Mathilde Monnier fait danser la rage des femmes à la Comédie de Clermont-Ferrand
Danseuse et chorégraphe, Mathilde Monnier a dirigé le Centre chorégraphique national de Montpellier puis le Centre national de la danse à Pantin. Elle prend souvent appui sur des textes pour nourrir ses créations. Pour Black Lights, qui a enthousiasmé Avignon l’été dernier, elle s’est inspirée de la série H24, diffusée sur Arte en 2021. Elle donne ainsi corps à la rage des femmes, victimes de violence. Cette pièce est présentée à la Comédie de Clermont, avec pour l'occasion et pour la première fois dans cette production Mathilde Monnier en scène. La première représentation a été donné le 17 janvier devant une salle absolument comble. Une autre est prévue ce jeudi 18 janvier, à 20 heures. Elles se déroulent dans le cadre du festival Transforme qui propose, en dehors des spectacles, toute une programmation de rencontres et d'ateliers.
Pourquoi afficher une influence aussi forte, en l’occurrence cette série H24 ?« Il y a H24 mais surtout la parution des textes, d’autrices internationales, sur les violences faites aux femmes qui ont inspiré cette série. Pour moi, le texte est un beau point de départ. Je suis quelqu’un d’assez mental et le travail sur le texte me permet de travailler sur les images et de trouver des traductions dans le corps. Le pari, c’est de faire cohabiter un texte et un corps qui produit aussi du récit, de la poésie et des images. Nous n’avons pas la précision des mots mais la force de la danse, c’est cette manière de parler frontalement aux spectateurs, de corps à corps, avec une liberté de regard. Avec la danse, comme la musique ou la peinture, il n’y a pas d’injonction au sens. Il y a cette part d’imaginaire que le public peut investir à son tour. Au final, Black Lights est autant une pièce de théâtre qu’une pièce chorégraphique. »
Comment canaliser la puissance de ce thème des violences faites aux femmes ?« Black Lights peut effectivement faire peur par cette thématique, par son omniprésence, jusqu’à la saturation, dans l’actualité. J’ai voulu donner à mon traitement une forme d’élégance, une pâte assez fine, élaborée, sophistiquée…Au-delà de faire passer des idées, je voulais leur donner une valeur. On n’est plus dans le premier degré : face à la violence du thème, il faut être plus imaginatif, plus « classe » pour en parler. C’est aussi une manière de rendre hommage à ces femmes. C’est du militantisme doux, on reste dans l’artistique. Ça pourrait presque n’être perçu que par ce volet artistique mais très majoritairement les réactions du public restent fortes et engagées, avec des personnes qui vont jusqu’à crier, se lever et danser. À travers cet enthousiasme, je constate qu’il y a quelque chose qui fonctionne. »
Êtes-vous dans l’espoir ou dans la certitude que les choses vont changer ? « Ma position est qu’il est impossible de ne pas entendre ces paroles. Au moins, on sait, on n‘est plus muet ou aveugle. Je n’ai pas d’autre espoir aujourd’hui qu’on parle de tout cela car il y a encore des choses à faire apparaître. Je me suis rendu compte combien d’hommes autour de moi, de véritables connaissances, n’avaient pas la notion de violence minimale, celle du quotidien, celle que l’on pourrait croire banale mais qui peut marquer pendant des années. D’ailleurs, certaines de ces blessures se réactivent chez des spectatrices pendant le spectacle. »
Pierre-Olivier FebvretPhotos Franck Boileau