World News in French

Conférence de presse d'Emmanuel Macron : le "reset", c’est 2017

Conférence de presse d'Emmanuel Macron : le

"Pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient", a-t-on l’habitude de décréter, tout particulièrement dans cet univers rempli d’aphorismes qu’est le monde politique. Ce mardi soir, dans la salle de fêtes de l’Élysée, Emmanuel Macron n’a pas dit pas autre chose. Pas aussi crûment, convenons-en. Allergique à l’immobilisme - ou, du moins, à l’idée qu’on puisse lui en faire le procès -, c’est le verbe haut et conquérant, les poings serrés, le ton convaincant, que le chef de l’État a décliné, lors de sa conférence de presse, les orientations de l’acte 2 de son second quinquennat.

Un nouveau chapitre après la réforme des retraites et la loi immigration, symbolisé par la nomination d’un nouveau Premier ministre, au cours duquel "l’audace, l’efficacité et l’action" du gouvernement devront répondre aux défis de ce "moment décisif" dans l’histoire de notre nation. Cela valait bien un grand rendez-vous avec les Français. Mais, manifestement, pas une révolution.

Il pioche dans son livre-programme de 2017

En parlant de "Révolution", Emmanuel Macron ne serait-il pas allé piocher ses nouvelles recettes du côté de son livre-programme du même nom, publié au cours de la campagne 2017 ? En réaffirmant vouloir "sortir des codes et des cases", "libérer les énergies", lutter contre les "déterminismes sociaux, familiaux" et les assignations à résidence, le chef de l’État semble avoir fait une cure de jouvence sémantique.

Bien sûr, il débauche lui-même une nouvelle eau pour son moulin : il cite nommément Rachida Dati, sa ministre de la Culture issue des Républicains - la seule à avoir eu droit à ce traitement -, et justifie sa nomination par le fait que son visage à lui seul illustre l’ascenseur social républicain et la volonté présidentielle de "mettre fin à cette France du ’C’est pas fait pour moi'." Quelques ingrédients changent, mais le fond de sauce reste peu ou prou le même. Est-ce l’influence du retour au Château de l’ex-plume Jonathan Guémas, devenu conseiller en communication et attaché au macronisme originel comme à la prunelle de ses yeux ? Est-ce le désir de marquer une continuité tout en faisant mine de "se réinventer", comme il le souhaitait après la crise du Covid ?

Dynamisme voire transgression, donc, d’un côté ; "bon sens" et "efficacité", de l’autre. Combien de fois Emmanuel Macron a-t-il prononcé ces mots lors de cette conférence de presse, que ce soit dans son propos liminaire ou dans ses réponses aux questions des journalistes assis face à lui ? La France elle-même, selon ses termes, doit "demeurer cette nation de bon sens". Là encore, retour en 2017 : face aux idéologies, aux scléroses, aux rentes, le pragmatisme serait une valeur cardinale à suivre comme l’étoile du berger. Une hygiène grâce à laquelle il serait impossible de s’égarer.

On imagine aisément la visée : s’adresser aux Français, en particulier aux classes moyennes, qui réclament davantage de simplifications et moins de normes en tout genre. Mais, six ans et demi après, il n’est pas inutile de se demander si c’est une bonne nouvelle pour le macronisme de se trouver encore ici aujourd’hui. Emmanuel Macron aime l’histoire, Emmanuel Macron aime les idées, Emmanuel Macron aime l’histoire des idées : le "bon sens" peut-il, en 2024, demeurer l’axe central d’une doctrine ? D’un corpus ? Dans ce cas, courage à celles et ceux qui, dans son camp, comptent succéder au président : il faut bien du talent pour naviguer avec un concept si peu palpable.

Les mises à jour de 2022

Ce grand retour aux sources aux airs de nouvel élan se veut tout de même mâtiné des mises à jour de 2022. Dans la lignée de sa seconde campagne, Emmanuel Macron poursuit l’objectif d’un "réarmement" de la nation, de ses codes, ses valeurs ; d’une solidification de l’identité collective française. À l’émancipation individuelle des débuts vient s’ajouter ce projet autour de la République, de l’autorité et de la responsabilisation. Un pour tous, tous pour un. Il en va de la tenue unique, prochainement expérimentée dans une centaine d’écoles, comme de la généralisation du Service national universel, en passant par la refondation de l’instruction civique, voire de la relance de la natalité.

Le chef de l’État flatterait même au-delà de son électorat : "Pour que la France reste la France", a-t-il lancé, reprenant ainsi un slogan des LR, lequel a été rattrapé depuis, pendant la dernière campagne présidentielle, par Éric Zemmour. Tout en reprenant ses classiques, Emmanuel Macron assume ce que sa dernière équipe gouvernementale laissait présager : un glissement à droite assumé, dans l’imaginaire comme dans les mesures annoncées : l’instauration du critère du "mérite" en plus de l’ancienneté dans l’avancement des fonctionnaires et ses multiples références à l’ordre en témoignent.

Pour le reste, pas de "big bang". Pas de réels nouveaux ballons d’essais envoyés par ce président du dernier quart d’heure qui, parfois, sait étonner son monde avec une idée sortie du chapeau. La plupart des annonces formulées par le chef de l’État étaient dans les tuyaux, sinon en cours de réalisation. L’instauration d’un nouveau "congé de naissance" pour les pères et mères avait été dévoilée dans les colonnes de L’Express par l’ex-ministre des Solidarités et des Familles Aurore Bergé.

L’introduction du théâtre comme "passage obligé" au collège avait été explorée par Gabriel Attal lorsqu’il était à l’Éducation. Et la réflexion concernant "le bon usage des écrans pour nos enfants" n’en est encore qu’à ses balbutiements, le dossier ayant été confié à un groupe d’expert la semaine dernière. Emmanuel Macron a donné rendez-vous aux Français ce mardi, non pas pour fixer un nouveau cap, mais pour réaffirmer l’existant. Avec talent, pugnacité, mais aussi avec nostalgie. Pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient. Et peut-être même y retourner, l’air de rien.

Читайте на 123ru.net