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"Je suis passé de 20.000 euros de prime à 100.000 euros" : ces maires étranglés par leurs assurances

Envolée des cotisations, résiliations unilatérales, appels d’offres sans candidat… Les collectivités ont de plus en plus de mal à s’assurer.

L’assurance des collectivités locales est en crise. Émeutes post Nahel, événements climatiques destructeurs à répétition… La signature de contrats n’a jamais été si onéreuse et complexe pour beaucoup de maires.Christian Métairie, maire (EELV) d’Arcueil, ville de quelque 22.000 habitants du Val-de-Marne, connaît par cœur le sujet. Après les émeutes de juin, où voirie et poubelles brûlèrent – 30.000 euros de dégâts - le maire transmet la facture à son assurance.

Faible choix

À son retour de vacances, le vice-président de l’Association des maires de France (AMF) reçoit un avenant à son contrat. Smacl Assurances lui annonce le passage de sa franchise de 1.500… à 2 millions d’euros en cas d’émeutes. Et une indemnisation maximum fixée à 4 millions d’euros par sinistre. "Je n’arrivais à pas à y croire. Imaginez : un gros bâtiment brûle avec 10 millions de dégâts, ça ne fait plus que 2 millions d’euros de remboursement". Résultat, "sauf évènement exceptionnel, on n’est quasi plus assuré pour des dégâts immobiliers liés à des émeutes". Malgré ces conditions très restrictives, Christian Métairie a préféré signer pour ne pas risquer de se retrouver sans couverture. "Vous savez, le monde des assurances pour les collectivités est très réduit."

"Prise d’otages"

Sandra Creuzet-Taite, maire du Coteau (Loire), petite ville de 7.000 habitants proche de Roanne, ne décolère pas. L’élue n’a plus d’assurances depuis le 1er janvier. Sa commune, balayée par un violent orage en juin 2022, a subi plus de 3,5 millions de dégâts, assumé à plus de 80 % par les assurances, avec toutefois un reste à charge de 500.000 euros. Échaudée, sa compagnie d’assurances a préféré résilier le contrat. "Cette grêle, on l’a subie, nous sommes une ville sinistrée et, là, du jour au lendemain, on nous dit : “On résilie”, et vous, derrière, vous peinez à retrouver quelqu’un… C’est une prise d’otages, c’est irrespectueux", peste la maire, inquiète de ne pouvoir "assurer le patrimoine bâti où du public est accueilli."

Un assureur japonais à Dinan

Sans assurance dommages aux biens depuis le 1er janvier, Dinan, ville d’art et d’histoire située dans le département des Côtes-d’Armor, a dû se résoudre à prendre un assureur… japonais. Et encore, seulement pour le mois de janvier. "Aucun assureur français n’a répondu aux consultations de l’appel d’offres que nous avons pu faire", explique, dépité, le maire Didier Lechien, un proche d’Edouard Philippe, qui juge "aberrante" la situation.Alain Chrétien, le maire (Horizons) de Vesoul (Haute-Saône, n’est pas mieux loti. "Je n’ai pas connu particulièrement d’émeutes. Je n’ai pas un taux de sinistralité plus important qu’ailleurs et ils m’ont tous résilié les contrats : flotte automobile, responsabilité civile, protections fonctionnelles…", s’étonne le vice-président à l’AMF, missionné par le gouvernement avec Jean-Yves Dagès, ancien président de la fédération nationale Groupama, pour résoudre le problème de l’assurabilité des collectivités.

"Dépêchons-nous de nous enfuir"

Les maires évoquent la crise des Gilets jaunes comme évènement déclencheur. « Depuis, il y a la récurrence d’événements climatiques de plus en plus catastrophiques ; et les émeutes urbaines de l’été dernier après la mort de Nahel ont fini de faire peur aux assureurs. Ils voient leurs équilibres financiers se dégrader de mois en mois et se disent : "Le réchauffement climatique ne va pas se stopper, on va être obligé d’assurer des trucs de plus en plus compliqués, la société est en train de partir en vrille, l’avenir sera compliqué pour les collectivités, dépêchons-nous de nous enfuir, résume Alain Chrétien. Ils anticipent une dégradation significative de leurs équilibres financiers dans ce marché des assurances des collectivités dont le chiffre d’affaires est très minime pour eux."

Les primes explosent

Conséquences pour les communes : les primes d’assurances explosent. « On est passé de 70.000 à 300.000 euros de primes d’assurances en six ans pour l’assurance des biens », détaille le maire de Dinan. … À Vesoul, Alain Chrétien a demandé à son directeur général des services de trouver 80.000 euros dans les dépenses de fonctionnement pour financer les nouveaux contrats de la flotte automobile, dont les coûts ont explosé. "Je suis passé de 20.000 euros de prime à 100.000 euros. Avec le même nombre de véhicules, avec une sinistralité pas plus importante qu’ailleurs. Ça fait un peu mal au ventre…"  D’après le maire de Vesoul, un millier de communes peinent aujourd’hui à s’assurer en France.

 

Autre point à travailler selon les assureurs : la procédure d’appel d’offres, "à la fois trop rigide et sans possibilité de concertation préalable à sa rédaction, indique Franck Le Vallois, directeur général de France Assureurs. Par conséquent, de nombreux appels d’offres demeurent infructueux en raison de cette inadéquation entre les besoins des assurés et ce qu’autorise cette procédure en matière de présentation des risques. Il faut également initier une politique de prévention beaucoup plus ambitieuse pour faire face à la montée des risques naturels. "

Nicolas Faucon

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