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Frappes pakistanaises en Iran : récit d’une escalade

Le conflit entre Israël et le Hamas contamine la région. Deux jours après une attaque iranienne sur son territoire, le Pakistan a annoncé, jeudi 18 janvier, avoir mené dans la nuit des "frappes contre des caches terroristes" en Iran, qui ont fait neuf morts selon les médias d’Etat iraniens. Le Pakistan, seul pays musulman doté de l’arme nucléaire, et l’Iran sont tous les deux confrontés depuis des décennies à des insurrections larvées le long de leurs frontières communes. Et la tension est montée d’un cran.

Ces attaques réciproques surviennent dans un contexte explosif : le Proche-Orient est secoué par la guerre qui oppose le mouvement islamiste palestinien Hamas à Israël dans la bande de Gaza et les attaques des rebelles houthistes du Yémen, soutenus par l’Iran, contre des navires de commerce en mer Rouge. "Ce matin, le Pakistan a mené une série de frappes de précisions, hautement coordonnées et spécifiquement ciblées, contre des caches terroristes dans la province du Sistan-et-Baloutchistan [dans le sud-est de l’Iran], a annoncé dans un communiqué le ministère pakistanais des Affaires étrangères. La mesure […] a été prise au vu de renseignements crédibles sur d’imminentes activités terroristes à une large échelle", a-t-il justifié, affirmant qu’un "certain nombre de terroristes" avaient été tués.

Au moins neuf personnes, dont quatre enfants et trois femmes, "tous de nationalité non iranienne", ont été tuées dans des villages frontaliers, ont rapporté les médias d’Etat iraniens en citant le vice-gouverneur de la province du Sistan-et-Baloutchistan, Alireza Marhamati. Le chargé d’affaires pakistanais à Téhéran a été convoqué pour donner des "explications", ont-ils aussi annoncé.

La Chine se place en médiatrice

Iran et Pakistan s’accusent fréquemment de permettre à des groupes rebelles d’opérer à partir de leurs territoires respectifs pour lancer des attaques, mais il est rare que les forces de l’un ou l’autre de ces pays soient impliquées. "Le Pakistan respecte complètement la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République islamique d’Iran", a assuré le ministère pakistanais des Affaires étrangères. "Le seul objectif de l’action [de jeudi 18 janvier] était d’œuvrer à la sécurité du Pakistan et à notre intérêt national, qui sont primordiaux et ne peuvent pas être compromis", a-t-il ajouté. La Chine, qui entretient des liens privilégiés avec Islamabad et Téhéran, s’est dite jeudi prête "à jouer un rôle constructif pour apaiser la situation".

Le Pakistan ripostait à la frappe iranienne menée mardi 16 janvier contre des "cibles terroristes" au Pakistan. Selon des médias pakistanais, l’attaque s’était produite près de Panjgur, dans le sud-ouest de la province du Baloutchistan, dans l’ouest du pays, où Pakistan et Iran partagent une frontière d’un millier de kilomètres. Le Baloutchistan, province la plus grande, la moins peuplée et la plus pauvre du Pakistan, qui borde aussi l’Afghanistan, est secoué par intermittence depuis des décennies par une rébellion séparatiste. La province est riche en hydrocarbures et en minerais, mais sa population se plaint d’être marginalisée et spoliée de ses ressources naturelles.

L’Iran montre les muscles

L’attaque visait le quartier général au Pakistan du groupe djihadiste Jaish Al-Adl (Armée de la justice). Formé en 2012, il a mené plusieurs attaques sur le sol iranien ces dernières années. La dernière, contre un poste de police, a fait 11 morts en décembre 2023. Le groupe est considéré comme une "organisation terroriste" par les Etats-Unis. Islamabad avait jugé mercredi 17 janvier "totalement inacceptable" et injustifiée cette attaque, qui a causé la mort de deux enfants. Dans la foulée de cette attaque, le Pakistan a marqué la crise diplomatique : il a rappelé son ambassadeur et "expulsé l’envoyé iranien à Islamabad", souligne le quotidien Dawn. "Jaish Al-Adl est un groupe terroriste qui agit contre la sécurité commune des deux pays", a indiqué mercredi le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian.

Ces derniers temps, l’Iran semble vouloir montrer les muscles dans la région. Objectif : prouver qu’il peut frapper à longue distance. Une démonstration de force dont l’Irak et la Syrie ont fait les frais, puisqu’ils ont été la cible de salves de missiles balistiques, mardi 16 janvier. Téhéran disait avoir ciblé des "terroristes" à Erbil, dans le Kurdistan irakien, et à Idleb, en Syrie, affirment les pasdaran. Parmi les personnes tuées au Kurdistan, figure le magnat de l’immobilier Peshraw Dizayee. Le journal Jam-é Jam, publication d'une chaîne de télévision nationale iranienne, repris par Courrier international, l’accuse d’avoir collaboré avec le renseignement israélien à Erbil. Pour le média, il s’agit d’un "message clair de l’Iran au régime sioniste". De son côté, les Etats-Unis tentent de jouer leur rôle de gendarmes du monde, en condamnant ses frappes. Avec l’espoir aussi d’empêcher que le conflit ne se répande au Moyen-Orient.

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