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Présidentielle américaine : Barack Obama, un conseiller de l’ombre très influent

Présidentielle américaine : Barack Obama, un conseiller de l’ombre très influent

Barack Obama est inquiet. L’équipe de réélection de Joe Biden est, selon lui, trop molle et ne prend pas assez au sérieux la menace Donald Trump. Lors de l’un de ses déjeuners réguliers avec le président, il l’a encouragé, selon une fuite dans le Washington Post, à muscler son organisation. Il lui a conseillé de relocaliser tous les responsables de sa campagne au QG de Wilmington (Delaware). Jusqu’ici, les plus proches conseillers de Biden sont restés à Washington, à quelque 170 kilomètres de ce centre névralgique. Or, cela ralentit la prise de décision. Barack Obama a donné en exemple sa campagne de 2012, au cours de laquelle plusieurs de ses conseillers se sont installés à Chicago, siège des opérations.

Il lui a également recommandé de prendre conseil auprès des anciens membres de son équipe. Quelques jours plus tard, Michelle, sa femme, a déclaré, lors d’une interview dans un podcast, que l’élection présidentielle l’empêchait de dormir la nuit : "Je suis terrifiée par ce qu’il pourrait potentiellement se passer. Nous ne pouvons pas considérer la démocratie comme acquise." Bref, les Obama se font entendre. "Ce n’est pas un accident si le couple fait part de ses peurs sur l’avenir du pays au même moment. C’est certainement coordonné", estime le consultant politique Hank Sheinkopf.

Obama-Biden: une relation compliquée

Ils ne sont pas les seuls à s’alarmer. La cote de popularité de Joe Biden a plongé au-dessous de 40 %, un niveau plus bas que ceux de ses prédécesseurs à la même période. L’inflation reste haute, les jeunes le boudent, les électeurs Arabo-Américains aussi, furieux de son soutien à Israël. "Les démocrates sont frustrés. Ils estiment que la Maison-Blanche vend mal ses réformes et n’a pas répondu efficacement aux questions sur l’âge de Biden ni à la perception négative des électeurs noirs et des jeunes vis-à-vis du président", explique George C. Edwards III, professeur à l’université Texas A&M.

L’optimisme à toute épreuve affichée depuis des mois par l’équipe de campagne de Biden accentue la frustration. Il ne faut pas tenir compte des sondages à dix ou douze mois du scrutin, car ils n’ont aucune valeur, répète-t-elle. La popularité de Biden remontera lorsque les Américains auront pris conscience du danger Trump ; le droit à l’avortement et l’économie joueront en sa faveur, croit-elle savoir. Après tout, en 2020, se rassure l’état-major du président, personne ne lui donnait une chance lors des primaires, et, aux élections de mi-mandat (midterms) en 2022, il a également été sous-estimé. Le titre ironique de la Une du New York Magazine en décembre, accompagné d’une photo du QG de campagne, résume le sentiment du moment : "Les démocrates les plus calmes du pays."

Barack Obama, alors président des Etats-Unis, réconforte Joe Biden, alors vice-président, le 6 juin 2015 à Wilmington, lors des obsèques de Beau Biden, mort d'un cancer du cerveau
Barack Obama, alors président des Etats-Unis, réconforte Joe Biden, alors vice-président, le 6 juin 2015 à Wilmington, lors des obsèques de Beau Biden, mort d'un cancer du cerveau

Compte tenu de l’immense popularité de Barack Obama, la fuite de ses propos privés dans le Washington Post pèse. "Elle vise à secouer l’équipe, reprend Hank Sheinkopf. Biden doit gérer de multiples crises, deux guerres et l’économie, tout en faisant campagne… Pour cela, il doit s’entourer de gens expérimentés. Or, aujourd’hui, le flou règne : on ne sait même pas qui dirige les opérations."

Obama et Biden ont toujours entretenu des rapports compliqués. Leurs relations ont été cordiales pendant leurs huit années de collaboration à la Maison-Blanche. Mais cela n’a pas empêché des tensions entre leurs équipes. Les conseillers d’Obama se moquaient du vice-président, qu’ils voyaient comme un vieux politicard raseur et gaffeur. En face, les pro-Biden trouvaient l’occupant du Bureau ovale cérébral et arrogant. Surtout, ils lui en ont voulu d’avoir choisi Hillary Clinton comme dauphine en 2016. Joe Biden, qui briguait lui aussi la Maison-Blanche, écrit dans ses Mémoires que "le président n’était pas encourageant" lorsqu’il abordait le sujet.

Lors des primaires de 2020, ils lui ont également reproché d’avoir refusé de soutenir publiquement sa candidature. Et de manquer d’enthousiasme lorsque Biden a emporté la nomination : "Je pense que Joe a toutes les qualités dont on a besoin chez un président aujourd’hui… et je sais qu’il va s’entourer de gens bien", déclare alors Barack Obama dans un message vidéo. Quatre ans auparavant, lors de la victoire d’Hillary Clinton aux primaires, il exprimait davantage d’entrain : "Je ne crois pas qu’il y ait jamais eu quelqu’un d’aussi qualifié pour cette fonction."

Joe Biden : "Trump est un loser"

Cependant, une fois Joe Biden vainqueur des primaires, Barack Obama l’a épaulé activement. Il a multiplié les meetings électoraux dans les Etats clefs, enchaîné les galas de collecte de fonds et enregistré des spots publicitaires en sa faveur. Il a repris ce rôle très tôt en août dernier, soit quinze mois avant le scrutin, signe de son inquiétude. Entre deux parcours de golf, ses productions de films et de documentaires avec Netflix et sa fondation, le président retraité a participé à une tombola qui a levé 2,6 millions de dollars. Le gagnant a eu droit à une rencontre avec les deux hommes. Il est aussi apparu dans plusieurs vidéos. Ce n’est sans doute qu’un début. "Obama est tenu en haute estime par les démocrates et peut être très utile, notamment pour motiver l’électorat afro-américain", observe le professeur Edwards III.

Est-ce la pression de l’ancien président ou la perspective d’une victoire de Donald Trump aux primaires républicaines ? En tout cas, on observe une évolution. Mitch Landrieu, un conseiller de la Maison-Blanche, vient d’être nommé codirecteur de la campagne de réélection. Et Joe Biden est parti à l’attaque. Début janvier, il a fait un discours enflammé accusant Donald Trump d’être un "loser" et une menace pour la démocratie. "Il fait campagne pour lui, pas pour l’Amérique. Pas pour vous. […] Il est prêt à sacrifier notre démocratie pour se hisser au pouvoir." De quoi rassurer, un peu, le camp démocrate.

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