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Anthony Bourbon, le Bernard Tapie de M6 : "Son rêve secret ? Président de la République !"

Anthony Bourbon, le Bernard Tapie de M6 :

A l’origine, personne n’avait pensé à Anthony Bourbon. Hormis lui-même. "Après la première saison de Qui veut être mon associé ?, nous cherchions de gros noms d’investisseurs pour attirer plus de téléspectateurs", se souvient Jeremy Henriet, cofondateur de 1team Productions. Nous sommes en 2020 ; le producteur du programme de M6 est assailli de messages de l’équipe de l’entrepreneur. Le trentenaire, que personne ne connaît, fait le forcing pour intégrer l’émission. "Ce n’était pas forcément une évidence, mais comme il insistait, nous avons finalement décidé de le rencontrer", explique Jeremy Henriet.

Lors de l’entretien, Anthony Bourbon donne un échantillon de ce qu’il sera à l’antenne : "Nous avons tous été étonnés par la puissance de son personnage. Il avait des propos tellement marqués qu’il ne pouvait susciter que la fascination ou le rejet." Banco pour l’obstiné. En plateau, Anthony Bourbon fait immédiatement le show. En tant que juré-investisseur, il crève l’écran. "Depuis que je suis jeune, j’ai des flashs et je vois l’avenir, en fait. C’est un truc de fou, mais je vois des bribes. Là, je vais te dire ce qu’il va se passer, dit-il à un candidat. On va travailler ensemble, et tu vas devenir très riche." Devant un autre duo de créateurs, il fait une contre-offre inattendue. "Je vous propose 100 000 euros, pour 20 %. Mais si vous écoutez les autres propositions, je retire mon offre", lance-t-il dans un extrait vidéo visionné près de 5 millions de fois sur Facebook. Culotté et pas accablé par la gêne.

Diffusée en prime time sur M6, Qui veut être mon associé ? entame sa quatrième saison. Son principe : mettre en relation des entrepreneurs et des investisseurs. Inspirée d’un programme japonais – la version américaine Shark Tank est, elle, diffusée depuis 15 saisons –, l’émission s’est installée comme l’un des programmes phares de la chaîne, avec 1,9 million de téléspectateurs en moyenne en 2023. Le casting réunit un échantillon des plus grandes fortunes françaises. Parmi elles, Marc Simoncini (264e fortune française selon Challenges), fondateur de Meetic, Jean-Pierre Nadir, de Fairmoove, ou Eric Larchevèque (348e fortune), cofondateur de Ledger. Cette année, l’ancien basketteur devenu millionnaire Tony Parker vient grossir ses rangs. Dans ce panel varié, le visage d’Anthony Bourbon, fondateur de Feed, une entreprise qui propose des substituts de repas en poudre ou en barres, et du Blast Club, une plateforme d’investissement, s’est peu à peu imposé.

"J’étais peut-être un poil virulent au début. Je voulais compenser le surplus de bienveillance de l’émission, estime aujourd’hui Anthony Bourbon auprès de L’Express. Que le téléspectateur ait une vision plus authentique du business." A la télé comme dans la "vraie vie", Anthony Bourbon veut montrer la dureté de l’entrepreneuriat, surtout "quand on vient d’en bas". Son credo : armer Monsieur et Madame Tout-le-Monde pour qu’ils puissent eux aussi "réaliser leur plein potentiel" - ce qui, pour lui, équivaut souvent à dire : gagner beaucoup d’argent. "Quand j’observe la reproduction sociale des élites - qui ont toutes fait les mêmes grandes écoles, évoluent dans le même milieu -, et que je vois les écarts entre les riches et les pauvres, je me dis que ma mission, c’est d’essayer de déclencher une forme de changement sociétal", avance-t-il.

"Constructif" mais "clivant"

Sens de la formule, manière de capter la lumière : M6 semble avoir trouvé en Anthony Bourbon son Bernard Tapie version 2024. "Il peut être constructif tout en étant clivant, estime Jonathan Curiel, directeur général adjoint des programmes de M6, W9 et 6Ter. Son discours est audible, parce qu’il a eu un parcours de vie cabossé. Il peut donc se le permettre." Le trentenaire, né en 1988, a raconté des dizaines de fois son enfance dans la classe moyenne - un père violent, contrôleur à la SNCF, une mère VRP dans le matériel électronique - dans la banlieue de Bordeaux. La rue qu’il a connue quelques mois à l’approche de sa majorité, après la séparation de ses parents. L’enchaînement des combines et des projets d’entreprise - vente de programme de calculettes au lycée, de scooters, d’automobiles, puis d’immobilier ou d’import-export… "Et même de pâtisseries surgelées en Turquie !", s’amuse-t-il. La création de Feed en 2016 avec sa complice de toujours, Mélanie Der, rencontrée en 2010, pendant ses études - du droit avant un master 2 en sciences de l’immobilier.

Son talent de storytelling a vite attiré l’attention du monde de l’édition. Ayant eu vent de la participation prochaine de l’entrepreneur à la seconde saison de QVEMA, les éditions Michel Lafon le contactent, intéressées par "son parcours de vie rocambolesque, avec des moments très durs", raconte son éditrice, Marie Barlois. De cette rencontre sort en 2022 un livre au titre évocateur : Forcez votre destin. Adossé à la communauté et au succès de l’émission, l’ouvrage s’est vendu à plus de 20 000 exemplaires. Un second opus est d’ailleurs en discussion entre Lafon et les équipes de Bourbon.

Trouvez votre WHY"

Dans ce premier livre, il reprend son histoire, développe ses conseils sur 200 pages : "Trouvez votre WHY" - votre raison d’avancer, intime-t-il à ses lecteurs - pour que chacun "réalise son potentiel". Au milieu des conseils marketing et du développement personnel, le Bordelais déroule un discours politique structuré. Il cite souvent Enfances de classe, l’ouvrage du sociologue Bernard Lahire, qui raconte à hauteur d’enfants les inégalités sociales. "Anthony le dit toujours : si vous venez d’en bas, vous devez travailler quatre fois plus mais pour “seulement” y arriver deux fois mieux", résume Mélanie Der.

Dans son livre, il tance la reproduction sociale : "Les venture capitalists sont les investisseurs qui financent les start-up. Ils se connaissent tous, vivent sur leurs acquis, passent beaucoup de temps à parler, s’échangent des postes. Toujours les mêmes noms bien français et souvent à particule." Il évoque, également les gilets jaunes - dont il a aimé "l’énergie" mais pas la "méthode"- et sa détestation des élites politiques. "Malgré les apparences, nous ne sommes pas dans une véritable démocratie, mais dans un système oligarchique", écrit-il. Son ouvrage n’est pas qu’un outil de dénonciation : taxation et héritage - qui doivent être indexés sur le mérite -, scolarité - il faudrait mettre fin à l’école privée -, fin de la Ve République… Bourbon déroule des pistes de réflexion déroutantes pour un individu qui dit ne vouloir s’occuper que de business.

"Un produit de la République"

"J’essaie de tenir un discours qui pourrait sembler politique, mais qui est en réalité davantage “motivationnel”, assure le trentenaire, qui dit voter blanc mais ne nie pas son intérêt pour la chose publique. "On me demande souvent si je veux faire de la politique, reconnaît-il. Evidemment, ça m’intrigue, parce que c’est l’endroit où l’on peut le plus changer les choses. Mais je suis convaincu que l’on peut réussir à avoir un impact à travers l’entrepreneuriat."

"Je pense que son rêve secret, c’est d’être président de la République, imagine son ami Eric Larchevêque. C’est là qu’on peut vraiment changer les choses, et il a de grandes ambitions. Mais je crois qu’il ne l’avouerait que sous la torture." Anthony Bourbon a déjà son fan-club : il était l’invité d’honneur du Chinese Business Club, qui met en relation des hauts fonctionnaires, des chefs d’entreprise et des politiques. "Ce jour-là, nous avons eu 500 demandes pour 300 convives présents au déjeuner. Je n’avais jamais vu ça", raconte Harold Parisot, le président du club. "Réussir sa vie, c’est d’abord choisir, c’est d’avoir envie, de tout devenir", chantait Bernard Tapie au milieu des années 1980. A l’époque, il animait une émission au concept étrangement similaire : aider les Français à créer leur société.

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