deux mois sans que personne ne monte ni ne descende du bateau (sauf l’exception pour Arte), en travaillant 12 heures par jour.

À bord du navire-labo

C’est ainsi qu’en décembre 2022, Tim Druitt a pu embarquer à Tarragone (Espagne), sur l’impressionnant vaisseau amiral de l’IODP : 140 m de long, une tour de forage d’une soixantaine de mètres de haut pour aller prélever jusqu’à 1.000 mètres de fond, 120 personnes à bord (dont 32 scientifiques de 9 nations), des laboratoires embarqués capables d’analyser in situ des propriétés physiques, magnétiques, de densité ou de conductivité…Arrivée du produits d'un carrottage sous marin de 10 mètres, aussitôt tronçonnés en segments pour être soumis à de premières analyses à bord.

C’est un vrai laboratoire flottant. C’est aussi un bateau incroyable de stabilité pendant les forages : même avec des vagues de plus de deux mètres, n’en revient toujours pas Tim Druitt.

Mission oblige, le volcanologue a dû partager sa cabine pendant deux mois, et travailler tous les jours, donc vraiment profiter des petites salles de gym, cinéma et autres aménagements. Mais l’organisation et a bord permis de fêter Noël d’un grand banquet, et gratifier chaque anniversaire d’un gâteau.

Dans mes meilleurs souvenirs, je garde l’ambiance, avec tous ces gens que l’on ne connaissait pas et qui ont pu devenir des amis. 

Les conditions météo exceptionnelles ont aussi offert à l’expédition l’occasion de saisir à plusieurs reprises la magie du rayon vert : ce dernier rayon solaire que certains traquent en vain toute une vie?!

Cette très grosse colère de la Terre, il y a 500.000 ans

Pendant ces longues semaines, les forages ont permis de carotter les fonds et remonter des prélèvements verticaux de 10 m de long. Aussitôt tronçonnés en sections d’un mètre, caractérisées et analysées à bord. C’est dans cette matière remontée du fond qu’ils ont repéré, en flash-back, le témoignage d’une très vieille colère.

Nous avons fini par nous rendre compte que sur tous les sites, on trouvait une couche que nous ne connaissions pas. Pas toujours de la même épaisseur, mais elle était toujours là. Petit à petit, nous avons compris que c’était la même chose.

Une épaisseur notable de cendres et de pierres ponce témoignant d’une éruption phénoménale du volcan Santorin, il y a environ 500.000 ans, à une époque où il n’était encore qu’immergé… Le dépôt nouvellement découvert a été baptisé Archaeos tuff.

L’IODP Expedition 398 : Hellenic Arc Volcanic Field. L’expédition internationale de forage en mer a été menée avec les moyens du programme de recherche international IODP, auquel participent 22 nations, et dont l’objectif vise à explorer l’histoire et la structure de la Terre dans les fonds sous-marins. 32 scientifiques de neuf nations ont participé à cette campagne de deux mois (décembre 2022 à février 2023) 32 scientifiques de neuf nations ont participé à cette campagne de deux mois (décembre 2022 à février 2023). Elle était co-dirigée par Tim Druitt (LMV ClerVolc) et Steffen Kutterolf (Geomar).

Le récit de Tim Druitt sur X: @DruittTim

Textes Anne Bourges anne.bourges@centrefrance.com Photos Thomas Ronge et Tim Druitt

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