Souveraineté énergétique : le futur projet de loi amputé de tout objectif en matière de climat
Le gouvernement a décidé d'amputer l'avant-projet de loi sur la "souveraineté énergétique" de tout objectif en matière de climat et de choix des énergies, assurant vouloir "prendre davantage de temps" pour la discussion au moment où Bruno Le Maire se saisit du portefeuille Energie.
En plein travail sur le texte, mis en consultation début janvier, les représentants des élus, ONG, syndicats, patronat... ont été informés mercredi de ces bouleversements, qui ont suscité l'incompréhension et la consternation notamment des associations environnementales.
Désormais, le projet, censé fixer le cap de la France pour sortir des énergies fossiles, est privé de son titre Ier consacré à la programmation énergétique. Restent les volets régulation des prix, protection des consommateurs et régime des barrages hydroélectriques. "Nous avons décidé de reporter l'inscription de ce volet programmatique dans la loi. Ce temps devrait nous permettre de finaliser le travail de consultation sur notre stratégie pour l'énergie et le climat", a in fine expliqué le ministère de l'Economie, soulignant l'intention du ministre de rencontrer tous les acteurs et "trouver les consensus". Bercy n'a pas précisé dans l'immédiat si ce volet figurerait dans un autre projet de loi ou relèverait de la voie réglementaire.
Le sujet - quelles énergies pour la France à horizon 2030 et 2035, quels objectifs de réduction de consommation énergétique, etc. - a fait l'objet depuis mai 2023 de réunions de groupes de travail multipartites sous l'égide du précédent ministère. Puis est arrivé cet avant-projet de loi, rendu public le 8 janvier et qui, désormais allégé, doit être présenté d'ici début février en Conseil des ministres.
Quel débat ?
Le texte avait fait bondir nombre d'acteurs de l'énergie du fait de l'absence d'objectifs chiffrés pour les énergies renouvelables électriques (solaire, éolien), jusqu'ici actés dans la loi. En revanche, il fixait des objectifs précis pour l'énergie nucléaire, une priorité pour le président Emmanuel Macron et pour Bruno Le Maire, chargé de l'Energie depuis le remaniement jeudi dernier. Il fixait aussi de nouveaux objectifs de réduction des gaz à effet de serre et d'économies d'énergies de la France, sous des termes cependant moins engageants qu'aujourd'hui (avec une formulation engageant à "tendre vers" ces objectifs). Plus rien de tout cela ne figure dans cette "saisine rectificative au projet de loi relatif à la souveraineté énergétique", désormais frappé de l'en-tête du ministère de l'Economie.
"Les ONG sont catastrophées par ce premier effet concret du transfert du ministère de la Transition énergétique à Bercy", a réagi Anne Bringault, du Réseau Action Climat (RAC), membre du Conseil national de la transition écologique (CNTE), consulté obligatoirement pour ce type de projets. Cette décision "laisse craindre une disparition pure et simple du débat parlementaire sur le cap proposé par le gouvernement pour la transition écologique", ont réagi diverses organisations (RAC, FNE, WWF, CFDT, LPO, Humanité et Biodiversité) dans un communiqué commun. Sandrine Bélier, pour Humanité et Biodiversité, autre membre du CNTE, dénonce "le manque d'explication et le manque de respect pour le travail déjà engagé". "Nous demandons à être reçus par le Premier ministre, pour connaître ses engagements sur l'accélération de la transition écologique et énergétique."
Interpellé à l'Assemblée nationale par la députée écologiste Julie Laernoes, Bruno Le Maire a cependant assuré que sa priorité était bien d'accélérer "la transition climatique", citant "la sobriété", "l'efficacité énergétique", les "renouvelables, l'éolien, les panneaux photovoltaïques, la géothermie, les pompes à chaleur" et "la réalisation des six nouveaux réacteurs nucléaires".