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YouTubeur, lycéenne, retraité et même curé : qui sont ces arbitres dans la Creuse ?

YouTubeur, lycéenne, retraité et même curé : qui sont ces arbitres dans la Creuse ?

Ils n’ont apparemment rien en commun. Ne sont pas de la même génération, n’ont pas le même quotidien. Leur terrain d’entente ? C’est celui du foot, où ils se posent chaque week-end en arbitres. Rencontre avec ces quatre passionnés : une lycéenne, un retraité, un YouTubeur et un curé.

Les dimanche de Marie-Debrice Tiomela ne sont pas de tout repos. C’est même sans doute sa journée la plus chargée de la semaine. Ce jour-là, bien souvent, tout juste a-t-il le temps de troquer sa soutane contre le short. Le sacrifice pour jongler entre une vocation et une passion. Prêtre depuis près de trois ans à Felletin, le quadragénaire est aussi arbitre pour le club local.

« En fait, je joue au foot depuis le berceau, lâche-t-il. Et quand je suis arrivé dans le Limousin pour être prêtre à Limoges, je me suis inscrit dans un club. Puis, en arrivant à Felletin, j’ai pris une licence de joueur au club. J’ai finalement opté pour l’arbitrage parce que, pour moi, c’est moins contraignant que les matchs. Je peux courir pour maintenir la forme sans avoir à m’entraîner tout le temps. C’est plus cohérent. Et c’est une aide pour le club. » Même si, il le reconnaît volontiers, avec ses soixante-cinq communes sur la paroisse de Felletin, « c’est une folie de devenir arbitre en plus ».

Les arbitres de football de moins en moins nombreux en Limousin

Une folie ? C’est peut-être ce que vous dirait la femme de Jean-Claude à voir son mari prendre le sifflet chaque week-end depuis trente ans. « C’est vrai que pour la famille, c’est un peu lourd », reconnaît cet arbitre de l’Entente sportive guérétoise qui cumule les casquettes : commission arbitrage, responsable des jeunes arbitres… « Les samedi, j’accompagne les jeunes, le dimanche, j’arbitre. » Bon, lui est à la retraite, soit. N’empêche. Sacrifier du temps en famille, c’était un peu la condition sine qua non pour rester sur le terrain. Malgré tout. Car, le sexagénaire qui a joué au foot pendant quinze ans a été mis hors-jeu par une blessure.

"L’arbitrage, c’était une manière de rester dans le foot. Et avec du recul, j’aurais épousé cette carrière dès le début. J’adore."

Rayan Herry n’a que vingt ans, lui, mais s’il a troqué les crampons contre le sifflet, c’est aussi suite à un pépin de santé. « Je jouais beaucoup quand j’étais gamin puis je m’étais un peu lassé, à cause de la mentalité du foot en club. À l’été 2021, j’ai eu envie de rejouer après l’Euro et Mbappé qui rate son penalty. Je me réinscris dans un club mais je fais un pneumothorax. Je ne dois plus refaire de sport pendant deux mois mais ça me démange donc je rejoue et je refais un pneumothorax ! Alors, j’ai décidé de découvrir quelque chose d’autre dans le foot. Coaching ? Arbitrage ? »

Depuis deux ans, maintenant, il arbitre pour le club de La Souterraine. « Ça me plaît, dit-il. Je suis passionné. » Et comme il l’est aussi par les vidéos, « par l’idée de partager des choses, le graphisme, le montage », après, deux, trois matches, il a décidé de « partager tout ça, les matchs, les réactions » sur YouTube. « Tout de suite, les gens ont adoré. Moi, ça me permet aussi d’analyser et de m’améliorer. Et puis, si ça peut changer l’image de l’arbitre. » Et accessoirement aussi motiver de futures vocations ?

"Oui. Franchement, si je devais inciter des jeunes à se lancer dans l’arbitrage, je dirais que ça responsabilise beaucoup. On grandit plus vite – on ne peut pas se permettre d’arriver en retard par exemple – ça demande de l’organisation, de la rigueur qui nous sont utiles dans la vie de tous les jours. On a aussi plus de recul, de sang-froid, on gère mieux nos émotions…"

Mayli Penot en est la preuve vivante, vous dirait sa maman. À tout juste quinze ans, la lycéenne guérétoise a arbitré son premier match en décembre à Gouzon. Arlette y a tout juste reconnu sa fille : « Ce qui nous fait bizarre, c’est qu’elle est plutôt timide et sur le terrain, elle est très différente. Moi, j’avais quand même un peu peur pour elle – même si on l’a encouragée quand elle nous a dit qu’elle voulait être arbitre – et finalement, je la vois très autonome ».Toute la famille de sportifs, supporters de l’OM, a d'ailleurs soutenu la jeune fille quand elle a décidé de se lancer dans l’arbitrage.

"On regardait les matchs à la télé en famille, mon frère joue à Guéret et lui aussi a commencé l’arbitrage. Ça m’a plu alors j’ai décidé de faire la formation. Et maintenant quand je regarde un match à la télé, je le regarde aussi avec un œil d’arbitre."

« Pour les jeunes, l’arbitrage, c’est l’école de la vie, confirme d’ailleurs Jean-Claude, qui fut l’un des premiers à encourager la jeune Mayli dans cette voie. C’est bien de débuter jeune, ça permet de monter plus vite. Et plus vous arbitrez haut, plus c’est intéressant. Arbitrer à un haut niveau, ça m’aurait plu, oui mais aujourd’hui, ce foot-là m’a tellement déçu… L’équipe de France, je ne la suis quasiment plus depuis qu’ils ont fait leur grève dans le bus. Nous, les petits clubs, on doit pleurer pour avoir un ballon ou un jeu de maillots et eux, ils roulent sur l’or et font grève, ce sont des enfants gâtés… »

Heureusement, il reste le terrain amateur pour combler l’arbitre. Malgré les insultes qui pleuvent parfois depuis la touche et les tribunes, l’envie reste intacte : « Je n’ai jamais eu envie d’arrêter et tant que j’ai l’envie, la passion et surtout la santé, je continue ». Plus jeune dans le métier, Rayan savoure lui aussi cette manière « de redécouvrir le foot et de rencontrer plus de monde qu’en jouant ».« Ceux que je rencontre le dimanche après-midi, je ne les aurais peut-être jamais croisés, reconnaît le père Marie-Debrice Tiomela. J’apporte ainsi ma contribution à la vie sportive et locale tout en assurant une présence ecclésiale. Si les gens ne viennent pas vers l’église, c’est aussi à l’église d’aller vers eux. » Sans y prêcher la bonne parole, sans intention d’y convertir les foules.

"Mais, vous savez, les valeurs de l’olympisme sont celles qui ont été avant tout portées par l’église. Et être attentif aux gens, faire du bien, ce n’est pas le privilège de l’église, ce sont des choses qui nous incombent en tant qu’hommes."

Quant à susciter des vocations pour le dimanche, matin ou après-midi… « On manque de tout en tout, dans n’importe quel métier, dans n’importe quelle association. La tranche d’âge des personnes qui peuvent s’engager, on n’en a plus. Les gens s’engagent mais de manière ponctuelle. L’engagement dans la durée fait peur… » Mais pas à lui, quand bien même l’engagement soit double. Certes, ses dimanche ne sont pas de tout repos mais il « essaie, autant que faire se peut, de partir le lundi dans un lieu calme ». 

Son rôle d’arbitre, Rayan Herry ne l’appréhende pas différemment. Il a certes moins d’expérience que Jean-Claude Villatte mais il n’en a pas moins la même sagesse, le même recul.

« Moi, je suis sur le terrain pour que tout se passe bien. Je suis un partenaire de jeu et si je ne siffle pas pendant 90 minutes, je suis très content. Je suis au service du jeu et je m’entraîne pour toujours faire mieux. Sur le terrain, je reste très concentré. Et s’il y a des insultes, oui, c’est malheureux, mais ça s’est tellement banalisé… Alors, on ferme les oreilles. Sauf en cas d’insultes homophobes, racistes, sexistes, là, on peut arrêter le match. » 

Séverine PerrierPhotos : Bruno Barlier et Rayan Herry

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